lundi 4 février 2008

4ème dimanche du temps ordinaire

4ème dimanche du TO / A
3 février 2008
Matthieu 5, 1-12 (page 497)
Prêcher sur les Béatitudes a toujours été pour moi un exercice redoutable… C’est toujours à la fois stimulant et impressionnant de se confronter personnellement à cet enseignement du Seigneur pour en parler aux fidèles que vous êtes. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble bon de remettre dans son contexte littéraire ce commencement solennel du sermon sur la montagne. Dimanche dernier nous avons entendu la toute première prédication du Christ : « Convertissez-vous, car le Règne de Dieu est là. » Cela nous donne déjà une clef de lecture pour aborder les Béatitudes. Dans l’Evangile de ce dimanche, le Seigneur nous montre concrètement les chemins de cette conversion. Mais à l’autre bout du sermon sur la montagne nous avons aussi une indication précieuse pour lire les Béatitudes : « Donc vous, vous serez parfaits comme votre Père du Ciel est parfait. » Vivre les Béatitudes c’est donc vivre de la vie même de Dieu, c’est viser à cette perfection évangélique dont nous trouvons l’accomplissement dans la personne de Jésus. Les Béatitudes n’ont rien d’un enseignement élitiste, au contraire c’est à la foule que Jésus s’adresse du haut de la montagne. Les Béatitudes ne sont pas un enseignement moral, un code législatif, mais bien un chemin vers notre bonheur et celui des autres : « Heureux ! » Qu’il est important pour nous de comprendre que notre conversion est un chemin de bonheur et que le bonheur véritable ne se trouve que dans la mesure où nous aspirons à être parfaits comme notre Père céleste. Dans les Béatitudes, le Seigneur ne nous propose pas un bonheur au rabais, et pour bien nous le faire comprendre il utilise des formules choc.
Je me limiterai en ce dimanche à la première des Béatitudes, car si Jésus la place en tête de toutes les autres ce n’est pas par hasard : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! » Une première remarque renforcera encore l’importance de cette Béatitude. La plupart des Béatitudes sont exprimées au futur, par exemple : « Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! » Seules la première et la dernière promettent le Royaume pour maintenant : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! » Une deuxième remarque m’amènera à citer le passage parallèle en saint Luc : « Heureux, vous les pauvres, parce que le Royaume de Dieu est à vous ! » Cette Béatitude est accompagnée chez Luc par une lamentation concernant les riches : « Mais malheureux, vous, les riches, car vous avez reçu votre consolation ! » Alors que retirer de tout cela pour notre vie chrétienne ? Matthieu parle de la pauvreté spirituelle et Luc plutôt de la pauvreté matérielle. Dans un premier temps, constatons le fait suivant qui est un fait d’expérience : l’homme comblé, ayant tout ce qu’il désire grâce à sa richesse, risque bien de passer à côté de l’essentiel de sa vie. C’est dit clairement dans la parabole du semeur : lorsque la semence de la parole divine tombe dans les épines, elle reste stérile. Et ces épines représentent entre autres choses « les illusions de la richesse. » Mais il est un autre fait d’expérience : lorsqu’un être humain souffre de la pauvreté et qu’il manque de la sécurité fondamentale pour vivre, la spiritualité peut lui apparaître comme un luxe. Bref ce n’est pas sa priorité. Sa priorité c’est de trouver de quoi survivre ! Et lorsque Marie dit dans son Magnificat que Dieu comble de bien les affamés et renvoie les riches les mains vides , nous savons bien qu’il s’agit ici de ceux qui ont faim et soif de la justice… Le pauvre est proclamé heureux non pas à cause de sa pauvreté mais parce qu’il ressemble à Dieu, nous y reviendrons. Maurice Zundel nous aide à y voir plus clair : « Il ne s’agit point ici de glorifier et de perpétuer la misère imposée monstrueusement à tant d’être humains par l’égoïsme ou l’inconscience de leur semblables, mais de susciter en l’âme, alourdie du poids de ses désirs, la pauvreté intérieure par laquelle l’homme se dépossède librement de soi-même, pour faire de toute sa personne un don vivant… La pauvreté qui est l’amour. » Zundel a lutté toute sa vie pour enlever de l’esprit des chrétiens les fausses images de Dieu, les idoles. Et il a osé dire dans sa méditation du mystère trinitaire que Dieu est le pauvre par excellence et non pas un monarque absolu et dominateur, repu de richesses. Oui, Dieu ne possède rien, il est entièrement Don parce qu’Il n’est qu’Amour. C’est vrai dans sa vie intime, celle de la Trinité. C’est aussi vrai dans l’acte créateur : Dieu ne crée pas le monde pour avoir des richesses mais pour communiquer son amour. Et le Concile Vatican II nous donne une grande lumière pour comprendre la Béatitude de la pauvreté intérieure : « Il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celles des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même . » La première Béatitude nous met devant une alternative : possession ou don, que ce soit au niveau matériel ou spirituel. Etre pauvre de cœur, c’est choisir de se donner par amour à Dieu et aux autres. C’est choisir librement et joyeusement de partager ses biens avec ceux qui survivent dans la misère. Ce n’est pas la richesse qui est une malédiction, mais bien notre égoïsme et notre renfermement sur nous-mêmes. Amen.

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