lundi 18 février 2008

Deuxième dimanche de Carême

2ème dimanche de carême / A
17 février 2008
Matthieu 17, 1-9 (page 70)
Nous venons d’entendre le récit de la Transfiguration du Seigneur dans la version qu’en donne saint Matthieu. Cet événement de la vie du Christ est tellement important que l’Eglise catholique lui consacre une fête particulière le 6 août. La vision telle qu’elle est décrite par l’évangéliste se déroule en trois temps bien distincts.
Le premier temps est à proprement parler celui de la transfiguration de Jésus. Là sur la montagne, à l’écart des foules, « son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière ». Nous pouvons imaginer sans peine la beauté et la splendeur de cette vision. Toute la tradition de l’Eglise a lu les paroles du psaume 44 en pensant au Christ : « Tu es beau, comme aucun des enfants de l’homme ». Et à la fin de cet épisode Jésus utilise le titre de « Fils de l’homme » en se l’appliquant à lui-même. La réaction de Pierre bien quelle soit teintée de naïveté traduit bien le bonheur qu’il a dû ressentir en contemplant son Maître transfiguré : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! » On pourrait aussi traduire en disant : « Il est beau et bon que nous soyons ici ».
Le deuxième temps est celui d’une théophanie trinitaire : une manifestation de Dieu dans son mystère intime. Jésus, le Fils, est là rayonnant de la gloire divine. Une nuée lumineuse apparaît, c’est le Saint Esprit, et la voix du Père se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Et voilà que le rêve semble se transformer en cauchemar pour les disciples : ils passent en un instant du bonheur d’être en présence de Dieu à une grande frayeur qui les projette littéralement à terre.
Le troisième temps est celui du réconfort divin : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! » Cette fois il n’y a plus que la présence de Jésus, lui seul, sans Moïse ni Elie, sans la nuée lumineuse et la voix du Père.
Pour bien comprendre cette succession de temps dans le récit et les réactions diverses qu’elle suscite chez les disciples, nous devons nous reporter à un épisode central du livre de l’Exode, aux chapitre 19 et 20 : l’Alliance entre Dieu et son peuple par l’intermédiaire de Moïse avec le don des dix commandements. Et le lieu que Dieu choisit pour sceller cette alliance c’est la montagne du Sinaï. Quelle est donc la réaction du peuple resté au bas de la montagne ? « Le peuple en tremblait et se tenait à distance. Alors tous dirent à Moïse : ‘Parle-nous toi, et nous t’écouterons, mais que Dieu ne nous parle pas, ou nous allons mourir !’ ». L’auteur de la lettre aux Hébreux rappelle cette épisode de l’Ancienne Alliance pour bien faire comprendre aux chrétiens la nouveauté apportée par l’Alliance en Jésus-Christ : « Rappelez vous votre initiation. Il n’y a pas eu de feu qui brûle physiquement, pas de nuée obscure ou d’ouragan, ni le son de la trompette et cette voix qui parlait de telle façon que ceux qui l’entendirent demandaient de ne plus l’entendre. […] Mais vous êtes venus jusqu’à Dieu… Là était Jésus, le médiateur de la Nouvelle Alliance, avec le sang de l’aspersion qui crie beaucoup plus fort que le sang d’Abel. » Il est donc évident que sur la montagne de la Transfiguration Jésus nous est présenté par Matthieu comme le Nouveau Moïse. Et la Transfiguration est un événement majeur de la Nouvelle Alliance de Dieu avec son peuple, non plus le Dieu unique d’Israël mais le Dieu qui se révèle dans la Trinité des personnes.
Quel enseignement pouvons-nous donc retirer de ce mystère lumineux pour nos vies ? Bien des incroyants disent : si Dieu se manifestait à moi de manière visible, alors je croirais… Et bien des catholiques sont friands de visions et d’apparitions… Le peuple d’Israël, lui, demandait surtout de ne pas voir Dieu, tellement la vision de la transcendance divine était effrayante ! La Transfiguration nous rappelle que nous avons l’immense grâce de vivre sous le régime de l’incarnation. C’est la sainte humanité de Jésus et elle seule qui est pour nous le visage de Dieu, la Parole de Dieu. Désormais Dieu se révèle dans la beauté et la douceur de Jésus. A la suite d’Augustin, Maurice Zundel affirme que le Dieu véritable est « un au-delà au-dedans, plus intérieur à nous-mêmes que le plus intime de nous-mêmes ». Pour lui « la transcendance de Dieu est l’excès même de son intériorité par rapport à nous. Dieu est une immanence absolue, c’est-à-dire qu’il est pur dedans. Nous, au contraire, sommes dehors, comme l’affirmait Augustin : ‘Tu étais dedans, mais c’est moi qui étais dehors.’ » Nous n’avons pas d’autre lieu que Jésus pour trouver Dieu, donc pas d’autre chemin que l’homme. C’est la logique de l’incarnation. « Comment concevoir, se demande Zundel, que Dieu puisse se révéler sans prendre racine dans notre intimité et nous apparaître sans transparaître à travers nous, sans devenir lumière en nous ? » « L’Evangile, pratiquement, c’est nous-mêmes. L’Evangile, c’est, dans la vie quotidienne, notre visage où le visage de Dieu veut transparaître ». Amen.

Aucun commentaire: