jeudi 22 mars 2007

4ème dimanche de Carême

4ème dimanche de Carême / année C
18 mars 2007
Luc 15, 1-3 / 11-32 (page 182)

Qui ne connaît pas la parabole du fils prodigue ? Cette parabole résonne à l’oreille et au coeur de tout chrétien depuis ses années de catéchisme. A un tel point qu’elle fait partie des classiques de la Bible, bref c’est un texte incontournable. Cette parabole fait partie d’un ensemble plus vaste : le chapitre 15 de l’Evangile selon saint Luc. En ce quatrième dimanche de Carême, nous avons l’introduction au chapitre 15 et la parabole du fils prodigue. La liturgie nous fait sauter les deux autres paraboles de la miséricorde, plus courtes il est vrai : la brebis perdue et la pièce perdue.
En deux versets saint Luc campe le décor concret des paraboles de la miséricorde. Comme souvent, le Seigneur part d’un évènement concret pour donner son enseignement en paraboles. Nous avons d’un côté les publicains et les pécheurs qui vont vers Jésus pour l’écouter, et de l’autre, en opposition symétrique, les pharisiens et les scribes qui récriminent contre lui ! D’un côté nous avons donc ceux qui écoutent la parole de Jésus, et de l’autre ceux qui parlent contre lui, ceux qui médisent. D’un côté il y a le groupe des pécheurs qui adopte une attitude de disciple, de l’autre celui des maîtres religieux devenus incapables d’écouter sans juger. Quel est donc le problème ? Le Seigneur « fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » Pour les maîtres religieux cette attitude est inadmissible, elle est proprement scandaleuse… Ils remettent en cause la pastorale de Jésus qui est une pastorale de l’accueil, de la bienveillance et du compagnonnage. Ne nous disons pas trop rapidement que nous ne sommes plus concernés par ce débat ! En lisant certains textes de saint Paul, on constate que l’Apôtre était plus proche des pharisiens et des scribes que de celui qu’il voulait servir, Jésus ! Je ne donnerai qu’un exemple significatif dans la deuxième lettre aux Corinthiens : « Pas d’alliance contre nature avec ceux qui ne croient pas. Peut-on associer le péché et la vie sainte ? Peut-on unir la lumière et les ténèbres ? Le Christ va-t-il parler comme Béliar et l’incroyant partager le sort de celui qui croit ? Voudriez-vous installer des idoles dans le temple de Dieu ? »
Le manichéisme de Paul ne semble pas être fidèle à l’attitude de Jésus telle que nous la connaissons par les Evangiles…
Au lieu de défendre son attitude par un discours argumenté, le Seigneur répond par trois paraboles, dont celle du fils prodigue ou des deux fils. Mon attitude vous scandalise ? Eh bien, c’est la preuve que vous ne connaissez pas le Dieu que vous prétendez servir. Car je ne suis qu’un pur reflet de la miséricorde du Père. Mon attitude vous révèle le cœur de ce Père dont je suis le Fils unique et bien aimé.
La parabole des deux fils remet en question le manichéisme qui est une tentation permanente des hommes religieux et zélés, et qui est souvent un signe de fanatisme religieux. Il n’y a pas d’un côté le mauvais fils, le plus jeune, et de l’autre le bon fils, l’aîné ! Le fils prodigue n’a pas que des défauts et le fils aîné n’a pas que des qualités !
Quel est le péché du fils prodigue ? Celui qui consiste à vouloir vivre de manière totalement indépendante vis-à-vis du Père. Il pèche en croyant qu’il sera plus heureux ailleurs, dans un autre monde que la maison de son père. Ce faisant il ne se rend pas compte que tout ce qu’il est, il le doit à son Père. S’il est libre de partir pour un pays lointain, c’est que le Père lui donne la liberté. S’il peut faire son voyage, c’est encore parce qu’il hérite du Père sa part de biens. La parabole illustre à merveille le mauvais usage que nous pouvons faire des dons de Dieu. Mais le fils prodigue n’est pas qu’un pécheur. Alors qu’il touche le fond de sa déchéance symbolisée par les porcs et la famine, ses qualités de coeur se révèlent au plein jour. Il est capable de se remettre en question : il réfléchit. Il est capable de faire marche arrière : il décide de retourner chez son père. Et surtout il a un coeur humble : il ne veut pas retourner chez son père en tant que fils. Il se considère indigne de garder ce rang de fils après sa faute : « Prends-moi comme l’un de tes ouvriers ». Phrase qu’il ne pourra même pas prononcer tant la miséricorde du Père est grande !
Quant à son frère aîné, il est l’image du fils fidèle, obéissant et travailleur. Lui aime bien vivre dans la dépendance de son père. Mais voilà que l’accueil festif réservé à son jeune frère va révéler son péché. Et ce péché est double : colère et jalousie, deux péchés capitaux. Le péché le plus grave vient après, dans ce reproche aigri qu’il adresse à son père venu à ses devants pour le sortir de sa bouderie et l’inviter à la fête : « Jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. » Pour moi, la réponse du père est l’un des sommets spirituels de cette parabole : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi et à toi. » Le père essaie de faire comprendre à son fils emporté par la jalousie que son plus grand bien c’est justement cette vie de communion avec son père. Le Père du ciel ne peut pas nous donner de plus grand bien que la vie de communion et d’amour avec lui. Le fils aîné connaît une tentation fréquente : préférer les dons de Dieu à Dieu lui-même, préférer les créatures au Créateur.
Dans cette parabole, seul le Père est parfait : parfaitement saint et miséricordieux. Il aime également ses deux fils. Dieu aime les pécheurs et les publicains, Dieu aime aussi les pharisiens et les scribes. Ce que Dieu n’aime pas, c’est l’orgueil des hommes religieux qui se croient toujours parfaits alors qu’ils sont en chemin, qui se croient meilleurs que les autres, alors qu’ils pèchent aussi sept fois par jour pour reprendre une expression biblique. Ce que Dieu n’aime pas, c’est l’attitude de ceux qui se construisent une réputation de sainteté en jugeant les autres comme des pécheurs infréquentables. Ce que Dieu ne peut tolérer, c’est que certains puissent diviser l’humanité en deux camps : celui des bons et celui des méchants. Seul Jésus, Fils unique du Père, est le Fils parfait, sans péché. Les deux fils de la parabole, à travers leurs péchés respectifs, sont un vivant appel au mystère de l’incarnation, au nouvel Adam : qu’enfin un membre de notre humanité puisse être pleinement fils du Père ! En Jésus Christ et uniquement en Lui, nous avons cette merveilleuse possibilité : devenir une créature nouvelle. Faisons un bon usage de notre liberté et des dons du Père pour grandir jour après jour dans la joie de notre filiation adoptive.
Amen !

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