15/09/2024
Marc 8,
27-35
Dans l’Evangile de ce dimanche
Jésus procède à un sondage d’opinion sur sa propre personne : Au dire
des gens, qui suis-je ? Dès l’antiquité, en particulier avec Socrate et
Platon, les philosophes ont distingué les opinions de la vérité. Ici ce sont
donc les opinions des hommes que les disciples rapportent. Par définition elles
sont plurielles, différentes et subjectives. Du point de vue de l’opinion Jésus
divise les hommes : ils ne sont pas d’accord sur son identité. Puis vient
une question moins générale, plus personnelle, une question qui engage celui
qui répond : Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? Ici
Jésus pratique la méthode socratique bien connue consistant à faire accoucher
autrui de la vérité par le questionnement. Et c’est Pierre qui donne une
réponse dont nous avons du mal à mesurer toute l’importance en tant que
non-Juifs : Tu es le Christ, c’est-à-dire le Messie. L’apôtre ne pouvait
pas donner de titre plus grandiose et élevé que celui-ci à son Maître que la
plupart considéraient comme un simple Rabbi. C’est ainsi qu’il confesse une
vérité essentielle sur l’identité de Jésus, une vérité qui se démarque de la
variété des opinions mais qui n’est pas encore la vérité ultime. Nous sommes
encore bien éloignés de la reconnaissance de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, du
mystère de la Sainte Trinité. Immédiatement après la proclamation de cette
vérité sur l’identité de Jésus (il est le Messie) vient l’interdiction de la
propager par la parole au-delà du petit groupe des disciples. Ce n’est qu’après
Pâques et la Pentecôte que les apôtres pourront annoncer ouvertement que Jésus
est le Christ. A cette première proclamation de la vérité sur Jésus Messie
correspond la première annonce de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection.
Ce n’est pas par hasard bien sûr. Jésus commence à faire comprendre à ses
proches qu’il n’est pas le Messie tel que les pensées des hommes peuvent le
concevoir. Il n’est pas le Messie triomphant et puissant que les Juifs
attendaient afin qu’il restaure la royauté en Israël et rétablisse
l’indépendance politique de la nation juive. D’ailleurs dans son annonce du
mystère de Pâques Jésus ne reprend pas le titre de Christ mais celui de Fils de
l’homme… Le Messie tel que Dieu le préparait et tel que Dieu le manifestera est
un Messie vaincu, rejeté et souffrant… Ce que Pierre ne peut accepter car il
n’est pas en accord avec les pensées de Dieu. A la manifestation de la vérité messianique
par Pierre correspond donc le portrait du Messie selon Dieu annoncé par Jésus.
Le Seigneur précise ainsi l’identité du Messie, sa propre identité, en des
termes étonnants pour les disciples. L’apôtre tardif, celui qui n’a jamais
connu Jésus avant Pâques, Paul, est bien celui qui a mis en lumière d’une
manière extraordinaire, dans sa première lettre aux Corinthiens, cette identité
du Messie souffrant : Alors que les Juifs réclament des signes
miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un
Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais
pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ,
est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus
sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les
hommes.
Si quelqu’un veut marcher à ma
suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive… L’Evangile
de ce dimanche nous montre que renoncer à soi-même, c’est aussi renoncer à nos
manières humaines de se représenter Dieu et son Messie. Il s’agit bien de
laisser Dieu être Dieu tel qu’il est et non pas tel que nous le rêvons, et de
s’ouvrir ainsi aux pensées de Dieu. Jésus en annonçant sa Passion et sa mort en
croix vient purifier nos pensées trop humaines sur Dieu. Ce Dieu qui est Esprit
et Trinité est tout sauf une idole imbue de sa propre puissance et supériorité,
trônant dans le ciel et exigeant des hommes un culte servile. Dans le mystère
du Fils de l’homme et du Messie souffrant, Il se révèle comme un Dieu dont la
faiblesse est plus forte que tous les rêves de puissance des hommes. Un Dieu
humble et qui s’abaisse pour convertir nos pensées humaines en pensées dignes
de lui, un Dieu que nous ne pouvons connaître que par le cœur et en suivant
Jésus son Fils qui nous ouvre le chemin de la vie.
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