mercredi 9 février 2011

5ème dimanche du temps ordinaire

5ème dimanche du TO/A
6/02/2011
Matthieu 5, 13-16 (p. 551)

Dans la lecture continue de l’Evangile selon saint Matthieu nous entendons en ce dimanche la suite de l’Evangile des Béatitudes. Cet enseignement de Jésus paraît simple. Le Seigneur a commencé son premier enseignement, le sermon sur la montagne, par un appel au bonheur selon la volonté de Dieu. Nous sommes faits pour le bonheur mais pas n’importe lequel. Nous avons à faire des choix de vie pour nous réaliser dans notre vocation d’enfants de Dieu. Toute la suite du sermon sur la montagne nous donne des éléments concrets pour vivre les Béatitudes. Ici en s’adressant aux premiers disciples Jésus insiste sur le témoignage qu’ils auront à rendre dans le monde. Nous pourrions être pris de vertige en entendant ces expressions fortes : Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde... Un auteur chrétien des premiers siècles utilisait cette belle image pour situer la place des chrétiens, alors minoritaires, dans un empire romain païen : ils sont ce que l’âme est au corps. C’est-à-dire un principe vivifiant, une présence qui donne du sens et de l’espérance. Mais pour cela l’âme doit être unie au corps et non pas le fuir ou s’en séparer. L’image du sel de la terre dit la même chose. Ou pour reprendre le vocabulaire de saint Jean, les chrétiens doivent être dans le monde sans être du monde. Le sel n’a d’intérêt que mélangé à un aliment pour lui donner du goût et le mettre en valeur. En même temps le sel doit être différent de cet aliment pour jouer son role pleinement. Mais nous ne mageons pas le sel pour lui-même ! Tel est le paradoxe de la situation du chrétien dans notre monde. Et bien sûr la difficulté pour nous de trouver ce juste équilibre évangélique. L’Europe du 21ème siècle nous ramène finalement dans une situation assez proche de celle de ces premiers chrétiens minoritaires dans le grand empire romain. Si pendant des siècles le christianisme s’est confondu avec la chrétienté, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui et cela depuis la révolution francaise. Le message du Christ n’a plus le soutien des rois et des gouvernants ni celui des armes et de la contrainte pour se répandre. Il n’a que le témoignage de notre vie chrétienne. Nous sommes donc ce sel de la terre. L’image de la lumière du monde apporte une nuance. Si le sel se mêle aux aliments, la lumière est extérieure au monde qu’elle éclaire ou plutôt distincte. Le lampadaire est dans la pièce sans en faire partie. On peut l’enlever et le cacher comme le dit Jésus. Et c’est la fin de notre Evangile qui explique bien le témoignage que nous avons à donner en tant que lumière du monde : « Que votre lumière brille devant les hommes. Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Comment sommes-nous lumière pour notre monde ? En défendant des idées ? En parlant de notre foi ? Jésus nous répond : en agissant selon le bien, en étant des reflets de la bonté divine. Nous trouvons cette conviction dans tout le Nouveau Testament. Le témoin n’est pas un propagandiste ou un idéologue mais quelqu’un qui essaie d’être cohérent, une personne qui met ses actes en conformité avec sa foi. Loin de nous entraîner à un quelconque orgueil, cette expression de « lumière du monde » implique au contraire de notre part humilité et sagesse selon Dieu. Si nous agissons bien c’est par la grâce de Dieu. Et cet agir selon le bien renvoie les autres, dans ce monde, à la source de toute bonté, Dieu notre Père. Simplement une difficulté peut se présenter à nous. Car dans le même sermon sur la montagne, un peu plus loin, Jésus semble nous demander l’attitude contraire ! « Evitez de faire vos bonnes actions devant les gens de facon à ce qu’ils vous remarquent », et le Seigneur illustre ce principe avec les exemples de l’aumône, de la prière et du jeûne. D’un côté il semblerait que Jésus nous demande de nous montrer et de l’autre de nous cacher ! Cet Evangile n’est donc pas si simple que nous pouvions le penser a priori. Et il est toujours profitable pour nous de lire un passage d’Evangile dans son contexte plus large. La solution à cette contradiction apparente pourrait être la suivante : le Seigneur nous rappelle ainsi que notre première motivation dans le choix de ce qui est bon c’est le bien en lui-même. Je n’agis pas bien pour me montrer aux autres, ni même pour avoir une place au paradis. Si je choisis le bien, c’est parce que je suis convaincu qu’il est en soi toujours préférable au mal. Si je choisis le bien, c’est parce que je sais qu’il est la clef du bonheur véritable pour moi et pour les autres. Agir en sel de la terre et en lumière du monde, c’est donc être témoin de la Bonne Nouvelle. Et justement le vrai témoin ne joue pas un role. Il est tout simplement ce qu’il est. Il ne se regarde pas ni ne se complaît en lui-même, ce qui serait bien sûr de l’orgueil. Ou pour le dire autrement au moins j’ai conscience de jouer mon role de témoin au plus je le suis en vérité. Le témoignage le plus vrai est toujours naturel, il n’est ni calculé, ni recherché, ni affecté. Toutes les personnes qui ont approché Jean-Paul II savent que ce pape a été témoin d’abord dans sa manière d’être. Son plus bel enseignement sur la prière a consisté simplement à prier. Ceux qui ont eu la grâce de le voir en état de prière le savent bien. Il ne jouait pas un role dans le but d’édifier les fidèles. Il priait, c’est tout. Puisse notre témoignage chrétien avoir la force de la simplicité et du naturel !

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