samedi 4 décembre 2010

Deuxième dimanche de l'Avent

2ème dimanche de l’Avent / A
5/12/2010
Matthieu 3, 1-12 (p. 53)

Avec les prophètes, Isaïe en particulier, avec Joseph et Marie, Jean le baptiste fait partie de ces personnages bibliques qui marquent notre temps de l’Avent. Pourtant il ne se situe pas dans notre Evangile avant le mystère de Noël mais bien après. S’il nous est présenté c’est parce qu’il a cette fonction unique de préparer le peuple au ministère public de Jésus et d’annoncer avant lui la venue du royaume des cieux ainsi que la fin des temps. La caractéristique essentielle de ce royaume de Dieu nous est donnée par Isaïe dans la première lecture: “Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer.” Les images paradisiaques de paix et de réconciliation universelle entre les créatures signifient bien cette disparition totale du mal. Dieu règne en effet là où sa bonté et son amour triomphent. Et c’est dans cette perspective que Jean prêche au peuple la conversion et donne un baptême par lequel chacun se reconnaît humblement pécheur.

Matthieu nous présente Jean comme un prophète austère et sévère qui annonce la colère et le jugement de Dieu en traitant ceux qui viennent à lui d’”engeances de vipères”... Il utilise pour amener les Juifs à la conversion une méthode violente dans laquelle la charité semble être absente de même que le respect pour ses interlocuteurs. Il utilise deux images pour menacer les pécheurs par le jugement de Dieu désormais tout proche: celle de l’arbre fruitier et celle du blé. Le jugement sera une séparation entre les bons et les méchants, et ces derniers seront condamnés au feu qui ne s’éteint pas. Jean annonce la venue de Jésus non seulement comme celui qui baptisera dans l’Esprit mais aussi comme le juge redoutable qui séparera le bon grain de la paille.

Quelques chapitres plus loin dans le même Evangile nous retrouvons Jean dans sa prison. Il se met à douter de l’identité de Jésus qu’il avait annoncé comme le Messie et le juge. Et il envoie vers le Seigneur des messagers avec la question suivante: “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?” Pourquoi ce doute dans l’esprit de Jean? Tout simplement parce qu’il se rend compte que l’attitude de Jésus ne correspond pas du tout à ce qu’il avait annoncé: la venue redoutable du Messie juge qui allait faire le tri entre les bons et les méchants. La prédication de Jésus, même si elle a des points communs avec celle de Jean, marque en effet une nette rupture. Reprenons simplement quelques éléments pour le montrer. Le premier et peut-être le plus marquant du point de vue symbolique, c’est que Jésus demande justement à Jean, contre sa volonté, de recevoir le baptême en vue de la reconnaissance des péchés. Jésus, Fils de Dieu, est innocent, le péché n’a aucune place en Lui, il est le Saint de Dieu. Alors pourquoi se mêler à la foule des pécheurs se faisant baptiser par Jean? Pour signifier clairement le sens de sa venue et de sa mission parmi nous: il se montre ainsi solidaire des pécheurs. Il abolit de ce fait la loi de pureté de l’Ancien Testament qui séparait strictement le pur de l’impur, le saint du pécheur. En prêchant la justice parfaite de la Nouvelle Alliance, justice supérieure à celle des scribes et des pharisiens, il révèle, dans le cadre du commandement de l’amour des ennemis, le coeur de Dieu: le Père céleste “fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes”. La bonté de Dieu est universelle et parfaite, elle ne dépend pas du fait que nous soyons justes ou pécheurs. Et lors de l’appel de Lévi qui deviendra l’apôtre et l’évangéliste Matthieu Jésus se justifie ainsi face aux attaques des pharisiens: “Allez donc apprendre ce que signifie: C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.” Nous comprenons pourquoi Jean commence à douter dans sa prison à propos de Jésus: il est tellement différent de ce qu’il avait annoncé! Jean marque cette frontière entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, mais il appartient encore dans sa mentalité à ce qui est en train de passer pour laisser place à la bouleversante nouveauté du message évangélique. Il a beau être le plus grand des enfants des hommes, cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Quelle réponse donne le Seigneur à Jean qui se demande si c’est vraiment lui le Messie? Un amas de citations d’Isaïe dans lesquelles la notion de jugement est totalement absente! Jésus lui répond: Oui, je suis le Messie parce que je guéris les malades et que j’annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres. Enfin dans sa réponse Jésus souligne lui-même la distance qu’il prend par rapport au style austère de Jean son précurseur: “Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l’on dit: Il a perdu la tête. Le Fils de l’homme est venu, il mange, il boit, et l’on dit: Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs.” Révélateur de la bonté et de la miséricorde de Dieu, Parole de Dieu faite chair, Jésus ne s’est pas présenté à nous sous les traits rébarbatifs d’un prophète triste et sévère: “Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos... Car je suis doux et humble de coeur... Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.”

Jean comme Jésus nous appellent donc, avec des méthodes très différentes, à la conversion, au changement de vie pour accueillir en nous la réalité nouvelle du Royaume de Dieu. Peut-être que la grande conversion que nous avons à vivre en tant que chrétiens est la suivante: avec un coeur universel comprendre que le monde ne se divise pas en deux camps, celui des bons et celui des méchants. Cette vue simpliste ne correspond pas à notre expérience. Mais c’est bien dans notre coeur, en nous, que coexistent le bien et le mal, l’amour et la haine. La frontière entre le bien et le mal est intérieure. Et nous avons bien besoin de toute notre vie et du sacrement du pardon pour nous purifier toujours davantage de ce mal qui nous affaiblit et nous défigure. Et Jean a bien raison de nous rappeler que nous devons produire un fruit exprimant notre conversion. C’est ce que Notre Seigneur appelle d’une manière significative “faire la vérité”. Le chrétien vit la vérité de sa foi. C’est en mettant en pratique l’Evangile que nous pouvons le connaître et le comprendre: “Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses oeuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu.”

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