mardi 2 décembre 2025

Premier dimanche de l'Avent / Année A

 


30/11/2025

Matthieu 24, 37-44

Le mot « Avent » signifie venue, avènement. D’où l’Evangile selon saint Matthieu qui nous parle de l’avènement de Jésus. Ce second avènement dans la gloire nous le proclamons dans nos professions de foi et dans l’anamnèse après la consécration du pain et du vin : « Nous attendons ta venue dans la gloire ». Si dans les premières générations chrétiennes cet aspect de notre foi était très important, il a perdu de son intensité au fur et à mesure que les siècles s’ajoutaient aux siècles… Et si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous constatons à quel point cette attente du second avènement du Christ n’est pas au centre de notre foi. A la petite échelle de notre vie humaine cet avènement nous semble très lointain. Nous ressemblons bien à la génération de Noé avant le déluge : on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche… Ce que Jésus nous dit de son avènement est aussi valable pour le jour de la fin de notre vie terrestre : vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient… De la même manière nous ne connaissons pas le jour de notre mort. Ce regard orienté vers un avenir que nous ne maitrisons absolument pas et qui dépend de la volonté de Dieu et de son plan de salut nous ramène finalement à notre attitude spirituelle dans le présent :  Veillez donc, tenez-vous donc prêts, vous aussi. Ces verbes sont bien conjugués au présent. Paul s’en fait l’écho dans la deuxième lecture quand il nous dit que l’heure est venue de sortir de notre sommeil. L’entrée dans le temps de l’Avent nous propose donc comme attitude spirituelle la vigilance. Cette vigilance n’est possible que dans la mesure où nous consacrons du temps à Dieu dans la prière personnelle, dans la lecture et la méditation, dans la fréquentation des sacrements par lesquels Dieu vient à notre rencontre. La vigilance chrétienne, en s’appuyant sur une relation vivante avec Dieu et sur la parole de Jésus, nous rend capable d’être attentifs aux signes des temps. La vigilance chrétienne nous permet d’être des hommes et des femmes libres, capables quand il le faut d’aller à contre-courant de la pensée dominante et de résister aussi à des messages anxiogènes. Dans le contexte médiatique actuel qui fait résonner à nos oreilles des propos agressifs en faveur de la guerre, une guerre planifiée par les dirigeants européens qui ne cessent de nous parler de réarmement (plan européen de 800 milliards d’euros !), de service militaire et d’une menace qui semble n’exister que dans leur imagination, nous avons besoin de recul et de discernement. Car la propagande n’est pas le propre des dictatures lointaines, elle existe aussi chez nous. Elle utilise comme toujours la peur alors que Jésus ne cesse de nous dire « n’ayez pas peur » ! Le chrétien vigilant ne peut approuver ces appels à se préparer à une guerre que l’on nous présente comme inéluctable et que l’on semble préférer, par idéologie et obstination, à une paix issue de négociations et de la diplomatie. Le chrétien prend au sérieux les Béatitudes : « Heureux les doux : car ils posséderont la terre ! Heureux les pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu ! » Comme il est bon pour nous d’entendre l’oracle du prophète Isaïe dans la première lecture, combien nous avons besoin d’inscrire ces paroles de paix au plus profond de notre cœur pour résister aux violents et aux belliqueux qui ont tendance à saturer l’espace médiatique afin de nous préparer au pire !

De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. Venez, maison de Jacob ! Marchons à la lumière du Seigneur.


dimanche 23 novembre 2025

Le Christ, roi de l'univers (année C)

 



23/11/2025

Luc 23, 35-43

Le dimanche qui clôture notre année liturgique célèbre la royauté universelle du Christ qui a commencé sa prédication par l’annonce du royaume de Dieu. Tous les mots humains que nous utilisons pour parler de Dieu doivent être correctement interprétés et bien compris. Lorsque nous regardons l’histoire du peuple d’Israël nous constatons en effet une répulsion envers la monarchie (ce que les Romains de l’antiquité nommaient odium regni). Et pas simplement pour des raisons politiques ou par peur de la tyrannie. Cette méfiance viscérale envers la monarchie (le pouvoir remis entre les mains d’un seul) est présente dès l’apologue de Yotam (appelé aussi « fable des arbres ») en Juges 9 dont nous trouvons un équivalent dans les fables d’Esope. Le passage biblique le plus important sur ce thème se trouve en 1 Samuel 8, au moment précis où le peuple demande un roi à Samuel : Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi comme en ont toutes les nations. Cette demande déplut à Samuel mais surtout au Seigneur lui-même : Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne veulent pas que je règne sur eux. Voici la vraie raison du rejet de la monarchie : Israël ne doit pas avoir d’autre roi que Dieu. Ensuite Samuel décrit avec détails les inconvénients de la monarchie. Je ne cite qu’un bref passage pour en donner une idée : Vos fils, le roi les prendra, il les affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les utilisera comme officiers ; il les fera labourer et moissonner à son profit, fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars… Sur vos cultures et vos vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses serviteurs… Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. Le message est clair : en demandant un roi le peuple perd sa liberté qui est un don de Dieu. Une fois la monarchie établie il sera trop tard pour se plaindre : Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas ! Nous trouvons un écho de cette critique du pouvoir monarchique dans les paroles mêmes de Jésus. Et ce n’est pas par hasard si ces paroles sont prononcées au chapitre 22, le chapitre qui précède celui de la Passion du Christ : Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! C’est en contemplant le Messie crucifié que la liturgie nous fait comprendre que Jésus est roi d’une manière très différente de celle des rois de la terre. Dès le commencement de son ministère Jésus a repoussé la tentation du pouvoir que lui offrait Satan s’il se prosternait devant lui. A trois reprises dans l’Evangile de ce dimanche nous entendons cette parole de défi lancée à Jésus sur la croix : « sauve-toi toi-même ! ». La logique de Jésus est à l’opposé de celle des puissants de ce monde qui pour se sauver eux-mêmes sont prêts à sacrifier les citoyens ou encore à faire des guerres. Jésus est venu pour sauver les autres, pas lui-même. C’est bien en tant que Sauveur qu’il est roi à la manière de Dieu, c’est-à-dire d’une manière unique. Même les bons rois ou les bons dirigeants qui ont pu exister ne sont pas comparables à la royauté du Christ. Notre Seigneur nous sauve en offrant toute sa personne, toute sa vie pour chacun de nous. Il règne uniquement par l’amour, la miséricorde et le pardon. Et le premier dans son royaume, le seul saint canonisé par Jésus, est un malfaiteur, pas un courtisan… L’humble prière du bandit lui ouvre en un instant les portes du Royaume : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. / Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Il est éclairant de comparer la prière du malfaiteur à celle des apôtres Jacques et Jean qui demandent les premières places en faisant passer la requête par leur mère… Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. D’un côté l’humble supplication de celui qui espère en la vie éternelle avec Jésus, de l’autre l’orgueilleuse demande des apôtres qui succombent aux mirages du pouvoir terrestre. Ce royaume dont Jésus est le roi au cœur humble et doux, il nous l’a acquis au prix de son sang. Nous savons que le règne de Dieu est au milieu de nous. Pour le reconnaître nous avons besoin de changer nos manières de penser et de voir. L’un des fruits de la Passion de notre roi bien-aimé est le don d’un cœur nouveau, d’un cœur de chair qui ne confond pas les grandeurs de ce monde avec la véritable grandeur révélée par la vie tout entière du Messie et par la vie des saints.


dimanche 16 novembre 2025

33ème dimanche du temps ordinaire / année C / 2025

 16/11/2025

Luc 21, 5-19

L’Evangile de ce dimanche nous ramène au temple de Jérusalem avec l’admiration des disciples pour sa beauté et le commentaire qu’elle suscite de la part de Jésus : Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. Contrairement à Jean saint Luc situe la purification du temple dans les derniers jours de la vie de Jésus à Jérusalem, au chapitre 19. Le contexte qui précède notre Evangile est significatif. Il nous présente comme un triptyque autour du thème du temple. Au chapitre 19 Jésus expulse les vendeurs hors du temple : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. Ensuite nous trouvons l’épisode de l’offrande de la pauvre veuve dans le trésor du temple : En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. Enfin l’annonce brutale de la destruction du temple, annonce qui implique la fin du sacerdoce et des sacrifices. En résumé : le temple est consacré à la prière, il est le lieu d’un nouveau type de sacrifice, non plus celui des animaux, mais celui de l’offrande totale, de la générosité extrême, celle illustrée par la veuve, mais ce temple de pierre sera détruit par les Romains en 70.

A l’annonce de la destruction du temple correspond l’annonce des persécutions dont seront victimes les chrétiens : Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. L’offrande de la veuve dans le temple annonce l’offrande des martyrs, celle du témoignage suprême. Le Seigneur prévient ses disciples : il ne suffit pas de croire en moi, il est essentiel pour vous de persévérer dans la foi : C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. Cette sentence nous rappelle la parabole du semeur au chapitre 8 de saint Luc : Il y a ceux qui sont dans les pierres : lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie ; mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent. Souvenons-nous au contraire de la graine semée dans la bonne terre : Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance.

La question des disciples sur l’avenir (Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ?), même si nous pouvons la comprendre, n’est pas une bonne question, c’est une question qui nous empêche d’être la bonne terre dans la persévérance et la fidélité dans le temps présent qui est le seul que nous ayons pour nous unir à Dieu et pour aimer notre prochain. Ecoutons la belle prière trouvée sur une petite sœur du Sacré-Cœur tuée en Algérie le 10 novembre 1995 :

« Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne, il est à toi, vis-le en Lui. Le jour de demain est à Dieu, Il ne t’appartient pas. Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui. Demain est à Dieu : Remets-le Lui. Le moment présent est une frêle passerelle, si tu le charges des regrets d’hier, de l’inquiétude de demain, La passerelle cède et tu perds pied. Le passé ? Dieu le pardonne. L’avenir ? Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec Lui. Et s’il y a lieu de t’inquiéter pour un être bien-aimé, regarde-le dans la lumière du Christ ressuscité. »

 

 

 

dimanche 9 novembre 2025

Dédicace de la basilique du Latran / 2025

 9/11/2025

Pourquoi fêtons-nous dans l’Eglise universelle la dédicace d’une basilique romaine, celle du Latran ? Tout simplement parce que cette basilique majeure de la ville de Rome est la cathédrale du pape. Symboliquement la basilique du Latran est la première en dignité parmi toutes les églises du monde. C’est un pape d’Avignon, Grégoire XI, qui en 1372 lui donna le titre significatif de « Mère et tête de toutes les églises de la Ville et du monde ». L’importance de la basilique du Latran est aussi historique. Constantin, le premier empereur chrétien, avait suivi la tradition païenne qui voulait qu’avant une bataille décisive on fasse un vœu à un dieu. En cas de victoire le vainqueur édifiait un temple à la divinité dans la ville de Rome. Avant la bataille du pont Milvius l’opposant à son rival Maxence, Constantin avait promis au Christ l’édification d’une basilique. Le vœu fut réalisé et c’est ainsi que fut édifié le premier lieu de culte chrétien officiel à Rome, une fois le temps des persécutions terminé et la liberté religieuse proclamée en 313. La basilique de Constantin fut d’abord dédiée au Christ Sauveur et par la suite à saint Jean Baptiste et à saint Jean l’évangéliste. Il ne reste presque rien de cette première basilique qui fut entièrement refaite en 1650. La basilique du Latran est donc non seulement la cathédrale de l’évêque de Rome mais aussi la plus ancienne église du monde chrétien, basilique votive, Mère de toutes les églises du monde. Célébrer la dédicace de la basilique du Latran, c’est donc célébrer l’Eglise mère qui enfante les enfants de Dieu par le baptême et les sacrements, par la prédication de la Parole et la mission aux quatre coins du monde.

L’Evangile de la dédicace est celui de Jésus qui chasse les marchands du temple. Il rappelle ainsi la dignité et l’importance du lieu de culte consacré au Seigneur et, par avance, le respect que nous devons avoir envers nos églises de pierre. Plus profondément le Sauveur fait comprendre par son geste que les églises de pierre ne sont pas l’essentiel, car le temple dont il parlait, c’était son corps. L’église bâtiment est en effet au service de l’Eglise-communauté, c’est-à-dire le Corps du Christ, l’ensemble des baptisés et des croyants. Et c’est bien cette vérité que saint Paul nous redit dans la deuxième lecture : Vous êtes un champ que Dieu cultive, une maison que Dieu construit. Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?

Chaque fois que nous célébrons la dédicace d’une église, la liturgie nous ramène à notre dignité de baptisés et de fidèles du Christ. Nous sommes en effet la maison que Dieu construit, un sanctuaire de Dieu. Et dans la métaphore de la construction Paul nous donne à voir le Christ comme pierre de fondation : La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ. Si à l’instar du temple de Jérusalem nos églises de pierre peuvent être détruites, le Corps du Christ ressuscité, lui, ne peut être détruit. Le Christ est pierre de fondation inébranlable de l’Eglise, et, en lui, le pape à la suite de saint Pierre. Jésus est pierre de fondation de par sa résurrection et son Ascension. Pierre de fondation céleste et non pas terrestre, divine et non pas humaine. Par notre baptême, notre foi, l’exercice de la charité chrétienne nous participons de sa victoire sur la mort, et en tant que sanctuaires de Dieu personne ne peut détruire ce que nous sommes. Beaucoup de chrétiens sont persécutés de par le monde aujourd’hui comme l’étaient les chrétiens de l’Empire romain de la génération d’avant Constantin. Beaucoup sont menacés, insultés, privés de liberté, emprisonnés, mis à mort… Mais les martyrs de notre temps portent un témoignage à la vérité de la parole de l’Evangile : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps… Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? La dédicace de la basilique du Latran nous rappelle que nous sommes consacrés à Dieu, que nous lui appartenons, et que rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Nous sommes la maison que Dieu construit sur le Christ en vue de la vie éternelle déjà commencée ici-bas.

samedi 1 novembre 2025

TOUSSAINT 2025

 Il y a 61 ans les pères du Concile Vatican II donnaient à l’Eglise la constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium. Le chapitre V de ce document traite de l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise. Au n°40 nous pouvons lire :

Maître divin et modèle de toute perfection, le Seigneur Jésus a prêché à tous et chacun de ses disciples, quelle que soit leur condition, cette sainteté de vie dont il est à la fois l’initiateur et le consommateur : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Et en effet à tous il a envoyé son Esprit pour les mouvoir de l’intérieur à aimer Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur intelligence et de toutes leurs forces (cf. Mc 12, 30), et aussi à s’aimer mutuellement comme le Christ les a aimés (cf. Jn 13, 34 ; 15, 12). [Appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son dessein gracieux, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. ] 

En 2018 le pape François a voulu actualiser l’appel du Concile à la sainteté dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate. Dans le troisième chapitre il commente d’une part les Béatitudes et de l’autre l’Evangile du jugement dernier en Matthieu 25. Ces paroles de Jésus sont pour nous des indications claires sur le chemin nous permettant de demeurer fidèles à la sainteté reçue au baptême et dans la grâce des sacrements. Le pape nous invite à ne pas séparer la prière et l’action, la foi et les œuvres. La vraie sainteté chrétienne unifie ces différents aspects de notre vie et il n’y a pas lieu de les opposer. Chaque saint au cours de l’histoire de l’Eglise a incarné plus particulièrement un aspect de l’infinie sainteté de Dieu en communion avec la sainte Eglise. Certains d’entre eux l’ont fait dans une vie davantage apostolique, d’autres dans une vie surtout contemplative. Dans tous les cas la profonde réflexion de saint François de Sales demeure valable pour nous faire comprendre en quoi consiste la sainteté chrétienne : Il n'y a pas plus de différence entre l'Évangile écrit et la vie des saints qu'entre une musique notée et une musique chantée. A deux reprises, et cela dans deux documents différents, le pape François nous met en garde à propos d’une vie en Eglise qui manquerait de racines spirituelles. L’Eglise, étant donné qu’elle n’est pas uniquement divine de par son origine et sa vie mais aussi humaine, a besoin de s’organiser afin de vivre de la grâce et d’évangéliser dans l’attente de l’accomplissement du Royaume à la fin des temps. Cette organisation doit rester un moyen. Le risque et la tentation étant d’oublier notre enracinement spirituel en Dieu et l’annonce de la Parole de Dieu à tous au profit de structures. Ecoutons le pape au n°88 de son encyclique consacrée au Sacré-Cœur, Dilexit nos :

Je voudrais ajouter que le Cœur du Christ nous libère en même temps d’un autre dualisme : celui des communautés et des pasteurs qui se concentrent uniquement sur les activités extérieures, les réformes structurelles dépourvues d’Évangile, les organisations obsessionnelles, les projets mondains, les réflexions sécularisées, les propositions qui se présentent comme des prescriptions que l’on veut parfois imposer à tous. Il en résulte souvent un christianisme qui oublie la tendresse de la foi, la joie du dévouement au service, la ferveur de la mission de personne à personne, la fascination pour la beauté du Christ, la gratitude passionnée pour l’amitié qu’Il offre et pour le sens ultime qu’Il donne à la vie.

Et dans Gaudete et exsultate nous pouvons lire au n°138 :

L’Église n’a pas tant besoin de bureaucrates et de fonctionnaires, que de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la vraie vie. Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante.

Les réunions paroissiales et diocésaines peuvent être utiles à condition de toujours rappeler la primauté de Dieu et du Christ, à condition de ne pas phagocyter par leur trop grande fréquence le cœur de la vie chrétienne : prière et service du prochain. Ces moyens ne doivent jamais devenir des fins et transformer notre Eglise en une bureaucratie dépourvue d’Evangile. La recherche et le désir de vivre de la sainteté du Christ nous rappellent en permanence la ferveur de la mission de personne à personne, l’importance du témoignage personnel de vie en actes et en paroles. Chaque fidèle, donc chacun de nous, est appelé à contribuer par son enracinement en Dieu à la beauté et au rayonnement de la sainteté de l’Eglise dans le monde de notre temps. Notre Eglise si elle en venait à oublier sa nature essentiellement mystique et spirituelle ne serait plus apte à témoigner du Christ. Elle deviendrait une organisation humaine comme une autre avec ses règlements, son organisation structurelle et ses réformes, en se centrant finalement sur elle-même, déconnectée de Dieu et de la vie du monde. Cette Eglise deviendrait ennuyeuse et ennuyante, ayant perdu la joie de l’Evangile. Or dans l’Eglise issue de la Trinité, c’est toujours la relation personnelle qui doit avoir la primauté sur l’organisation structurelle. Pas de sainteté authentique sans une vraie relation à Dieu dans la prière et les sacrements et sans une relation de charité avec notre prochain, dans et en-dehors de la communauté, jusqu’aux périphéries dont le pape François nous rappelait souvent l’importance pour nous catholiques, appelés à être ouverts à l’universalité du salut de Dieu.

dimanche 12 octobre 2025

28ème dimanche du temps ordinaire / année C / 2025

 12/10/2025

Luc 17, 11-19

L’Evangile de ce dimanche nous rapporte la guérison d’un groupe de 10 lépreux, ce qui est assez rare. La plupart du temps Jésus guérit une personne et pas un groupe. Tous ont été purifiés de leur lèpre mais tous n’ont pas l’attitude spirituelle qui convient. D’où la remarque du Seigneur :

« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »

Tous ont donc reçu la grâce de Dieu mais la majorité d’entre eux sont des ingrats. Un seul a pensé à revenir vers Jésus pour lui rendre grâce, c’est-à-dire pour lui exprimer sa reconnaissance, sa gratitude, et sa joie d’avoir été sauvé. Or il se trouve que c’est un samaritain. Déjà au chapitre 10 Jésus avait mis en valeur un samaritain dans la parabole du « bon samaritain ». Nous pouvons aussi penser au magnifique dialogue de Jésus avec la samaritaine au chapitre 4 de saint Jean. Cela n’empêche pas le Seigneur de le désigner comme un « étranger » alors que les samaritains étaient Juifs eux aussi, mais considérés d’un mauvais œil car ils ne pratiquaient pas leur foi dans le temple de Jérusalem. D’ailleurs Jésus lui-même est victime de ce préjugé à l’encontre des samaritains alors qu’il est originaire de Galilée. Au chapitre 8 de saint Jean les Juifs l’interpellent ainsi : N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? Il est clair que pour Jésus ce qui compte ce n’est pas l’appartenance à un peuple ou encore notre origine géographique. Il n’hésite pas un instant à dire son admiration lorsqu’il rencontre la foi chez les non-Juifs, comme avec l’officier romain : Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi !  En mettant en valeur l’attitude des samaritains méprisés de tous il rappelle notre humanité commune et souligne ainsi l’unité du genre humain plus importante que toutes les divisions que les hommes créent entre eux. La valeur d’un homme ne provient pas de son origine géographique mais bien plutôt de son comportement éthique.

La leçon spirituelle de cette page évangélique est évidente : quelle est notre capacité à dire merci à Dieu et à nos frères ? L’action de grâce, la gratitude ou encore la reconnaissance sont des vertus humaines et chrétiennes de première importance. Jésus lui-même nous en donne l’exemple à de nombreuses reprises mais en particulier au cours de la dernière Cène, lorsqu’il institue pour nous le sacrement de l’eucharistie qui est par excellence le sacrement de l’action de grâce.

Alors, ayant reçu une coupe et rendu grâce, il dit : « Prenez ceci et partagez entre vous… Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »

Lors de la dernière Cène le Seigneur rend grâce au Père pour le vin et le pain qui deviendront son sang et son corps, signes de sa présence et de sa vie donnée. L’eucharistie est l’école de l’action de grâce. Elle nous forme en effet à savoir remercier Dieu du fond de notre cœur pour les dons de la terre (le pain et le vin et tout ce qu’ils représentent) et pour les dons du Ciel (le corps et le sang de Jésus et toutes les grâces divines). De la présentation des dons à la consécration l’eucharistie nous entraîne dans l’action de grâce du Fils qui inclue la création et le salut par la rédemption.

En ce dimanche nous rendons grâce tout particulièrement pour l’appel que Dieu a mis dans le cœur de Charline, Marion et Thibault et pour la réponse qu’ils viennent de donner au milieu de nous. Les catéchumènes de notre communauté nous rappellent la vérité de cette parole de Jésus :

Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire.

dimanche 5 octobre 2025

27ème dimanche du temps ordinaire / année C / messe pour la sauvegarde de la création

 


5/10/2025

Luc 17, 5-10

Dimanche de prière pour la sauvegarde de la création

En cette année 2025 l’Eglise ne célèbre pas seulement le Jubilé mais aussi le 10ème anniversaire de l’encyclique Laudato si’ comme le rappelle le pape Léon dans son message à l’occasion de la journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création. En conformité avec le souhait du pape François l’Eglise propose à ses fidèles de vivre chaque année le « temps de la Création » du 1er septembre au 4 octobre. Au lendemain de la fête de saint François d’Assise nous prions à cette intention au cours de cette messe. Le thème de la 10ème journée a été choisi en lien avec celui du Jubilé : « semences de paix et d’espérance ».  Ce thème est un écho de la prophétie d’Isaïe :

L’Esprit qui vient d’en haut sera répandu sur nous. Alors le désert deviendra un verger, et le verger sera pareil à une forêt. Le droit habitera le désert, la justice résidera dans le verger. L’œuvre de la justice sera la paix, et la pratique de la justice, le calme et la sécurité pour toujours. Mon peuple habitera un séjour de paix, des demeures protégées, des lieux sûrs de repos » (Is 32, 15-18).

Pas de paix sans justice comme l’affirme constamment la doctrine sociale de l’Eglise. Le pape Léon mentionne dans son message la dévastation humaine et écologique causée par les conflits armés. Conséquences du péché et du mal qui habitent le cœur de l’homme, les guerres ne sont pas seulement une grave violation du commandement originel, déjà donné à Noé par Dieu, « Tu ne tueras pas », elles dévastent aussi la création et gaspillent d’énormes ressources financières ainsi que des matières premières qui auraient pu être utilisées pour la culture de la vie et la protection de la création. Nous comprenons aisément cela en méditant la prophétie d’Isaïe 2, 4 : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles ». Quand des gouvernants affirment qu’il n’y pas d’argent disponible pour les hôpitaux, les pauvres, les étudiants, les chômeurs, les retraités mais qu’il y en a pour fournir des armes et entretenir des guerres, on peut s’interroger sur la cohérence de leurs propos. Le thème de la 10ème journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création (semences de paix et d’espérance) nous ramène à une page fondamentale de la Genèse pour vivre l’écologie intégrale à laquelle nous appelle l’encyclique Laudato si’, celle du jardin au chapitre 2. Le pape Léon met en valeur dans son message l’importance de ce texte biblique qui nous appelle en tant qu’images de Dieu à “cultiver et garder” le jardin du monde (cf. Gn 2, 15). Alors que “cultiver” signifie labourer, défricher ou travailler, “garder” signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner, surveiller. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature.

Brièvement je voudrais dire un mot à propos de la parabole des simples serviteurs : De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” Il s’agit d’un appel à l’humilité, à ne pas tirer orgueil de notre respect pour les commandements de Dieu. Dans cette histoire Jésus pose la question suivante : « Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? Il existe une dissymétrie dans la relation maître / serviteur. Et Jésus semble valider cette relation en ajoutant : Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? Au chapitre 12 du même Evangile le Seigneur utilise une image semblable, celle du serviteur et du maître, mais dans un contexte qui semble être celui du retour du Christ à la fin des temps :

Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.

Le message du chapitre 12 semble nous dire l’exact opposé de la parabole des simples serviteurs… Différence entre le temps de l’Eglise et celui du Royaume ? Ce qui est certain c’est que la parole du chapitre 12 s’accomplit à chaque eucharistie puisque le maître se fait notre serviteur et passe au milieu de nous pour nous servir et nous faire partager le don de son corps et de son sang en vue de la communion avec lui et entre nous.