23/11/2025
Luc 23, 35-43
Le dimanche qui clôture notre
année liturgique célèbre la royauté universelle du Christ qui a commencé sa
prédication par l’annonce du royaume de Dieu. Tous les mots humains que nous
utilisons pour parler de Dieu doivent être correctement interprétés et bien
compris. Lorsque nous regardons l’histoire du peuple d’Israël nous constatons
en effet une répulsion envers la monarchie (ce que les Romains de l’antiquité
nommaient odium regni). Et pas simplement pour des raisons politiques ou
par peur de la tyrannie. Cette méfiance viscérale envers la monarchie (le
pouvoir remis entre les mains d’un seul) est présente dès l’apologue de Yotam
(appelé aussi « fable des arbres ») en Juges 9 dont nous trouvons un
équivalent dans les fables d’Esope. Le passage biblique le plus important sur
ce thème se trouve en 1 Samuel 8, au moment précis où le peuple demande un roi
à Samuel : Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi comme
en ont toutes les nations. Cette demande déplut à Samuel mais surtout au
Seigneur lui-même : Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te
diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne
veulent pas que je règne sur eux. Voici la vraie raison du rejet de la
monarchie : Israël ne doit pas avoir d’autre roi que Dieu. Ensuite Samuel
décrit avec détails les inconvénients de la monarchie. Je ne cite qu’un bref
passage pour en donner une idée : Vos fils, le roi les prendra, il les
affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les
utilisera comme officiers ; il les fera labourer et moissonner à son profit,
fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars… Sur vos cultures et vos
vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses
serviteurs… Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez
ses esclaves. Le message est clair : en demandant un roi le peuple
perd sa liberté qui est un don de Dieu. Une fois la monarchie établie il sera
trop tard pour se plaindre : Ce jour-là, vous pousserez des cris à
cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous
répondra pas ! Nous trouvons un écho de cette critique du pouvoir monarchique
dans les paroles mêmes de Jésus. Et ce n’est pas par hasard si ces paroles sont
prononcées au chapitre 22, le chapitre qui précède celui de la Passion du
Christ : Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui
exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de
tel ! C’est en contemplant le Messie crucifié que la liturgie nous fait
comprendre que Jésus est roi d’une manière très différente de celle des rois de
la terre. Dès le commencement de son ministère Jésus a repoussé la tentation du
pouvoir que lui offrait Satan s’il se prosternait devant lui. A trois reprises
dans l’Evangile de ce dimanche nous entendons cette parole de défi lancée à
Jésus sur la croix : « sauve-toi toi-même ! ». La logique de
Jésus est à l’opposé de celle des puissants de ce monde qui pour se sauver
eux-mêmes sont prêts à sacrifier les citoyens ou encore à faire des guerres.
Jésus est venu pour sauver les autres, pas lui-même. C’est bien en tant que
Sauveur qu’il est roi à la manière de Dieu, c’est-à-dire d’une manière unique.
Même les bons rois ou les bons dirigeants qui ont pu exister ne sont pas
comparables à la royauté du Christ. Notre Seigneur nous sauve en offrant toute
sa personne, toute sa vie pour chacun de nous. Il règne uniquement par l’amour,
la miséricorde et le pardon. Et le premier dans son royaume, le seul saint
canonisé par Jésus, est un malfaiteur, pas un courtisan… L’humble prière du
bandit lui ouvre en un instant les portes du Royaume : Jésus,
souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. / Amen, je te le dis :
aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Il est éclairant de
comparer la prière du malfaiteur à celle des apôtres Jacques et Jean qui
demandent les premières places en faisant passer la requête par leur mère… Ordonne
que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche,
dans ton Royaume. D’un côté l’humble supplication de celui qui espère en la
vie éternelle avec Jésus, de l’autre l’orgueilleuse demande des apôtres qui succombent
aux mirages du pouvoir terrestre. Ce royaume dont Jésus est le roi au cœur
humble et doux, il nous l’a acquis au prix de son sang. Nous savons que le règne
de Dieu est au milieu de nous. Pour le reconnaître nous avons besoin de changer
nos manières de penser et de voir. L’un des fruits de la Passion de notre roi
bien-aimé est le don d’un cœur nouveau, d’un cœur de chair qui ne confond pas
les grandeurs de ce monde avec la véritable grandeur révélée par la vie tout
entière du Messie et par la vie des saints.

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