jeudi 26 mars 2020

Quatrième dimanche de Carême / année A



Jean 9, 1-41

Après la rencontre avec la samaritaine, l’Evangile de ce dimanche de carême nous fait méditer la guérison de l’aveugle de naissance. Saint Jean consacre très peu de lignes au récit de la guérison. Il s’intéresse davantage à la polémique que cette guérison suscite parmi les pharisiens. Dans ce récit deux enseignements principaux nous sont donnés. Le premier concerne la question du mal physique (pourquoi cet homme est-il né aveugle ?). Le second traite de la foi et de son contraire, le refus de croire, assimilable dans le récit à un aveuglement volontaire.

Pourquoi donc cet homme est-il né aveugle ? Confrontés au scandale du mal, nous cherchons forcément des explications. La réponse donnée par Jésus et par les pharisiens est radicalement différente. Pour ces derniers, partisans de la théorie traditionnelle, c’est le péché qui expliquerait le handicap de cet homme, sa condition d’aveugle étant en quelque sorte une punition divine… Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance… Relevons au passage la dureté et le mépris avec lesquels les pharisiens considèrent cet homme guéri par Jésus. Pour le Seigneur au contraire le péché n’explique rien. Ni cet homme, ni ses parents ne sont responsables du fait qu’il soit né aveugle. Cet état n’est donc pas une punition du péché… mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. Nous le constatons, Jésus ne répond pas à la question de l’origine du mal physique. Ce scandale reste dans le domaine du mystère. Notre intelligence n’a pas accès à une explication rationnelle satisfaisante, et elle doit donc l’accepter plutôt que de donner de fausses réponses. Par contre Jésus semble dire que Dieu peut tirer un bien de ce mal en manifestant sa bonté et sa puissance à l’égard de cet homme. Cela signifie que le mal physique (pensons à tous les malades) exige des membres de l’Eglise un surcroit de charité et de dévouement. Les premiers hôpitaux d’Europe ont été créés et gérés par des congrégations religieuses, ils se nommaient Hôtel-Dieu.
L’autre enseignement de ce récit porte sur l’endurcissement de cœur des pharisiens et leur refus obstiné de croire en Jésus malgré l’évidence. Le signe de la guérison est clair et indiscutable… mais Jésus a eu le tort de faire du bien à cet aveugle le jour du sabbat ! C’est la raison pour laquelle ils se mettent à persécuter l’homme ayant retrouvé la vue ainsi que ses parents. Les pharisiens eux-mêmes sont divisés, puisque certains ouvrent tout de même leur cœur : Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? Mais le groupe des incrédules l’emporte. Pour eux l’infraction de la loi du Sabbat est plus importante que la guérison de l’aveugle de naissance. Leur culte de la loi de Moïse ferme finalement leur cœur en la foi en Jésus, et ils préfèrent par conséquent ne pas se prononcer sur l’identité de Jésus : nous ne savons pas d’où il est. La réaction du miraculé contraste par sa simplicité avec les raisonnements tortueux des pharisiens :

Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.

Face à l’évidence des faits, ils s’enferment dans leur condamnation morale de Jésus : nous savons, nous, que cet homme est un pécheur.

La conclusion de cette page évangélique nous fait passer de la lumière naturelle à la lumière de la foi. Et Jésus fait remarquer aux pharisiens la gravité de leur propre péché, eux qui s’empressent de dénoncer le péché chez les autres…

Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure.

Le pire des aveuglements, celui de l’orgueil, consiste à ne pas voir que nous ne voyons pas, à nous croire justes alors que nous sommes pécheurs. Le pire des aveuglements, c’est celui qui est volontaire et qui nous enferme dans nos préjugés, nous empêchant de découvrir dans nos vies la nouveauté de l’action de Dieu. L’humilité nous recommande, au contraire, de reconnaître notre lenteur à croire, notre manque de foi, afin d’être guéris par l’amour du Christ. Au chapitre 9 de l’évangile selon saint Marc, nous voyons le père d’un enfant possédé dire à Jésus : Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Cette prière paradoxale résume bien notre situation personnelle. La foi étant un chemin jamais terminé, nous portons toujours en nous simultanément une part de foi et une part d’incroyance. Au cœur de cette eucharistie, disons à Jésus ressuscité notre besoin de guérison et d’illumination : viens au secours de mon manque de foi !

Aucun commentaire: