dimanche 23 juin 2019

LE SAINT SACREMENT / Année C



2 Corinthiens 11, 23-26

23/06/19

Après la fête de la Pentecôte, sommet et accomplissement du mystère de Pâques, la liturgie nous fait célébrer deux solennités du Seigneur insérées dans le temps ordinaire. La Sainte Trinité, c’était dimanche dernier, et le Saint Sacrement du corps et du sang du Christ en ce dimanche. Parmi les sept sacrements, l’eucharistie est le seul à être célébré par une fête qui lui est exclusivement consacré. Sans oublier bien sûr la célébration du Jeudi Saint qui fait mémoire de l’institution de ce sacrement. Le nom même de cette solennité souligne la place unique et éminente que le sacrement de la messe tient parmi les sept sacrements : il est le Saint Sacrement, c’est-à-dire le sacrement par excellence. La célébration de ce jour comme le nom donné à l’eucharistie mettent donc en lumière, de la part de l’Eglise, l’importance de ce sacrement pour notre vie chrétienne.

Je voudrais commenter la deuxième lecture de cette messe qui constitue probablement le témoignage le plus ancien que nous ayons sur l’eucharistie dans le Nouveau Testament, et cela sous la plume de l’apôtre Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Comme souvent Paul part d’un fait vécu dans la communauté et en profite pour donner un enseignement de portée plus générale ensuite. Dans les versets qui précèdent notre lecture, l’apôtre reproche aux Corinthiens leur manière de célébrer la Cène du Seigneur : Je ne vous félicite pas pour vos réunions : elles vous font plus de mal que de bien. Tout d’abord, quand votre Église se réunit, j’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions. Il semblerait même que les chrétiens de Corinthe aient pris leur repas ordinaire au sein de la célébration eucharistique ou bien immédiatement avant ou après ! Lorsque vous vous réunissez tous ensemble, ce n’est plus le repas du Seigneur que vous prenez ; en effet, chacun se précipite pour prendre son propre repas, et l’un reste affamé, tandis que l’autre a trop bu.

Face à ces divisions et à ces désordres, Paul rappelle donc la tradition reçue du Seigneur. Et il commence par le contexte historique de l’eucharistie, le soir du jeudi saint : la nuit où il était livré… Cette expression évoque en même temps la trahison de Judas et l’entrée volontaire du Christ dans sa Passion. C’est dans ce contexte qu’il prit du pain et une coupe de vin pour que ses disciples fassent mémoire de lui. A deux reprises, Jésus dit en effet : Faites cela en mémoire de moi. Dans le texte de Paul, l’eucharistie est d’abord le mémorial du Christ livré pour nous dans sa Passion et sa mort. Elle est aussi le mémorial de la nouvelle Alliance en son sang. C’est réellement au soir du jeudi saint que Jésus nous fait passer dans l’Alliance nouvelle et définitive, dans la perfection de la réconciliation entre Dieu et les hommes. Il anticipe dans ce repas sacré ce qui se réalisera le lendemain, le vendredi saint, avec sa Passion et sa mort sur le bois de la croix. Dans le récit de la Passion selon saint Luc, l’évangéliste signale, juste avant la mort de Jésus, un événement qui se produit dans le temple : Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. La déchirure du rideau du temple marque symboliquement la fin de la première alliance et l’avènement de la nouvelle alliance dans le sang du Fils bien-aimé. Le mémorial de l’eucharistie est donc celui de la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ. Et il se célèbre sous la forme d’un repas sacré dans lequel le pain devient le corps du Seigneur tandis que le vin se transforme en son sang. Après avoir cité les paroles de Jésus, Paul conclut : Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Même s’il ne mentionne pas la résurrection et insiste sur la mort du Seigneur, la résurrection est affirmée de manière implicite puisqu’en célébrant l’eucharistie et en communiant au pain de vie nous regardons vers l’horizon final de la création et de l’histoire humaine, dans l’attente du retour du Christ en gloire : jusqu’à ce qu’il vienne. L’eucharistie est importante pour le temps de l’Eglise, pour nous qui sommes comme des pèlerins sur cette terre. Mais dans le Royaume de Dieu pleinement accompli, l’eucharistie n’existera plus, elle cèdera la place à la réalité qu’elle annonçait et à laquelle elle nous faisait goûter par avance : la pleine communion avec le Dieu trois fois Saint et entre nous dans la divine charité. Paul affirme donc ici la dimension eschatologique de l’eucharistie, son lien avec le Royaume des cieux et la vie éternelle. Comme le chante la séquence de cette fête, le pain eucharistique est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu qui nous prépare à recevoir les biens éternels dans la terre des vivants. A cette signification eschatologique de l’eucharistie, il faudrait en joindre une autre, cosmologique cette fois. Car le fait que Jésus ait choisi des éléments de la création transformés par le travail des hommes, le pain et le vin, nous indique la place de la nouvelle création au sein même du sacrement de la messe. Même si dans sa lettre aux Romains, Paul ne parle pas explicitement de l’eucharistie, les paroles qu’il prononce à propos de la création nous laissent entrevoir l’espérance d’une transfiguration de toute la création et pas seulement un salut pour les créatures humaines : La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu… elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu.

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