Jean 1,
1-18
L’Evangile
du jour de Noël ne nous conduit pas à la crèche, dans l’étable de Bethléem, à
la suite des bergers, mais nous invite à une contemplation du Verbe incarné.
Bien sûr saint Jean ne contredit pas saint Luc dans sa présentation du mystère
de l’incarnation. Il choisit simplement de ne pas raconter la nuit de Noël,
lors du recensement ordonné par l’empereur Auguste, nuit d’humilité et de
pauvreté pour la manifestation du Fils de Dieu. Il nous place au commencement
et considère le mystère de plus haut, de plus loin. Il ne nous fait pas voir
l’enfant Jésus dans l’étable auprès du bœuf et de l’âne, mais le Verbe éternel
auprès de Dieu.
En
débutant son Évangile par ces paroles, Au
commencement était le Verbe, Jean, le théologien, nous ramène au premier
verset de la Bible, dans le livre de la Genèse : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Cette référence
implicite, en forme de clin d’œil pour tous ceux qui connaissent les Écritures,
place donc le mystère de l’incarnation dans la lumière de celui de la création
et encore plus la création dans la lumière de l’incarnation. Le commencement dont parle Jean n’est pas
celui de Dieu puisque Dieu n’a pas de commencement. Ce commencement désigne le
temps de la création, le moment où la Sainte Trinité décide de créer. Et
l’évangéliste souligne fortement que tout a été créé par le Verbe, le Fils
bien-aimé du Père. Le Verbe peut se traduire par Parole mais aussi par Raison
ou Intelligence. Le Père fait sortir du néant toute la création par sa Parole
pleine de Sagesse. Cette vérité est déjà présente au chapitre premier de la
Genèse puisque Dieu créé en disant, en parlant… Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Relevons au
passage que la première étape de la création est celle de la lumière qu’il
convient de séparer des ténèbres : Dieu
vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu
appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir,
il y eut un matin : premier jour. Or le soleil, le grand luminaire de la
Genèse, n’est créé que plus tard, au quatrième jour. La lumière et les ténèbres
du premier jour sont donc des réalités d’un autre ordre. Et ce n’est
probablement pas par hasard que nous retrouvons ce couple lumière/ténèbres dans
le prologue de saint Jean… La lumière
brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Si la
lumière du premier jour est créée, le Verbe lumière, lui, est créateur. Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire
tout homme en venant dans le monde. Jésus lui-même se présentera à ses
auditeurs comme la lumière du monde. C’est cette métaphore de Jésus-Lumière qui
a incité les chrétiens du 4ème siècle à choisir la date du 25
décembre pour célébrer la naissance du Sauveur en substitution à la fête
romaine du Soleil invincible et immortel qui commémorait aussi la naissance du
dieu solaire Mithra. Ce qui se traduit également dans le cycle de la création
puisque la lumière du jour commence à vaincre les ténèbres de la nuit. Le
message de Jean est donc le suivant : De même qu’au commencement Dieu a
tout créé avec Sagesse par son Verbe, de même par le mystère de l’incarnation
du Verbe, il commence une création nouvelle. Sans oublier que l’accomplissement
et le but du mystère de Noël, c’est celui de la Pentecôte et du don de l’Esprit
Saint. L’homme et la femme de la Genèse sont créés à l’image de Dieu, selon sa
ressemblance. Même si saint Jean n’utilise pas la notion d’image pour le Verbe,
la réalité, elle, est bien présente : Dieu,
personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans
le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. C’est saint Paul qui,
dans sa lettre aux Colossiens, présentera Jésus comme l’image du Dieu qu’on ne peut voir, le premier-né pour toute créature. Pour
Paul Jésus est en effet le Nouvel Adam qui nous permet de passer de la première
création blessée par le péché à la nouvelle création. Pourquoi donc le Verbe
s’est-il fait chair en naissant de la Vierge Marie ? Pour que, par notre
foi en Lui comme notre unique Sauveur, nous devenions des enfants de Dieu, nés de Dieu. Même si ce grand mystère de
l’incarnation s’accomplit dans les
derniers temps, dans ces jours où nous sommes, Dieu étant éternel, c’est
depuis toujours qu’il projetait de faire de nous ses fils et filles bien-aimés
par le Fils unique, son Verbe. Saint Paul l’affirme sous la forme d’une prière
de bénédiction dans sa lettre aux Éphésiens :
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur
Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au
ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du
monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous
a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi
l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous
donne dans le Fils bien-aimé.
C’est
bien ce cadeau inestimable, cette grâce de Dieu qui nous vient par
Jésus-Christ, que Jean célèbre lui aussi, dans son prologue :
Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous
avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la
vérité sont venues par Jésus Christ.
Tout ce
que nous venons de méditer à partir du prologue de saint Jean dans la lumière des
Ecritures est traduit d’une manière merveilleusement concise par la prière
d’ouverture de cette messe. Le grand mystère de Noël est en effet celui de
l’admirable échange :
Père, toi qui as
merveilleusement créé l’homme et plus merveilleusement encore rétabli sa
dignité, fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu’il a voulu
prendre notre humanité.
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