19/06/16
Luc 9,
18-24
Saint Luc souligne dans son
Evangile l’importance de la prière dans la vie de Jésus, et de la prière à l’écart. C’est dans ce contexte de
prière que le Seigneur pose à ses disciples deux questions sur son identité, un
peu à la manière d’un sondage. Evidemment il n’a pas besoin de poser des
questions pour savoir ce que l’on pense de lui. Mais s’il le fait, c’est pour
susciter une réponse de foi dans le cœur de ses disciples, c’est pour les faire
avancer dans la compréhension de sa personne. Après la question concernant
l’opinion de la foule, Jésus s’adresse plus directement à ses disciples : Pour vous, qui suis-je ? Et c’est
Pierre, le premier parmi les disciples, qui répond, en se faisant le
porte-parole du groupe : Le Messie
de Dieu. Nous avons du mal aujourd’hui à nous représenter le poids de cette
réponse. En effet, pour les Juifs, le Messie était un personnage unique et
particulièrement important. Et affirmer qu’il était là au milieu d’eux, c’était
comme dire que l’histoire humaine et religieuse du peuple entrait dans une
nouvelle phase. La réponse de Pierre suscite chez Jésus une réaction qu’il faut
expliquer : il leur défendit
vivement de le révéler à personne. Pourquoi donc ce secret
messianique ? Jésus ne dit pas que Pierre a mal répondu. Pierre a dit la
vérité : oui, Jésus est bien le Messie attendu par le peuple. Mais,
comme le dit le proverbe, toute vérité n’est
pas bonne à dire. Jésus ne s’intéresse pas seulement à la vérité sur son
identité. Ce qui le passionne c’est que cette vérité soit comprise et
accueillie correctement dans les cœurs de ses contemporains. Il s’intéresse au
récepteur de la vérité, c’est-à-dire à l’homme qu’il est venu sauver. Or la
vérité sur le Messie était une vérité dangereuse parce qu’ambigüe. Une chose
est d’affirmer une vérité, une autre est de l’interpréter correctement. Les
Juifs dans leur grande majorité n’étaient pas prêts à comprendre correctement
cette affirmation. Parce que dans leur mentalité trainait l’idée que le Messie
aurait une fonction politique… Ils se représentaient le Messie comme un
nationaliste zélé qui allait libérer Israël de l’humiliation de l’occupation
romaine. D’où le secret que Jésus impose aux disciples sur son identité. Il
leur fait comprendre que ce n’est qu’après sa Passion, sa mort et sa
résurrection que la vérité sur le Messie pourra être reçue correctement. Car un
Messie qui accepte de se faire condamner à mort par l’autorité romaine ne peut
plus être compris comme un révolutionnaire politique ! Après Pâques,
l’idée de Messie sera purifiée de sa dimension nationaliste et violente, elle
sera donc utilisable pour parler de Jésus.
Après cet enseignement délivré
aux disciples, le Seigneur se tourne vers les foules. La vérité que Jésus nous
donne n’est pas une vérité théorique, comme on peut la trouver dans les
encyclopédies. C’est une vérité qui ne peut se découvrir que si l’on accepte de
se mettre en route, de marcher à sa
suite. C’est une vérité existentielle. Dieu se révèle au cœur de nos vies.
Et c’est par notre manière de vivre que nous lui permettons, ou au contraire
lui interdisons, de se révéler à nous. La vérité n’est pas au départ, elle est
à l’arrivée, une fois que l’on a parcouru le chemin jusqu’au bout. De la même
manière que c’est uniquement après Pâques que la personne de Jésus peut être
reconnue pour ce qu’elle est réellement. Le chemin qui nous mène à la plénitude
de la vérité passe par la croix et le renoncement. Traduisons le langage des
Evangiles : cela signifie que ce chemin n’est pas facile, qu’il demande
des efforts et qu’il implique d’accepter de souffrir à la suite de Jésus. La
logique de la foi nous décentre de nous-même et de notre pente naturelle qui
est celle de l’égoïsme. Pour le dire de manière positive, c’est seulement par
l’amour de Dieu et du prochain que nous pouvons rencontrer le Christ en vérité
et le connaître comme le Messie. Car le double commandement de l’amour nous décentre
de nous-même pour nous orienter à la fois vers Dieu notre Père, source de notre
vie et de notre existence, et vers nos frères les hommes ainsi que vers toutes
les créatures. C’est cela perdre sa vie
pour Jésus : donner la vie reçue pour Dieu et pour le prochain.
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