dimanche 11 mars 2012

Troisième dimanche de Carême

Les partisans d’un christianisme « musclé » citent souvent l’épisode des marchands chassés du temple pour justifier leur prise de position. Dans les Evangiles il semblerait que ce soit l’unique épisode qui nous rapporte un acte du Seigneur marqué par une certaine violence et inspiré par une sainte colère. Jésus lui-même donne une double explication à son acte. S’adressant tout d’abord aux marchands il dit : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». D’autres traductions parlent de « maison de commerce ». Ce qui provoque la sainte colère du Seigneur c’est tout simplement une profanation du temple. La loi de Moïse prescrivait des sacrifices d’animaux. Nous sommes dans les jours qui précèdent la grande fête annuelle de Pâques. Donc les marchands et les changeurs devaient être particulièrement nombreux sous les portiques extérieurs du temple pour répondre à la demande des pèlerins affluant en masse à Jérusalem. Comme les monnaies païennes ne pouvaient pas servir dans le temple il fallait aussi des changeurs. Jésus ne semble pas remettre en question les sacrifices d’animaux mais l’organisation commerciale qui s’était créée dans l’enceinte de la maison de son Père. En 1517 lorsque le moine Martin Luther protestera contre la vente des indulgences au profit de la construction de la nouvelle basilique saint Pierre on retrouvera le même problème. Le rapport entre religion et argent n’est donc pas nouveau. Pour Jésus ces activités commerciales profanent la sainteté du lieu, d’où son geste. Le prophète Zacharie avait annoncé cette purification du temple : « En ce jour-là il n’y aura plus de marchands dans le temple du Seigneur Dieu ». Mais l’acte de Jésus va plus loin que cela, il a aussi un autre sens. Aux Juifs, choqués, qui lui demandent de s’expliquer, il répond : « Détruisez ce temple, et en trois jours, je le relèverai » ; et saint Jean de commenter : « Le temple dont il parlait, c’était son corps ». En chassant du temple les commerçants Jésus fait un acte prophétique, un acte qui annonce quelque chose de nouveau, quelque chose à venir. La violence toute relative de l’acte annonce une violence extrême, celle de sa mort sur la croix. La purification du temple est en fait une annonce du mystère de Pâques, mort et résurrection, mystère qui passe par la violence et la souffrance pour engendrer la gloire de la vie divine dans le corps humain de Jésus de Nazareth. Le temple véritable c’est donc Jésus lui-même, Fils du Père. C’est aussi son Eglise et chacun d’entre nous puisque le baptême et la confirmation font de nous des sanctuaires de Dieu. Même si cela n’est pas dit de manière explicite ce geste annonce la fin du culte ancien et l’instauration du nouveau culte. Et de fait le culte selon la loi de Moïse s’arrêtera définitivement en 70 lorsque les romains détruiront le dernier temple, celui d’Hérode. Mais du point de vue spirituel, et pas seulement historique, le passage du culte ancien au culte nouveau se fait au moment précis où Jésus meurt sur la croix. Matthieu, Marc et Luc signalent en effet que le voile du sanctuaire se déchira en deux de haut en bas alors que Jésus offrait sa vie sur le Golgotha. Le Saint des Saints, la partie la plus sacrée du temple dans laquelle seul le prêtre pouvait pénétrer en certaines occasions, était protégé par un voile. Le Saint des Saints était le lieu de la présence divine. Ce lieu devient le corps du Christ mort et ressuscité. Dans et par le Christ nous avons accès à Dieu notre Père sans avoir à offrir des sacrifices. Quelques pages plus loin dans le même Evangile Jésus s’exprime plus clairement en prophétisant à la Samaritaine : « L’heure vient où vous adorerez le Père. Et alors ce ne sera pas sur cette montagne ou à Jérusalem… L’heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Nous devons comprendre que nos églises ne sont pas la reprise du temple de Jérusalem qui était unique. Dans notre foi chrétienne le plus important ce ne sont pas les bâtiments de pierre. Les églises-bâtiments n’ont de raison d’être que pour accueillir la prière des vrais adorateurs du Père. Ce qui est premier ce sont donc les baptisés. Nous sommes les pierres vivantes d’un édifice spirituel, le corps du Christ, l’Eglise de Dieu. La charité fraternelle au sein de la communauté est la condition du culte nouveau en esprit et en vérité.

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