dimanche 6 avril 2008

Troisième dimanche de Pâques

3ème dimanche de Pâques / A
6 avril 2008
Luc 24, 13-35 (page 527)
Cette magnifique page de l’Evangile de Luc, nommée bien souvent « le récit des pèlerins d’Emmaüs », ne cessera jamais de nous émerveiller. L’évangéliste Luc, avec son grand talent d’écrivain, a choisi de mettre en relief d’une manière significative cette expérience pascale, alors que Matthieu et Jean ne la mentionnent même pas et que Marc ne lui consacre que deux versets. Ce récit, c’est une évidence de le rappeler, est d’une grande profondeur et d’une grande richesse pour notre vie chrétienne d’aujourd’hui. Ce qui nous permet de l’aborder sous des angles différents sans jamais en épuiser le sens. Je voudrais pour ma part le méditer en partant de l’attitude du Seigneur ressuscité à l’égard de ses deux disciples découragés. Contempler l’attitude du Seigneur ne peut bien sûr que nous renvoyer à notre propre attitude de disciples, j’y reviendrai en conclusion.
« Il marchait avec eux. » Jésus Vivant se fait donc le compagnon de route de ses deux disciples. Il aurait pu lever leur aveuglement de manière rapide en se présentant… « C’est moi Jésus celui que vous pleurez, je suis le Vivant ! » Or nous constatons que Jésus ne choisit pas la méthode rapide. Au contraire en choisissant de marcher au rythme des disciples, il prend le temps. La révélation de la victoire de Pâques à notre humanité a en effet besoin de temps pour naître et murir dans nos cœurs bien souvent « lents à croire ». Certains ont dit que le temps était le 8ème sacrement, et nous savons combien c’est vrai dans notre expérience spirituelle personnelle. Observons donc la pédagogie de Jésus et regardons comment il va « évangéliser » ses disciples en marchant avec eux… « De quoi causiez-vous donc tout en marchant ? » La première parole que le Seigneur adresse aux deux disciples est une question. Jésus ne commence pas par un enseignement ou une révélation. Il s’intéresse réellement à la vie de ces hommes, à leurs soucis et à leurs préoccupations du moment. Il sait que ces hommes ont une histoire et qu’il faut la respecter. En psychologie cela s’appelle l’empathie. Le Seigneur n’évangélise jamais de manière superficielle, en plaquant sur la vie des gens des affirmations toutes faites et toutes prêtes. Le Seigneur va évangéliser ses disciples en les faisant parler, en leur donnant la parole. Il sait très bien quel était le contenu de leur conversation car il lit dans les cœurs. Mais il veut leur permettre une première libération par la parole, et c’est très important. D’ailleurs sa deuxième intervention dans la discussion est encore une question : « Quels événements ? » Chemin faisant, les cœurs s’ouvrent donc et livrent à cet inconnu attentif toute leur peine et leur déception. Et ce n’est qu’une fois ce chemin parcouru que le compagnon de route va leur donner une clef de lecture de ces événements en se référant à la Parole de Dieu, l’Ecriture. Jésus, encore non reconnu, donne d’abord la parole aux hommes et ensuite illumine par la Parole de Dieu cette discussion sur la route. En utilisant encore l’interrogation : « Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » « Jésus fit semblant d’aller plus loin. » Pourquoi donc cette attitude si ce n’est pour respecter la liberté des disciples… En ne s’imposant pas, le Seigneur suscite dans leur cœur le désir de sa présence : « Reste avec nous ». A trois reprises dans le récit, Luc utilise l’expression « avec eux ». Ce Vivant de Pâques est bien l’Emmanuel, « Dieu avec nous », Dieu qui dans l’admirable mystère de l’incarnation se fait toujours le compagnon de nos routes humaines, Dieu qui sans cesse nous précède et nous attend sur les chemins de notre vie. Le moment de la révélation, de l’illumination est d’une touchante simplicité. Le Seigneur se met à table avec ces hommes et il fait le geste de rompre le pain et de le leur donner. Pour accomplir ce parcours d’évangélisation, le Ressuscité ne choisit pas la parole mais un geste. Il n’enseigne pas. Il montre quelque chose à comprendre par ce beau geste de la fraction du pain qui réveille dans la mémoire des disciples des souvenirs bien précis. C’était la même logique qui présidait au lavement des pieds : enseigner par un geste tout simple mais ô combien significatif. C’est ce que le pape Jean-Paul II avait bien compris lorsqu’il avait innové dans la manière de faire habituelle de ses prédécesseurs, par exemple en baisant la terre lorsqu’il descendait d’un avion ou en glissant une intention de prière dans le mur des lamentations à Jérusalem… Dans le récit d’Emmaüs la révélation de l’identité du compagnon de route correspond avec sa disparition : « il disparut à leurs regards ». C’est que la foi est toujours un acte libre et que le Ressuscité est bien présent à nos côtés sans jamais s’imposer. La Présence du Ressuscité est bien la plus réelle de toutes les présences, et l’Eucharistie en est le sacrement, mais c’est une présence toujours discrète.
Si nous voulons être témoins de la Bonne Nouvelle auprès de nos contemporains, particulièrement auprès de ceux qui sont sans espérance, nous avons dans l’attitude de Jésus une référence incontournable. Comme lui, nous devons être prêts à prendre le temps de marcher avec nos frères les hommes, de les écouter, de leur apporter la lumière de la Parole de Dieu et enfin de poser à leur égard des gestes qui signifient l’amour de Dieu et notre amour. L’évangélisation ne peut être une opération « marketing ». Elle implique toujours notre participation à la grande patience de Dieu qui veut la conversion des pécheurs. Amen.

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