8 /12/ 2024
L’espérance
ne déçoit pas (2)
En ce temps de l’Avent nous
continuons notre lecture de la bulle d’indiction du Jubilé L’espérance ne
déçoit pas. Les numéros 7 à 15 du document pontifical nous parlent des
signes d’espérance. Le pape François reprend à son compte et pour l’Eglise de
notre temps les mots par lesquels s’ouvrait en 1965 la constitution pastorale Gaudium
et Spes du concile Vatican II :
Les
joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps,
des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est
rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur.
Après avoir mis en avant l’exigence
de la paix, le pape souligne l’importance de pouvoir transmettre, en
particulier aux jeunes, une vision de la vie pleine d’enthousiasme. Les
diverses crises (politiques, économiques, écologiques) ainsi que les conflits
armés entre nations ou blocs idéologiques rendent l’espérance difficile et
exigent donc de tous et de chacun une alliance sociale pour l’espérance.
En 2013 l’anthropologue américain David Graeber publiait un manifeste qui fera
date sur les « jobs à la con » (Bullshit jobs), article repris
et développé dans le livre homonyme de 2018. Cette théorie désigne le fait
d’avoir à réaliser au travail des tâches totalement inutiles et vides de sens,
voire même néfastes pour la société. David Graeber met aussi en lumière
l’équation suivante : Plus un travail est utile à la société et répond à
de vrais nécessités, moins il est rémunéré. Plus il est inutile, voire néfaste,
plus il est rémunéré. Ou pour le dire avec les mots mêmes de Graeber : Plus
votre boulot rend service et bénéficie aux autres – donc plus vous créez de
valeur sociale ‒, moins vous serez payé
pour le faire. La crise des agriculteurs en France en est
malheureusement la preuve évidente. L’anthropologue montre aussi comment le
management contemporain parvient à vider de leur sens des métiers comme
professeurs d’université ou chercheurs qui passent plus de temps à remplir des
papiers et des formulaires administratifs qu’à faire ce pour quoi ils sont faits,
c’est-à-dire enseigner, rencontrer les étudiants et faire de la recherche.
C’est aussi le cas dans les hôpitaux où infirmières et médecins sont en
priorité accaparés par des tâches administratives aux dépens de la relation
avec les malades et des soins à leur apporter. C’est donc toute une
organisation du travail qu’il faudrait remettre radicalement en question pour
redonner le goût de l’espérance qui est toujours lié à la question du sens. Les
bullshit jobs sont souvent des emplois tout simplement absurdes. Le pape
aborde justement au n°9 la question d’une vie purement perçue comme matérielle,
sans horizon de sens :
L’être humain, créé à l’image
et à la ressemblance de Dieu, ne peut se contenter de survivre ou de vivoter,
de se conformer au présent en se laissant satisfaire de réalités uniquement
matérielles. Celles-ci enferment dans l’individualisme et érodent l’espérance,
en générant une tristesse qui se niche dans le cœur et le rend aigre et
intolérant.
Ensuite
le pape souhaite que l’année jubilaire soit un encouragement pour tous les
chrétiens à être des signes tangibles d’espérance pour de nombreux frères et
sœurs qui vivent dans des conditions de détresse. Il invite donc chacun à
s’engager concrètement envers des catégories de personnes qui peuvent souffrir
du manque d’espérance. Je les cite : les détenus ou prisonniers, les
malades, les jeunes, les migrants, les personnes âgées et les pauvres. Là où
nous vivons, quels gestes et initiatives pouvons-nous avoir envers ces
personnes ? Il s’agit à travers la manifestation de notre charité
fraternelle de leur partager un peu de la joie du Jubilé, joie qui nous vient
du Christ ressuscité. Dans cette partie de sa bulle, le pape donne aussi
quelques principes généraux qui peuvent nourrir notre réflexion et guider notre
action.
J’en
retiens trois. Le premier revient à condamner la peine de mort comme contraire
à la vertu d’espérance : Partout sur la terre, les croyants, en
particulier les pasteurs, doivent se faire les interprètes de ces demandes,
parlant d’une seule voix pour réclamer avec courage des conditions dignes pour
ceux qui sont emprisonnés, le respect des droits humains et surtout l’abolition
de la peine de mort, une mesure contraire à la foi chrétienne qui anéantit toute
espérance de pardon et de renouveau. Le second n’est que le rappel de
l’attitude de Jésus lui-même qui doit s’incarner toujours davantage dans la vie
de l’Eglise : La communauté chrétienne doit toujours être prête à
défendre le droit des plus faibles. Enfin le troisième principe concerne le
regard que nous portons sur les pauvres : Ne l’oublions pas : les
pauvres, presque toujours, sont des victimes, non des coupables. Le
discours ambiant et très répandu de nos jours, surtout parmi ceux qui se
considèrent comme « les élites », consiste à affirmer le contraire de
ce que le pape déclare dans ce troisième principe : si les pauvres sont
pauvres, si les chômeurs sont chômeurs, et les SDF SDF, c’est entièrement de
leur faute. Les gouvernants et les politiciens, pourtant responsables du bien
commun et des choix économiques, se déchargent ainsi de leur responsabilité et
de leur incapacité à résoudre les crises en culpabilisant les pauvres et les
chômeurs qui sont accusés tout simplement de fainéantise et dénoncés comme des
assistés. Le pape dit le contraire : les pauvres sont les victimes d’un
système économique pervers mis en place et maintenu par des choix politiques
bien concrets qui ne sont pas au service de l’intérêt général.
Pour
conclure écoutons à nouveau le pape :
Les
œuvres de miséricorde sont aussi des œuvres d’espérance qui réveillent dans les
cœurs des sentiments de gratitude
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