Jean 1, 1-18
Hier,
pour la messe de la nuit de Noël nous avons contemplé l’enfant de la crèche
avec saint Luc : Marie mit au monde
son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il
n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Aujourd’hui, nous
contemplons le même mystère avec les yeux d’aigle de saint Jean le
théologien : Et le Verbe s’est fait
chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il
tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
La vision
de Luc est humble, celle de Jean grandiose, mais elles nous donnent accès au
même mystère, celui de l’incarnation par lequel non seulement Dieu se fait
homme mais aussi notre frère. Et c’est à Noël qu’il inaugure ce chemin de
fraternité avec nous en commençant sa vie au milieu de nous comme un
nouveau-né. Ce nouveau-né, c’est bien le Verbe, la Parole éternelle de Dieu.
Jésus, Fils de Dieu, devra attendre de grandir pour faire sien le langage des
hommes. Il commence comme tous les bébés de la terre sans cette capacité du
langage et pourtant il est bien la Parole de Dieu faite chair. C’est d’ailleurs
l’origine latine de notre mot enfant qui nous le rappelle : infans, désignant le très jeune enfant
qui ne parle pas. Sur ses 33 années de vie parmi nous Jésus n’a enseigné par sa
parole que pendant les trois dernières années de sa vie, ce que l’on appelle
son ministère public. La plus grande partie de sa vie a été une vie humble et
cachée à Nazareth. Entre sa naissance dans la crèche et le jour de son baptême,
Jésus, le Verbe, nous a parlé, nous a enseigné par son silence. Il nous a parlé
en choisissant une vie humble et ordinaire au milieu des siens. Chez saint Luc
et saint Jean deux lieux sont liés à la manifestation du Fils de Dieu dans
notre humanité : la mangeoire et la
tente. Car la traduction littérale du verset 14 du magnifique prologue est
la suivante : Et le Verbe s’est fait
chair, il a planté sa tente parmi nous. Si Dieu choisit comme lieu de sa
naissance une mangeoire, il se présente aussi à nous comme celui qui séjourne
parmi nous sous une tente. C’était déjà le cas lors des 40 années passées dans
le désert par le peuple d’Israël après sa libération de l’esclavage en Egypte.
L’image de la tente évoque un Dieu voyageur, un Dieu en mouvement, un Dieu qui
nous accompagne là où nous sommes, là où nous en sommes dans notre chemin de
vie. Le tabernacle de nos églises, accueillant le trésor du pain eucharistique,
est une image de la tente de l’incarnation. Dans le prologue de saint Jean,
l’évangéliste nous présente Jésus comme la vraie lumière : En lui était la vie, et la vie était la
lumière des hommes… Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en
venant dans le monde. Oui, Jésus dans le mystère de son enfance et de toute
sa vie, illumine nos cœurs par sa présence. Il nous parle en donnant une
signification à notre vie, une direction.
Une phrase sans verbe ne signifie rien, en effet. Jésus infiltre sa
douce lumière dans nos ténèbres, celles de nos échecs et de nos péchés, de nos
souffrances et de nos deuils. Il vient nous enseigner le chemin de la véritable
joie avec Dieu et entre nous, si nous le voulons bien, dans la mesure où nous
l’accueillons et l’acceptons dans le mystère de la foi. Noël est toujours un
appel à faire confiance dans le triomphe de la lumière sur nos ténèbres
intérieures et celles de notre monde.
Nous ne
connaissons pas la date de naissance de Jésus. Lorsqu’au 4ème siècle
les chrétiens ressentent le besoin d’instituer cette fête, ils choisissent une
date proche de celle du solstice d’hiver, le moment où le jour regagne du
terrain sur la nuit… Depuis l’année 274, les Romains fêtaient le 25 décembre le
soleil invaincu. Les chrétiens ayant saisi le mystère de l’incarnation
choisirent de christianiser la fête païenne de la naissance du soleil invaincu.
Bien avant l’institution de la fête de Noël, saint Jean affirmait dans son
prologue : La lumière brille dans
les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Noël est bien cette
fête lumineuse au sein des ténèbres de l’hiver. C’est à chacun d’entre nous que
Jésus confie sa divine lumière pour que nous la fassions rayonner en aimant
comme lui nous a aimés, davantage par nos actes que par nos paroles.