Dans notre année liturgique chrétienne nous fêtons
trois naissances : celle du Seigneur Jésus, celle de Notre-Dame et enfin
celle de Jean-Baptiste. Parmi les saints du calendrier Jean a donc un statut
unique. Toutes les fêtes des saints correspondent en effet à la date de leur
mort ou de leur martyre. Et c’est le 29 août que nous faisons mémoire du
martyre de Jean. Pourquoi donc l’Eglise dans sa liturgie accorde-t-elle à Jean
une place particulière parmi les autres saints ? Parce qu’il se situe à
une période charnière de l’histoire du salut. Il est le dernier des prophètes.
Il est le seul parmi les prophètes à avoir vu le Christ. Les autres n’ont fait
que l’annoncer. Jean est celui qui fait passer l’Ancienne Alliance dans la
Nouvelle.
La liturgie de la Parole exprime à la fois la
continuité de Jean avec les prophètes qui l’ont précédé et sa nouveauté. La
première lecture est un magnifique texte du livre d’Isaïe dans lequel un
prophète décrit sa vocation et sa mission. Avant même notre naissance Dieu a un
projet pour nous. En nous créant dans le sein de notre mère il nous donne une
vocation. Certes nous ne sommes pas tous appelés à avoir une mission comme
celle de Jean. Mais tous nous sommes appelés à la sainteté en cherchant la
volonté du Seigneur dans nos vies et en y répondant généreusement. La première
lecture et le psaume nous redisent que notre existence ici-bas n’est pas
seulement le fruit de l’union charnelle de notre père et de notre mère. Dans
cette union Dieu créateur est présent. Nous sommes créés à son image et selon
sa ressemblance. Et c’est le fondement même de notre dignité humaine. Nous
appartenons bien sûr au règne animal mais à l’intérieur de ce règne nous
constituons l’espèce humaine en raison d’un don particulier de Dieu et de son
appel : « J’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est
ma force ». A cette affirmation du prophète répond celle du psaume
138 : « Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis ».
Par son appel, Dieu notre Père fait de nous des co-créateurs, c’est-à-dire des
êtres capables de continuer et d’achever sa création. Nous sommes responsables
devant Dieu de sa création. D’où l’urgence de développer chez tous les
chrétiens un engagement écologique fort. Après l’échec de Copenhague, les
politiciens réunis à Rio ont une fois de plus enterré le changement nécessaire
dans notre attitude vis-à-vis de la création. Nous savons désormais que ce sont
les citoyens et les associations qui pourront faire bouger les choses.
Jean se situe donc dans la continuité des
prophètes de l’Ancien Testament. Mais il annonce aussi la nouveauté du Christ.
Le nom que ses parents veulent lui donner, nom donné par l’ange Gabriel, est un
nom nouveau dans la famille : « Personne dans ta famille ne porte ce
nom-là ! » Et comme souvent dans la Bible un nom a un sens, un nom
annonce la mission de l’enfant qui vient de naître. Jean signifie « Dieu
fait grâce ». Et comment ne pas penser ici à ce que Jean l’évangéliste
écrit dans son prologue ?
Tous
nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ.
Le nom nouveau de Jean, un nom qui vient du ciel
et non pas de sa famille, annonce bien ce que sera notre condition de
chrétiens. Par le baptême nous entrons en effet dans une famille nouvelle,
celle des enfants de Dieu, une famille dans laquelle les liens spirituels sont
plus importants que ceux de la chair, et c’est encore le prologue de Jean qui
peut nous éclairer :
Mais
tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de
pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni
d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu.
Fêter la naissance de Jean c’est donc célébrer
avec gratitude le nom nouveau que nous avons reçu au jour de notre baptême. Si
à ce nom nouveau nous faisons correspondre, par la grâce de Dieu, une vie
nouvelle, alors nous serons admis dans le Royaume de Dieu. Là, dans la
communion de Dieu Trinité, notre vie humaine et chrétienne s’épanouira en
plénitude, selon la promesse contenue dans le livre de l’Apocalypse :
Au
vainqueur je donnerai de la manne cachée ; je lui donnerai aussi une pierre
blanche, avec, écrit sur cette pierre, un nom nouveau que personne ne connaît
sauf celui qui la reçoit.