Matthieu
24, 37-44
27/11/16
D’après la conception chrétienne
du cosmos, le temps commence avec la création, et lorsque l’homme apparaît au
terme d’une très longue évolution, l’histoire humaine commence. L’homme, la
créature la plus jeune, la dernière venue dans ce long processus de création,
est créé à l’image de Dieu et selon sa ressemblance. Il est appelé à vivre une
relation d’amitié et de communion avec son Créateur. Le début de la nouvelle
année liturgique, avec le premier dimanche de l’Avent, oriente notre regard,
non pas vers la fête de Noël, mais vers l’accomplissement de notre histoire
humaine à la fin des temps. Remarquons l’emploi du futur dans les lectures de
cette liturgie. Le Fils de Dieu s’est manifesté à Noël en vue de notre salut,
et il reviendra pour mettre un terme à la création telle que nous la
connaissons aujourd’hui. Il viendra inaugurer des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habite,
selon l’expression de la deuxième lettre de Pierre. L’Avent nous prépare
d’abord à ce retour glorieux du Christ en nous donnant comme consigne :
veillez et tenez-vous donc prêts ! Même si nous ignorons le moment de
cette dernière étape de notre histoire humaine, nous savons avec certitude qu’au
terme de notre vie nous vivrons aussi un Avent unique, celui qui nous prépare
au passage de notre propre mort. Pour un chrétien cette préparation au Royaume
de Dieu n’est pas une attitude passive, comme quand on attend le train sur le
quai d’une gare. Notre attente du Royaume de Dieu est vigilante. Veiller est
une attitude active qui implique de notre part un désir, celui de voir la
justice de Dieu se manifester dans notre vie et dans la création tout entière.
Veiller est une attitude active qui mobilise dès maintenant, sans attendre le
dernier moment, notre amour et notre volonté pour que vienne le Règne de Dieu.
C’est dire, bien sûr, l’importance de notre vie de prière. Les moines et les
moniales sont essentiellement des veilleurs au milieu d’un monde, comme celui
de l’époque de Noé, qui s’adonne à ses activités en oubliant la plupart du
temps que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort
de la bouche de Dieu. Nous ne pouvons pas demeurer éveillés dans ce monde, voué
aux affaires et au commerce, sans une vie de prière authentique. A cette vie de
prière correspond de notre part un engagement constant en faveur de la justice
du Royaume de Dieu, c’est le lien entre prière et action, entre spiritualité et
combat dans ce monde : revêtons-nous
du Christ pour le combat de la lumière. La première lecture nous présente
le pèlerinage de toutes les nations à Jérusalem. La ville sainte symbolise dans
la perspective de l’Avent l’accomplissement du Royaume de Dieu à la fin des
temps. Comment ne pas rêver en écoutant cette magnifique prophétie ? De leurs épées, ils forgeront des socs, et
de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ;
ils n’apprendront plus la guerre. Lorsque la Parole de Dieu nous fait
rêver, n’oublions jamais que ce qu’elle nous promet est réel et réalisable.
Dans la Jérusalem d’en haut plus de place pour les péchés de haine, de
division, de jalousie, de guerre et d’homicide, plus de place pour la folle et
dangereuse course aux armements. Si nous marchons dans la lumière du Seigneur
en veillant, nous ne pouvons pas nous résigner à accepter notre monde tel qu’il
est. La résignation face au mal est toujours le signe d’un manque de foi en la
puissance des promesses divines. Isaïe associe d’une manière étroite la Jérusalem
à venir avec la paix du Royaume de Dieu. Veiller activement, c’est donc
répondre à l’appel de Jésus dans les Béatitudes : Heureux ceux qui sèment la paix, ils seront appelés enfants de Dieu.
Le chrétien qui veille sera toujours un résistant face à l’injustice du monde,
un altermondialiste qui incarne dès maintenant par sa vie et ses choix la
réalisation du Royaume.