dimanche 27 décembre 2009

LA SAINTE FAMILLE

La Sainte Famille / C
27/12/09
Luc 2, 41-52 (p. 263)
En épousant notre humanité le Fils de Dieu s’insère non seulement dans la famille humaine mais, comme chacun d’entre nous, dans une famille humaine particulière avec un père, Joseph, et une mère, Marie, des cousins etc. C’est pour cela que l’Eglise nous fait contempler dans la continuité de Noël le mystère de la Sainte Famille. Ce mystère nous rappelle que Jésus est vraiment homme et que c’est par Marie et Joseph qu’il entre dans l’histoire et le temps de notre humanité. En tant que vrai homme il épouse aussi une terre avec son histoire et ses traditions, Israël, et ses lieux : Bethléem, Nazareth, Jérusalem.
Les textes de cette liturgie nous montrent la place de Dieu dans la famille humaine. Dieu en tant que Père et source de la vie est en quelque sorte membre de chacune de nos familles humaines que nous en ayons conscience ou pas. Il a sa place première et privilégiée dans chacune de nos familles parce qu’il est le Créateur et qu’il nous conduit par sa Providence. Mais aussi parce qu’il est en lui-même un mystère d’amour infini, celui de la bienheureuse Trinité. Dans la première lecture, Anne reconnaît d’une manière radicale cette place de Dieu Père dans sa famille, et en action de grâces pour la naissance de son fils, elle le consacre au Seigneur : « A mon tour je le donne au Seigneur. Il demeurera donné au Seigneur tous les jours de sa vie ». L’exemple d’Anne, cette femme croyante, nous redit que tout enfant est un don de Dieu. L’enfant n’est pas un droit ni un objet quelconque que les parents pourraient manipuler à leur guise.
L’Evangile du jeune Jésus perdu et retrouvé au temple est le seul épisode retenu par les évangélistes entre la fuite en Egypte et le début de sa mission publique. De toute la vie cachée nous ne savons pas autre chose que l’épisode du jeune Jésus au temple. Avant de regarder ce que cet Evangile nous apprend des relations entre parents et enfants, regardons ce qu’il nous dit de la relation du jeune Jésus à Dieu : « C’est chez mon Père que je dois être ». Pour le Juif pieux le lieu par excellence de la présence de Dieu, c’est bien le temple de Jérusalem. A 12 ans Jésus comprend l’importance symbolique du temple, et des années plus tard il n’hésitera pas à scandaliser les Juifs en chassant les marchands de ce lieu saint. Si Jésus a un tel respect pour le temple, c’est parce que son amour pour Dieu est unique. Contrairement au petit Samuel, c’est bien librement qu’il décide de rester dans le temple à l’insu de ses parents. Et qu’y fait-il ? « Assis au milieu des docteurs de la Loi, il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses ». La formulation de Luc est étrange : d’un côté il nous montre le jeune Jésus écoutant et posant des questions, de l’autre il nous dit l’émerveillement de la foule entendant les réponses de Jésus ! A 12 ans l’intelligence de cet enfant unique dans l’histoire de notre humanité se révèle déjà, de telle sorte qu’il répond aux questions religieuses qui lui sont posées. Il est beaucoup plus qu’un simple docteur de la Loi, un savant religieux, il est cette Parole que les docteurs de la Loi s’efforcent de comprendre et de commenter. Les docteurs ne savent pas qu’ils ont au milieu d’eux, dans ce jeune Jésus, la Parole de Dieu faite chair, la manifestation de sa Sagesse.
Luc nous dit clairement qu’en choisissant de rester au temple sans rien en dire à sa famille, le jeune Jésus a fait souffrir Marie et Joseph ! Même dans la Sainte Famille les relations entre les parents et leur fils unique ont été marquées par l’incompréhension à certains moments. Au sein du plus grand et du plus pur amour existant entre Joseph, Marie et Jésus, il y a eu de la place pour la souffrance et l’incompréhension. Et c’est encore une preuve supplémentaire de la vérité de l’incarnation du Fils de Dieu. Marie et Joseph, tout saints qu’ils étaient, n’en restaient pas moins humains, donc limités. « C’est chez mon Père que je dois être ». Le jeune Jésus rappelle à ses parents qui est son Père : Dieu seul. Cela est vrai d’une manière unique pour Lui, car il est né de la Vierge Marie. Mais cela est vrai aussi de tout enfant venant au monde de manière normale, par l’union de son père et de sa mère. Les parents chrétiens en tant que géniteurs et éducateurs ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont pas les créateurs de la vie, et que finalement Dieu seul est Père. Ce qui signifie que leurs enfants ne sont pas leur propriété, et qu’ils ne peuvent pas disposer de leur vie et de leur avenir simplement comme s’ils étaient le prolongement de leurs propres personnes. Le jeune Jésus rappelle ici non seulement qu’il est le Fils de Dieu d’une manière unique mais aussi sa vocation et sa mission : il doit être aux affaires de son Père céleste. Les parents chrétiens doivent accepter, comme Marie, de ne pas tout comprendre dans l’attitude de leurs enfants. L’enfant en tant que personne humaine autonome est toujours un mystère. Marie n’a pas compris les propos énigmatiques de son fils, mais elle a gardé en son cœur tous ces événements. Les parents, eux aussi, doivent accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, mais de relire la relation qu’ils ont avec leurs enfants dans la lumière de la prière personnelle et conjugale. Dieu Père les éclairera au moment voulu, s’ils acceptent dans la foi l’épreuve de l’incompréhension.
Le jeune Jésus manifeste ici sa liberté tout en demeurant soumis à ses parents. A Nazareth, il grandit « en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes ». Le développement intellectuel, physique et spirituel des jeunes : voilà le programme de toute éducation chrétienne en famille, dans l’enseignement catholique ou encore dans les mouvements de jeunes. Voilà aussi ce qui fait le plus défaut aujourd’hui dans l’éducation des enfants et des jeunes : une vision globale et intégrale de la personne. Et il faut bien avouer que la dimension spirituelle est souvent oubliée ou reléguée au dernier rang des préoccupations et que la formation de l’intelligence en est réduite à l’apprentissage de savoirs théoriques en vue d’obtenir des diplômes. Les parents demeurent toujours les premiers responsables de l’éducation intégrale de leurs enfants. Ils ne doivent se décharger de leur responsabilité ni sur l’école ni sur l’Eglise qui ne sont que des soutiens. C’est bien à eux qu’il revient de former l’intelligence et le sens critique de leurs enfants et de les éveiller sans rigidité ni contrainte au sens de Dieu. Notre société française a tellement besoin de citoyens qui soient pleinement humains et chrétiens ! N’oublions pas que nous sommes, en tant que chrétiens, les dépositaires à un titre particulier de la liberté et de la dignité humaines. Parce que nous croyons en un Dieu qui s’est fait homme !
Amen

dimanche 20 décembre 2009

4ème dimanche de l'Avent

4ème dimanche de l’Avent / C
20/12/09
Luc 1, 39-45 (p. 190)
Quelques jours avant Noël, le quatrième dimanche de l’Avent est pour nous l’ultime préparation à la célébration du mystère de l’incarnation. La deuxième lecture nous rappelle que l’incarnation du Fils de Dieu est le fondement de tous les autres mystères, en particulier celui de Pâques : « C’est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés, grâce à l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes ». Pour nous sanctifier, pour réaliser en plénitude notre salut, le Fils de Dieu devait avoir un corps à offrir en sacrifice. Lui dont les origines remontent « aux temps anciens, à l’aube des siècles », pour reprendre la prophétie de Michée, est entré dans le temps de notre histoire. En épousant notre humanité, le Fils éternel de Dieu reçoit son corps de la Vierge Marie. Et c’est par le mystère de son incarnation qu’il inaugure non seulement une alliance nouvelle mais aussi un culte nouveau.
L’Evangile de la Visitation nous met dans une ambiance spirituelle propre à nous préparer à la célébration de Noël. Une ambiance faite de simplicité, d’humilité, de paix, de charité et de joie. La liturgie nous propose ce récit de la Visitation sans sa magnifique conclusion qu’est le Magnificat de Marie. Peut-être pour nous obliger à contempler avec émerveillement cette rencontre unique entre Marie et Elisabeth. C’est par l’Esprit-Saint que le mystère de l’incarnation se réalise en Marie. C’est aussi l’Esprit-Saint qui préside à cette rencontre entre Marie et Elisabeth, les deux mères, l’une jeune et vierge, l’autre âgée et stérile. Un rencontre qui est aussi celle, encore plus mystérieuse, entre deux êtres humains encore dans le sein de leur mère : Jésus à peine conçu et Jean-Baptiste au sixième mois de la grossesse de sa mère.
Marie « entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth ». Cette formulation de Luc est étrange. Car Zacharie est bien le grand absent de la scène de la Visitation, lui qui pourtant est prêtre. Est-ce un signe discret de l’effacement du sacerdoce juif en vue du culte nouveau ? Dans ce culte nouveau il n’y aura qu’un seul grand prêtre et médiateur : Jésus. Tout le peuple de Dieu sera un peuple sacerdotal et les prêtres seront au service de la sainteté de ce peuple.
La salutation que Marie adresse à Elisabeth est loin d’être un banal bonjour. En témoigne la réaction d’Elisabeth : « lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi ». Et Luc d’ajouter que la mère de Jean le Baptiste « fut remplie de l’Esprit Saint ». La jeune fille vierge qu’est Marie représente toute la nouveauté de l’Alliance établie en Jésus-Christ. Et avant même Noël, Marie est porteuse de cette nouveauté en rayonnant, en donnant la joie de l’Esprit Saint. Elle qui est pleine de grâce, tout entière habitée par l’Esprit de Dieu, communique à Jean et à sa mère la joie évangélique. On peut aussi penser que la Parole de Dieu incarnée en Marie commence à agir, et que le Verbe de Dieu vient donner la joie à travers la salutation de sa mère. Là où est Marie, là aussi est l’Esprit Saint. Et Marie est l’instrument parfaitement docile de son Fils unique, la Parole de Dieu. C’est pour cela que la vielle femme stérile, Elisabeth, image de l’ancienne Alliance, est bouleversée de joie en recevant les paroles de Marie.
« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Elisabeth ne s’y trompe pas. Elle reconnaît la véritable grandeur de Marie : sa foi parfaite en l’accomplissement des promesses de Dieu. C’est bien parce que la jeune vierge a reçu en plénitude dans son cœur les promesses divines et qu’elle a dit « oui » par la foi au projet de Dieu, que ses paroles de salutation sont maintenant porteuses de la joie évangélique. Joie qui est précisément celle de l’accomplissement parfait de toute la première Alliance dans l’Alliance nouvelle et éternelle.
Dans les quelques jours qui nous séparent encore de Noël, cette scène de la Visitation nous invite à trouver l’attitude spirituelle juste. Nous avons tout d’abord à renouveler notre acte de foi non seulement en Dieu mais aussi en sa Parole, en ses promesses, en sa Providence à notre égard. Nous avons aussi à prendre Marie chez nous. Non seulement en la saluant comme notre Mère et la Mère de l’Eglise, mais aussi en nous imprégnant de ses vertus d’humilité, de simplicité qui font d’elle la cause de notre joie. Nous devons enfin invoquer l’Esprit Saint, car c’est Lui qui peut le mieux nous préparer à accueillir le don du grand mystère de l’incarnation. N’ayons pas peur de demander à l’Esprit Saint par le Cœur Immaculé de Marie le renouvellement en nous, à l’approche de Noël, du don spirituel de la joie. Au milieu du bruit et de l’agitation des préparatifs matériels, gardons notre cœur libre pour goûter dans le silence intérieur la douceur de cette joie qui vient de l’Esprit par Marie ! Amen

dimanche 6 décembre 2009

Deuxième dimanche de l'Avent

2ème dimanche de l’Avent /C
6/12/09
Luc 3, 1-6 (p. 67)
« Restez éveillés et priez en tout temps » ! C’est avec cette consigne de Jésus que nous avons commencé ce temps de l’Avent. En ce dimanche la parole de Dieu nous donne une image suggestive : celle du chemin. Prenons le temps de réécouter cette parole dans les trois lectures :
Tout d’abord dans le livre de Baruc : « La terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu ».
Ensuite en saint Paul : « Dans la droiture, vous marcherez sans trébucher vers le jour du Christ ».
Enfin dans l’Evangile : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ».
D’un côté c’est le Seigneur lui-même qui prépare le chemin pour son peuple, c’est le Seigneur qui prépare notre chemin, un chemin de salut et de justice. De l’autre nous devons préparer un chemin pour le Seigneur qui vient ! Avant de répondre à l’appel de Jean-Baptiste, il nous est bon d’accueillir le message de Baruc. Dieu, dans sa bonté et sa miséricorde, nous prépare le chemin qui conduit au salut. Son désir de Père, c’est que nous marchions sur ce chemin en sécurité, sans trébucher. Sa Parole est active, elle nous rassemble en un peuple appelé à la sainteté. Et la fin de la première lecture évoque de manière magnifique cette Providence de Dieu à notre égard et à l’égard de son peuple : « Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice ». Avons-nous réellement foi en l’action de Dieu pour nous ? Sommes-nous convaincus que sa Parole est efficace et qu’elle est à l’œuvre aujourd’hui comme hier ? Croyons-nous en l’action de l’Esprit Saint en nous, dans l’Eglise et dans le monde ? Cette foi en l’action concrète de Dieu pour nous et pour tous les hommes est la condition indispensable qui nous permet d’agir à notre tour en tant que chrétiens. Ou pour le dire autrement nous ne pourrons pas préparer le chemin du Seigneur si d’abord nous ne reconnaissons pas en Lui Celui qui nous conduit sur le bon chemin. C’est Dieu le premier qui nous as aimés : tout d’abord en nous donnant la vie naturelle et ensuite en nous donnant la vie surnaturelle, celle des enfants de Dieu reçue au baptême.
Convaincus de cette vérité, nous pouvons alors nous demander comment préparer le chemin pour le Seigneur qui vient, comment l’accueillir aujourd’hui présent dans nos vies. Gardons déjà la consigne de la prière entendue dimanche dernier. Ajoutons-y l’écoute et la méditation de cette Parole de Dieu qui agit de manière efficace pour nous transformer et transformer par nous notre société. Mais pour que la route du Seigneur soit vraiment aplanie demandons-nous avec saint Paul comment progresser de plus en plus, comment traduire notre prière et notre méditation de la Parole de Dieu en actes prophétiques… C’est-à-dire en actes et en choix qui montrent au monde que nous sommes vraiment sel de la terre et lumière du monde… Dans les quelques jours qui nous séparent de la sainte nuit de Noël comment allons-nous faire briller la différence chrétienne au milieu d’une société bien souvent triste et désespérée ? Connaissons-nous la campagne « Vivre Noël autrement » ? Cela fait cinq ans que cette initiative a été lancée… Nos évêques réunis à Lourdes en novembre ont encouragé cette initiative de mouvements chrétiens en relevant que le « Noël des vitrines est de plus en plus précoce. Le Noël des pauvres se fait souvent attendre. Les pauvretés sont multiples. Certaines ont l'âge de l'humanité. D'autres sont générées par la société moderne. » Pour vraiment faire l’expérience de la joie de l’Avent, nous avons en effet à faire des choix, à prendre des décisions et orienter notre manière de vivre vers l’essentiel. Cette période précédant Noël nous remet devant les yeux d’une manière criante les déséquilibres de notre société. Beaucoup de lumières dans les rues, manque de lumière intérieure et spirituelle ! Apparente joie, tristesse cachée mais souvent profonde. Car notre cœur ne peut connaître la paix tant qu’il n’a pas découvert la présence du Seigneur… Nous chrétiens, nous ne pouvons pas nous contenter de vivre dans l’apparence, faire « comme si »… Nous connaissons bien la tentation permanente de notre société, tentation encore plus forte avant Noël : celle de la surconsommation à outrance, comme si le cœur de l’homme et son désir de bonheur pouvaient être comblés par des objets toujours plus nombreux et envahissants, par des gadgets inutiles… Qui dit surconsommation dit forcément gaspillage et tout ce qui va avec ! Alors préparer les chemins du Seigneur, n’est-ce pas résister, refuser cette spirale aliénante ? N’est-ce pas faire le choix d’une vie sobre et simple ? Aplanir la route sur laquelle le Seigneur vient à notre rencontre, c’est bien faire passer l’homme avant les objets, le spirituel avant le matériel. C’est aussi partager avec joie. Etre solidaires par le partage de nos biens. Donner aussi de notre temps à tous ceux qui souffrent, qui sont oubliés, isolés. C’est aussi savoir accueillir avec reconnaissance la beauté de la création, la beauté de l’art sous toutes ses formes. C’est se cultiver non pas pour faire les pédants mais pour faire grandir en nous l’homme dans toutes ses dimensions. Et pour ce faire c’est peut-être aussi couper la télévision… Aplanir la route pour le Seigneur, c’est donc savoir apprécier avec gratitude les simples joies de notre existence humaine et laisser au silence sa place dans nos vies. Que l’Esprit-Saint vienne féconder ce silence et tous les partages que nous vivrons dans la joie !

dimanche 22 novembre 2009

CHRIST ROI DE L'UNIVERS

Le Christ Roi de l’univers / B
22/11/09
Jean 18, 33-37 (p. 1037)
Alors qu’en cette fin d’année liturgique nous fêtons le Christ Roi de l’univers, il est bon de réentendre le contenu de la première prédication du Seigneur : « Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » La Bonne Nouvelle que Jésus annonce c’est donc la proximité du Règne de Dieu. Il est le serviteur, l’évangéliste de ce Règne. Non seulement ce Royaume est tout proche, mais il est même au milieu de nous. Avec la venue de Jésus, le Royaume nous est déjà donné, rendu présent dans la communauté des disciples. Dans le contexte juif de l’attente du Messie, ce Royaume a cependant un sens ambigu. D’où la magnifique réponse du Seigneur au représentant du pouvoir politique romain : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. » Alors que Jésus est sur le point de donner sa vie, il affirme avec insistance l’origine divine, le caractère surnaturel de sa royauté. Et en un autre passage des Evangiles, le Seigneur, lui qui est Roi de par sa nature divine et de par sa mission de Sauveur, n’hésite pas à dire : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Je me permets de citer ici un peu longuement un texte du Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise : « Jésus refuse le pouvoir oppresseur et despotique des chefs sur les Nations et leur prétention de se faire appeler bienfaiteurs, mais il ne conteste jamais directement les autorités de son temps. Dans la diatribe sur l'impôt à payer à César, il affirme qu'il faut donner à Dieu ce qui est à Dieu, en condamnant implicitement toute tentative de divinisation et d'absolutisation du pouvoir temporel: seul Dieu peut tout exiger de l'homme. En même temps, le pouvoir temporel a droit à ce qui lui est dû: Jésus ne considère pas l'impôt à César comme injuste. Jésus, le Messie promis, a combattu et a vaincu la tentation d'un messianisme politique, caractérisé par la domination sur les Nations. Il est le Fils de l'homme venu « pour servir et donner sa vie ». À ses disciples qui débattent sur qui est le plus grand, le Seigneur enseigne à devenir les derniers et à se faire les serviteurs de tous, en indiquant à Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui ambitionnent de s'asseoir à sa droite, le chemin de la croix. » (n°379)
En proclamant le Christ Roi de l’Univers, l’Eglise n’entend donc pas exercer une domination sur la société civile et politique. Il s’agit encore moins de rêver à une alliance du sabre et du goupillon, comme elle a pu exister autrefois en période de chrétienté. Ici encore le Compendium de la Doctrine sociale nous aide à y voir plus clair : « L'Église ne se confond pas avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique. La communauté politique et l'Église, chacune dans son propre domaine, sont en effet indépendantes et autonomes l'une de l'autre et sont toutes deux, bien qu'à des titres divers, « au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes ». Il est même possible d'affirmer que la distinction entre religion et politique et le principe de la liberté religieuse constituent une acquisition spécifique du christianisme, d'une grande importance sur le plan historique et culturel. » (n°50) Le Royaume que Jésus vient instaurer est de l’ordre du salut, il est essentiellement spirituel et surnaturel. « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » La mission de l’Eglise ne peut donc se situer que dans la fidélité à celle de son divin fondateur : elle est la servante de la vérité apportée par Jésus sur l’homme, la société et le monde. Promouvoir le Royaume de Dieu dans notre monde, c’est donc toujours témoigner de la vérité. La préface de cette messe, que nous entendrons dans un moment, nous enseigne que ce Règne du Christ ne sera parfaitement établi qu’avec la fin de notre monde tel que nous le connaissons. Le Christ Roi régnera en plénitude lors de son second avènement, lors de son retour dans la gloire à la fin des temps. Ecoutons à nouveau le Compendium de la Doctrine sociale : « À l'identité et à la mission de l'Église dans le monde, selon le projet de Dieu réalisé dans le Christ, correspond « une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir ». C'est précisément pour cela que l'Église offre une contribution originale et irremplaçable, avec une sollicitude qui la pousse à rendre plus humaine la famille des hommes et son histoire et à se poser comme rempart contre toute tentation totalitaire, en montrant à l'homme sa vocation intégrale et définitive. Par la prédication de l'Évangile, la grâce des sacrements et l'expérience de la communion fraternelle, l'Église guérit et élève « la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d'une signification plus haute ». Sur le plan des dynamiques historiques concrètes, l'avènement du Royaume de Dieu ne se laisse donc pas saisir dans la perspective d'une organisation sociale, économique et politique définie et définitive. Il est plutôt manifesté par le développement d'une socialité humaine, qui est pour les hommes ferment d'une réalisation intégrale, de justice et de solidarité dans l'ouverture au Transcendant comme terme de référence pour leur réalisation personnelle et définitive. » (n°51) C’est en 1925 que le pape Pie XI institua la fête du Christ Roi. Il le fit pour lutter contre le laïcisme grandissant qui voulait réduire la religion catholique uniquement à la sphère privée de la conscience croyante. Le Règne du Christ est essentiellement spirituel et c’est pour cette raison qu’il doit avoir des conséquences concrètes dans les sociétés humaines et leur organisation politique. Une spiritualité qui serait incapable de changer le monde et ses structures de péché ne serait pas chrétienne. Le laïcisme tente bien souvent d’étouffer dans notre pays la voix de l’Eglise. Fêter le Christ Roi, c’est donc s’engager à être missionnaires, tout particulièrement dans le sens défini par la Doctrine sociale de l’Eglise : « Par son enseignement social, l'Église entend annoncer et actualiser l'Évangile au cœur du réseau complexe des relations sociales. Il ne s'agit pas simplement d'atteindre l'homme dans la société, l'homme en tant que destinataire de l'annonce évangélique, mais de féconder et de fermenter la société même par l'Évangile. » (n°62)

dimanche 15 novembre 2009

33ème dimanche du temps ordinaire

33ème dimanche du TO/B
15/11/09
Marc 13, 24-32 + He 10 (p.984)
Dimanche prochain, avec la fête du Christ Roi de l’univers, notre année chrétienne touchera à son terme. L’Evangile de ce dimanche annonce bien la fin de l’année liturgique puisqu’il oriente notre regard vers la fin des temps, vers le retour de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la gloire. Remarquons aussi que notre année chrétienne se termine comme elle avait commencé. Le premier dimanche de l’Avent nous parle aussi du retour du Christ, de son second avènement.
Je vous propose de méditer cet Evangile en lien avec la deuxième lecture qui est un passage de la lettre aux Hébreux. Ce que Jésus annonce dans l’Evangile, la venue du Fils de l’homme « sur les nuées avec grande puissance et grande gloire », est en fait la manifestation visible des mystères de Pâques et de l’Ascension. A Pâques, le Fils de Dieu sort vivant du tombeau, vainqueur de la mort. Au jour de l’Ascension, il disparaît à nos yeux de chair. Il entre avec son humanité dans la gloire de la Sainte Trinité, il remonte au Ciel pour s’asseoir « pour toujours à la droite de Dieu ». Avec le mystère de l’Ascension commence pour chaque chrétien le temps de la foi, de l’espérance et de la charité. Nous sommes donc dans la condition décrite par saint Pierre aux premiers chrétiens : « Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l'avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d'une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l'aboutissement de votre foi. » Avec le retour du Christ dans la gloire à la fin du temps de notre histoire humaine, nous serons dans la condition annoncée par saint Paul aux chrétiens de Corinthe : « Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai vraiment, comme Dieu m'a connu. Ce qui demeure aujourd'hui, c'est la foi, l'espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c'est la charité. » Le temps de la foi, de l’espérance et de la charité est aussi pour nous le temps de l’attente. L’attente fait partie de la vertu d’espérance. Et au cœur de chaque eucharistie nous proclamons cette attente du retour du Christ : « Nous attendons ta venue dans la gloire. » Mais peut-être que nos lèvres proclament ce que notre cœur a bien du mal à attendre en vérité : ce retour glorieux du Christ. Nous, chrétiens du 21ème s, nous vivons probablement la situation opposée à celle des premiers chrétiens sur ce point. Ils attendaient tellement le retour du Christ comme imminent que certains ne travaillaient même plus… Pour la majorité d’entre nous ce retour du Christ nous semble bien lointain et même peu désirable au fond tellement nous sommes installés dans notre vie terrestre, ses activités, ses joies et ses plaisirs. D’autant plus que Jésus nous dit que son retour sera précédé par une terrible détresse et par un bouleversement de la nature…
La lettre aux Hébreux nous fournit un élément important pour essayer de vivre en vérité cette attente du Christ dans nos vies : « Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s'est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. » Depuis son Ascension, le Christ lui aussi vit dans une attente de la manifestation visible de son Règne. A la droite du Père, il partage pleinement notre attente. C’est donc le Corps du Christ tout entier (la Tête et les membres) qui vit dans l’attente de la manifestation glorieuse du Seigneur. Comment comprendre l’expression de la lettre aux Hébreux ? De quels ennemis s’agit-il ici ? Saint Paul vient à notre aide dans sa première lettre aux Corinthiens. Je la cite ici longuement tellement ce que dit Paul est beau et essentiel : « Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C'est lui en effet qui doit régner jusqu'au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort, car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand il dira : « Tout est soumis désormais », c'est évidemment à l'exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses. Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. » Nous l’avons entendu, le dernier ennemi que Notre Seigneur détruira, c’est la mort. Cette vérité devrait rendre plus désirable pour chacun d’entre nous ce retour du Christ dans la gloire. Le second avènement du Christ portera donc à son achèvement le mystère de Pâques, il sera un jaillissement inimaginable de vie divine et d’amour trinitaire. Alors même si nous restons très attachés à notre vie humaine sur terre, comment vivre davantage cette dimension de notre foi ? L’attente, le désir du règne du Christ… Saint Paul nous répond : en vivant avec intensité le présent de notre foi chrétienne. Je lui laisse donc la parole en guise de conclusion :
« Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Jésus Christ notre Seigneur. Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l'œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez ne sera pas stérile. »

mardi 10 novembre 2009

32ème dimanche du temps ordinaire

32ème dimanche du TO/B
8/11/09
Marc 12, 38-44 (p.935)
L’Evangile de ce dimanche nous parle de la vérité de notre attitude. D’un côté Jésus nous demande de nous méfier des scribes, de l’autre il nous donne en exemple la pauvre veuve. En tant que Fils de Dieu, Jésus voit au-delà des apparences et il nous invite à faire de même. Certes les scribes sont considérés dans la société juive de l’époque comme des savants, des spécialistes de la religion, mais à quoi peut bien leur servir une telle connaissance si elle n’est pas suivie des faits ? Le Seigneur ne s’arrête aux diplômes de ces scribes, mais il voit dans leur attitude hypocrisie et appât du gain. Ces hommes se servent eux-mêmes davantage que le Dieu qu’ils prétendent honorer. Et nous sommes bien avertis : Si nous pouvons tromper les hommes, nous ne pouvons pas tromper Dieu, Lui qui lit dans les cœurs les intentions les plus secrètes et les motifs véritables de nos actions. Un jugement sévère attend les hypocrites et les simulateurs.
Dans le Temple, le Seigneur observe les fidèles qui viennent déposer leurs offrandes. Et là encore il ne se laisse pas tromper par les apparences. Les personnes riches mettent dans le trésor de grosses sommes, la pauvre veuve deux piécettes seulement. Ce qui fait la vérité de notre offrande ce n’est pas la quantité : « Cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde ». Et Jésus distingue ceux qui donnent de leur superflu de celle qui donne de son nécessaire : « Elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre ». L’acte de la pauvre veuve peut nous sembler fou ou héroïque voire suicidaire. En fait il traduit sa foi absolue en Dieu, sa confiance sans limites en la Providence. Comment ne pas voir dans l’offrande de cette femme une image magnifique de l’offrande du Christ sur le bois de la Croix ? « Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre ». L’offrande des deux piécettes dans le tronc du Temple est véritablement un sacrifice dans lequel cette femme totalement détachée ne garde absolument rien pour elle. Comme le Seigneur, nous ne pouvons être qu’en admiration devant la foi de cette femme. En même temps nous nous demandons comment progresser vers cet idéal du don qui nous semble inaccessible, la plupart du temps irréalisable… Un acte aussi radical ne peut être moralement pris par une mère de famille par exemple.
Saint Paul peut nous venir en aide pour avancer : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. » Il rappelle aux Corinthiens la générosité du Seigneur Jésus-Christ, générosité qui s’exprime d’abord dans le mystère de l’incarnation et ensuite dans le sacrifice de la Croix. L’offrande de la veuve nous pose très directement cette question : quel est mon rapport à l’argent et aux biens matériels ? N’oublions pas que parmi les péchés capitaux il y a l’avarice. Si des parents doivent bien gérer leur budget familial et être prudents dans les dépenses, ils ne sont jamais dispensés du devoir de partage, qui est un devoir correspondant à la vertu de charité. Quant aux célibataires, ils ont une liberté plus grande encore dans l’exercice de la générosité. En mettant tout son argent dans le tronc du Temple, la pauvre veuve se remet aussi totalement entre les mains de Dieu. Elle se donne tout entière à Lui, seul Maître de la vie et de l’histoire. C’est le signe évident que la générosité du chrétien dépasse la seule question de la gestion de ses finances et de ses biens matériels. Une déclaration du Concile Vatican II nous aidera, dans la ligne de Paul, à y voir plus clair : « Il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines (dans la Trinité) et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (Gaudium et Spes 24). La pauvre veuve de l’Evangile nous indique ce chemin de la perfection chrétienne : le don désintéressé de nous-mêmes à Dieu et à nos frères. Alors si le partage de mes biens est encore une fois nécessaire, et non pas de l’ordre du facultatif, je dois aussi regarder comment je me donne aux autres et à Dieu. Nous connaissons tous le proverbe : « Le temps, c’est de l’argent ». Se donner soi-même, c’est savoir donner de son temps pour autrui et pour Dieu. Ce sacrifice du temps nous coûte parfois aussi cher que celui de notre argent. Car l’esprit ambiant nous pousse à croire que notre bonheur se trouve essentiellement dans le divertissement, les loisirs et les plaisirs. L’Esprit du Christ nous dit que nous ne pouvons nous trouver pleinement qu’en nous donnant. Bref la vraie générosité chrétienne est aussi une lutte de chaque jour contre l’égoïsme et le renfermement individualiste sur nos plaisirs et nos satisfactions personnelles. La pauvre veuve nous indique un chemin de détachement, de dépouillement et de don de soi qui est en même temps le chemin de notre accomplissement humain et chrétien. C’est en effet par le don désintéressé de nous-mêmes que nous vivons déjà de la joie et de la paix de Dieu.

lundi 2 novembre 2009

TOUSSAINT

Toussaint 2009 (p. 1297)
La joyeuse célébration de tous les saints, des bienheureux qui vivent dans la communion parfaite avec Dieu pour toujours, nous rappelle le but de notre vie humaine et chrétienne. Le but de notre vie humaine, c’est le bonheur. Tous nous recherchons sans cesse ce bonheur. En tant que chrétiens, nous savons que ce bonheur de l’homme ne peut être pleinement obtenu en dehors de Dieu. Ou pour le dire autrement seul Dieu est notre béatitude ultime et véritable, seule la vie vraiment chrétienne est capable de donner sens et plénitude à notre vie humaine. Cela revient à dire que notre vocation à tous c’est la sainteté chrétienne. Le concile Vatican II enseigne que tous les chrétiens de par le baptême sont appelés à la sainteté. Et pas seulement les moines, les moniales, les prêtres, les personnes consacrées… Les saints et les saintes sont des chrétiens comme nous, mais des chrétiens qui ont vécu à fond la grâce de leur baptême.
Quand nous parlons de notre vocation à la sainteté, il est important de comprendre que nous sommes tous en chemin. Oui, la sainteté, la communion parfaite avec Dieu, est bien notre but. Mais cette sainteté se reçoit et se fortifie tout au long d’un chemin qui est celui de notre vie. Nous avons bien besoin de temps pour progresser sur ce chemin. Une vie entière n’est pas de trop ! Même si certains ont atteint très jeunes une grande sainteté… Lorsque saint Paul s’adresse aux chrétiens de Philippes, il leur montre ce chemin de la sainteté chrétienne : « Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas l'avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. »
Parmi les obstacles qui se dressent sur notre chemin, nous avons tendance à ne voir que nos péchés. Nous avons raison de considérer le péché comme contraire à la sainteté. Mais il ne faudrait pas oublier d’autres freins tout aussi importants. Le principal étant de penser que nous sommes parvenus au but, que nous sommes de bons chrétiens, que nous n’avons plus de progrès à faire ! Le grand apôtre Paul n’hésite pas à dire : « Je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout. » Une des premières conditions pour progresser sur le chemin de la sainteté, c’est d’avoir conscience, comme Paul, que nous n’avons pas encore saisi le Christ. Et comment le Christ se laisse-t-il saisir ? Uniquement par la ferveur de notre amour pour lui, pour Dieu et pour nos frères. Le grand obstacle à la sainteté chrétienne, c’est donc le manque de ferveur, la tiédeur. Au début de l’Apocalypse, Jean rapporte les messages de Dieu aux sept Eglises. A l’Eglise d’Ephèse, il est dit : « J'ai contre toi que tu as perdu ton amour des premiers temps. Rappelle-toi donc d'où tu es tombé, convertis-toi, reviens à ta conduite première. Sinon je vais venir à toi et je déplacerai ton chandelier, si tu ne te convertis pas. » Le message à l’Eglise de Laodicée va dans le même sens : « Je connais ta conduite : tu n'es ni froid ni brûlant- mieux vaudrait que tu sois ou froid ou brûlant - Aussi, puisque tu es tiède- ni froid ni brûlant-je vais te vomir.
Tu dis : « Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien », et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! Alors je te donne un conseil : viens acheter chez moi de l'or purifié au feu, pour devenir riche, des vêtements blancs pour te couvrir et cacher la honte de ta nudité, un remède pour te frotter les yeux afin de voir clair. Tous ceux que j'aime, je leur montre leurs fautes, et je les châtie. Sois donc fervent et convertis-toi. » Spirituellement le chrétien est un pèlerin, une personne toujours en marche. Rien de pire pour notre vie spirituelle que d’être des chrétiens installés. Les textes de l’Apocalypse ne nous sont pas donnés pour nous culpabiliser, mais pour nous permettre d’avancer plus loin, plus sûrement sur le chemin de la sainteté. Le vrai croyant est toujours en recherche. Car on ne possède jamais ici-bas Dieu de manière tranquille et stable. Le paradis n’est pas sur terre. D’où les allusions dans nos textes à la grande épreuve et aux persécutions. Le psaume de cette messe reprend cette idée d’une vie chrétienne dynamique, en progrès, toujours insatisfaite du chemin déjà parcouru : « Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face ! » Rechercher la face de Dieu, quelle belle définition de la vie chrétienne ! Quelle belle description de notre chemin de sainteté ! Ne croyons pas connaître Dieu, c’est une attitude dangereuse pour notre progrès spirituel. Sachons rendre grâce pour le chemin déjà parcouru, pour le don de la foi qui nous met réellement en communion avec Dieu, mais n’oublions jamais tout le chemin qui nous reste à parcourir. Avez-vous remarqué que ce psaume parle du « peuple qui cherche Dieu » ? Cela nous montre que nous ne sommes jamais seuls sur le chemin de la sainteté. Notre vocation est à la fois unique et commune. Unique car chaque baptisé est appelé personnellement à vivre de la sainteté de Dieu. Les saints et les saintes ne sont pas des clones. Ils ont tous rayonné un aspect ou un autre de l’immense sainteté de Dieu, de cette sainteté sans limite car elle est la manifestation d’un amour divin, absolu et parfait. En même temps la vocation à la sainteté est commune à tous, car c’est ensemble que nous cherchons à saisir le Christ. D’où l’importance de notre vie en Eglise. Oh, qu’il est bon de savoir que nous pouvons nous entraider sur ce chemin, nous soutenir et nous édifier mutuellement. Dieu se sert souvent des autres, de nos frères dans la foi en particulier, pour nous faire avancer sur ce chemin de sainteté. C’est bien ce grand et magnifique mystère de la communion des saints que nous célébrons aujourd’hui et demain. Vivons-le de manière plus intense et consciente !

dimanche 25 octobre 2009

30ème dimanche du temps ordinaire

30ème dimanche du TO/B
25/10/09
Marc 10, 46-52 (p.839)
Dans sa simplicité l’évangéliste Marc a le génie d’un grand peintre : lorsqu’il nous rapporte une scène de la vie de Jésus, nous avons la sensation d’être présents et de contempler avec lui l’action qui se déroule sous nos yeux. C’est particulièrement vrai de l’Evangile de ce dimanche : la guérison de l’aveugle Bartimée. Alors essayons de garder cette simplicité propre à Marc pour regarder ensemble le déroulement de ce miracle.
La première phrase campe le décor. Nous sommes à la sortie d’une ville, sur la route. D’un côté Jésus, entouré d’une foule disparate ; de l’autre, un homme seul qui mendie parce qu’il est aveugle. Les uns marchent, lui est assis. Bartimée est aveugle mais il n’est pas sourd, il entend le bruit des pas de cette foule et s’informe. Dès qu’il sait que c’est Jésus qui va passer, il n’hésite pas un instant à se manifester, à attirer l’attention du Maître sur sa misère, et il le fait en criant pour se faire entendre au milieu du brouhaha de cette foule orientale : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Cet appel au secours est une profession de foi. Pour lui Jésus est le Messie. Mais voilà que beaucoup dans la foule veulent le faire taire… Et parmi ces personnes il y a probablement des apôtres, des disciples de Jésus. Souvenons-nous de leur réaction, un peu plus haut dans le même chapitre, lorsque des enfants s’approchent de leur Maître : « Et on lui présentait des enfants pour qu’il les touche, et les disciples les menacèrent. » Bref on a l’impression que certains disciples veulent garder Jésus pour eux seuls. Et qu’ils décident de qui est digne de s’en approcher ou pas ! Cela nous interroge aujourd’hui. Nous qui sommes les disciples de Jésus, sommes-nous un obstacle pour ceux qui veulent se rapprocher de Lui ? Avons-nous cet orgueil de ceux qui se rangent dans l’élite religieuse et qui considèrent les autres avec mépris ? Les athées, les pauvres, les petits, les ignorants… En un mot nos communautés chrétiennes sont-elles ouvertes aux autres dans leur différence, à ceux qui sont en recherche ? Ou bien ressemblent-elles à des clubs privés dans lesquels on ne peut entrer qu’après avoir franchi bien des obstacles ? L’accueil des autres et des nouveaux est un défi très important pour nos communautés paroissiales en France. Cet Evangile nous le rappelle. En tout cas Bartimée ne se décourage pas, et il se met à crier encore plus fort. Sa foi ne se laisse pas intimider par l’attitude négative de l’entourage de Jésus. Sa foi est persévérante. Voilà l’une des grandes caractéristiques de notre foi chrétienne, elle ne se laisse pas ébranler par les difficultés, dans sa force, elle tient bon, jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au jour de notre mort.
Et voilà que Jésus perçoit cet appel au secours et s’arrête de marcher. Et il oblige son entourage à changer radicalement d’attitude. Eux qui voulaient faire taire le mendiant aveugle et le laisser au bord de la route doivent maintenant l’inviter à rejoindre Jésus qui l’attend. « L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. » Il se débarrasse de ce qui l’alourdit, et dans un acte de foi encore plus grand, se met debout, et court vers le Seigneur, alors qu’il n’y voit rien ! La question que lui pose alors Jésus peut nous sembler étrange : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Comme si Jésus ne savait pas ce que désire cet aveugle ! Mais au fond cette question n’est pas plus étrange que les questions de nos rituels. Lorsque le prêtre interroge les parents venus pour le baptême de leur enfant de la manière suivante : « Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? », ou bien lorsqu’il demande aux fiancés de dire « oui » le jour de leur mariage… Cette question de Jésus nous montre l’importance de notre liberté dans l’œuvre de Dieu. Dieu ne peut pas nous forcer à recevoir ses dons. Il a besoin pour cela de la participation de notre liberté, de notre « oui » à son œuvre de salut et de grâce. Et comme c’était prévisible notre aveugle demande la guérison : « Rabbouni, que je voie. » Toute l’Ecriture utilise l’image de l’aveuglement spirituel. Ce qui nous donne la possibilité de recevoir cette page d’Evangile aussi selon son sens spirituel. Nous avons à nous poser la question : est-ce que je voie correctement avec les yeux de la foi ? Dieu tout d’abord, les autres et moi-même. Notre aveuglement peut en effet porter sur ces trois réalités de notre vie spirituelle. Et nous aussi nous aurions bien besoin de faire nôtre la prière de Bartimée. Seigneur, fais que je voie Dieu comme un Père aimant, miséricordieux et plein de tendresse ! Seigneur, fais que je voie les autres comme des enfants de Dieu, comme mes frères, avec bienveillance, patience, tolérance, indulgence et capacité de pardonner ! Seigneur, fais que je me voie moi-même avec tes yeux ! En évitant l’écueil de l’orgueil et la tentation de me rabaisser ou de me mépriser… Seigneur, fais que je voie mes fautes et mes péchés, non pas pour désespérer de moi, mais au contraire pour repartir sur la route de ma vie d’un pas plus léger et plus alerte ! Si nous demandons avec foi de voir avec le regard de Dieu toutes choses, alors nous serons sauvés et nous serons vraiment les témoins de l’espérance qui ne déçoit pas.

lundi 19 octobre 2009

29ème dimanche du temps ordinaire

29ème dimanche du TO / B
18/10/09
Marc 10, 35-45 (p.793)
Dimanche des Missions
Au terme de cette semaine missionnaire mondiale, nous entendons Jésus qui justement nous donne le sens de sa mission : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Cet enseignement essentiel du Seigneur vient juste après la troisième annonce qu’il fait de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection à ses disciples. Deux apôtres, donc deux futurs responsables dans l’Eglise naissante, Jacques et Jean, viennent de demander à Jésus les premières places dans le Royaume. Ces deux hommes projettent dans une réalité spirituelle, la gloire de Dieu et notre participation à cette gloire au Paradis, les valeurs terrestres. Sur terre notre instinct ambitieux et orgueilleux nous fait rechercher en effet les premières places, les honneurs, les décorations, les grades. Ce que beaucoup nomment pudiquement « la carrière ». Une saine ambition a sa place dans la société civile, même si elle comporte toujours un danger. Mais ici ce sont deux apôtres qui raisonnent à la manière du monde, deux hommes qui devront diriger les premières communautés chrétiennes au nom du Christ. C’est pour nous l’occasion de réfléchir au sens de la hiérarchie dans l’Eglise catholique, et donc au sens du sacrement de l’ordre. Les successeurs des apôtres, le pape et les évêques, ainsi que les prêtres en communion de mission avec eux, sont les premiers responsables de la mission dans l’Eglise et dans le monde. Jésus indique ici l’esprit dans lequel ils doivent exercer leur mission en son Nom. La hiérarchie catholique est une hiérarchie de service, de don de soi à la suite du seul Maître et Seigneur, Jésus, mort et ressuscité pour nous. L’imbrication très ancienne (depuis Constantin) entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel a fait oublier cette vérité à bien des hommes d’Eglise. Saint Paul, le premier, a dû remettre les Corinthiens en place qui se réclamaient davantage des responsables de l’Eglise que du Christ, et qui, ainsi se divisaient entre eux… « Le Christ est-il partagé ? Serait-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Ou bien serait-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (1 Co 1,13). Le plus grand des apôtres rappelle ici que le responsable d’Eglise est un ministre du Christ, donc un serviteur. Et qu’il ne faut pas s’attacher excessivement à sa personne, mais bien plutôt le recevoir comme un envoyé du Christ. Le ministère apostolique vécu en dehors de l’humilité et de cet esprit de service est une imposture. Je suis étonné quand j’entends des jeunes chrétiens me dire : « Je suis de la génération Benoît XVI », comme j’entendais il y a quelques années leurs ainés déclarer : « Je suis de la génération Jean-Paul II » ! Je comprends ce qu’il peut y avoir de vrai dans cette formule. Mais je leur réponds toujours qu’on ne se définit pas par rapport à un pape mais par rapport au Christ. Il serait plus juste et plus beau de dire tout simplement : je suis catholique. Si Jésus s’est attiré la haine des scribes et des pharisiens, c’est bien parce qu’il leur a reproché leur manque d’humilité et d’esprit de service dans leur fonction religieuse. Réécoutons le début du chapitre 23 de saint Matthieu : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. Mais n'agissez pas d'après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ; ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n'avez qu'un seul enseignant, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n'avez qu'un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé. » Dans l’histoire de notre Eglise les papes, les cardinaux, les évêques et les prêtres ont bien souvent succombé à la tentation du pouvoir, des honneurs et de la richesse oubliant qu’ils étaient là au service du peuple de Dieu. Le bienheureux pape Jean XXIII et Paul VI à sa suite ont voulu simplifier tout le décorum et le faste qui entourait alors les papes, donnant d’eux l’image de princes de l’Eglise. Ces papes du Concile Vatican II ont voulu remettre à la première place la simplicité évangélique et l’esprit de service apostolique dans l’Eglise. Et c’est pour cette raison que leur témoignage a été entendu bien au-delà de la seule sphère catholique. Les textes du dernier Concile insistent fortement sur cette dimension de service de la hiérarchie et sur le caractère uniquement spirituel du pouvoir sacerdotal. Entre tous les chrétiens, parce que nous avons tous reçu le même baptême, doivent régner des relations fraternelles. Aujourd’hui au nom d’un retour à un sacré mal compris, nous voyons la tentation du faste, du décorum et des honneurs ressurgir. Le vrai témoignage apostolique ne se trouve pas dans des habits somptueux, des trônes élevés ou des titres ronflants, mais bien dans la simplicité et l’humilité des ministres du Seigneur. L’illusion des apparences ne remplacera jamais le témoignage authentique d’une vie donnée au Christ et à ses frères dans l’Eglise.

dimanche 11 octobre 2009

28ème dimanche du temps ordinaire

28ème dimanche du temps ordinaire / B
11/10/09
Marc 10, 17-30 (p. 749)
En ce dimanche la Parole de Dieu nous parle de ce qui est bon pour nous. La première lecture fait l’éloge de la Sagesse de Dieu. L’Evangile nous montre un homme qui désire la vie éternelle. Et Jésus n’y va pas par quatre chemins : « Personne n’est bon, sinon Dieu seul. » Nous voilà bien prévenus : notre béatitude, notre bien véritable consiste à connaître et à aimer Dieu. Et pour ce faire nous n’avons pas d’autre chemin que le Christ, c’est Lui que nous devons suivre si nous voulons vraiment connaître le bonheur des enfants de Dieu. Mais sur ce chemin nous nous heurtons à bien des obstacles et même à des déviations… L’homme appelé par le Christ, un saint homme, « devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » C’est l’occasion pour nous de réfléchir aux différents biens que nous connaissons dans notre vie afin d’y voir plus clair, afin de toujours préférer la Sagesse de Dieu… Il y a tout d’abord les biens matériels qui ne se limitent pas à l’argent même si c’est l’argent qui nous permet de les acquérir et de les conserver. Jésus cite la maison, la propriété d’un terrain. Il y a ensuite les biens culturels : livres, musique, cinéma, beaux-arts, voyages etc. Ces biens nourrissent notre intelligence, notre désir de connaître et notre sens de la beauté. Ils sont rarement gratuits mis à part certains monuments publics de nos villes et villages. Il y a enfin les biens spirituels, ceux qui nourrissent l’âme et la vie de Dieu en nous. Parmi ces biens les sacrements de l’Eglise catholique, mais aussi la prière, la méditation de la Parole de Dieu, une retraite spirituelle, une session de formation, un pèlerinage etc. Les biens spirituels qui nous viennent de Dieu par le Christ, comme les sacrements, sont eux toujours gratuits. La question fondamentale de notre vie est la suivante : comment, dans ma recherche du bonheur, je donne la priorité aux biens spirituels sur les autres ? Le chrétien ne nie pas la valeur des biens matériels, encore moins celle des biens culturels. Mais il essaie de mettre de l’ordre dans sa vie. La difficulté pour nous est d’établir cette hiérarchie des biens. Et pour le faire, nous devons être profondément convaincus, non seulement par notre intelligence mais par notre expérience de la foi, que Dieu seul est le bien véritable, celui qui ne déçoit jamais. La Parole de Dieu nous met aujourd’hui en garde contre le pouvoir tyrannique des biens matériels, contre l’esclavage dans lequel le dieu argent maintient tant d’êtres humains de par le monde entier. Ecoutons l’apôtre Paul dans sa première lettre à Timothée, il nous parle…
05 de gens à l'esprit corrompu, qui, coupés de la vérité, ne voient dans la religion qu'une source de profit.
06 Certes, il y a un grand profit dans la religion si l'on se contente de ce que l'on a.
07 De même que nous n'avons rien apporté dans ce monde, nous ne pourrons rien emporter.
08 Si nous avons de quoi manger et nous habiller, sachons nous en contenter.
09 Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans le piège de la tentation ; ils se laissent prendre par une foule de désirs absurdes et dangereux, qui précipitent les gens dans la ruine et la perdition.
10 Car la racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent. Pour s'y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligé à eux-mêmes des tourments sans nombre.
Suivre le Christ aujourd’hui, c’est résister à l’illusion de trouver notre bonheur dans toujours plus de consommation, dans l’accumulation de toujours plus de biens matériels. Le défi pour nous en Europe, c’est d’adopter un nouveau mode de vie et de remettre à la première place les biens de l’esprit et du cœur. Nous, les chrétiens, nous devrions pouvoir témoigner de la joie que nous apporte ce nouveau mode de vie fait de simplicité et de partage avec ceux qui n’ont même pas le nécessaire pour vivre. La crise économique que nous traversons n’est pas d’abord financière. Elle est le signe d’un homme dont le cœur est malade, d’un homme qui a fait de l’argent et du profit sans scrupule son dieu et son but. Nous voyons ce qui se passe lorsque nous nous laissons gouverner par les biens matériels et par l’argent : l’homme devient secondaire, il est mis de côté au profit du système, au nom de la rentabilité : toujours plus, toujours plus vite ! C’est le monde à l’envers : l’argent est personnifié et l’homme devient un objet comme un autre. Un économiste américain, Woody Tasch, fait l’éloge de la lenteur, donc de la Sagesse. Il compare la perversion de la finance à celle de l’agro-industrie : « L’agriculture industrielle considère le sol comme un support pour des plantes que l’on gave de substances chimiques synthétiques de manière à en optimiser le rendement. Pour la finance industrielle, les entreprises sont un support permettant le gavage des capitaux et la maximisation du rendement. » Le culte fou de l’argent rapide a même enlevé à l’homme la dignité de son travail, avec les conséquences que l’on connaît : stress, démotivation, déprime et même suicide. Tasch propose la sagesse de la lenteur : « Si l’on utilise l’argent comme un engrais de synthèse, on obtiendra une croissance artificielle qui ne peut durer qu’un moment et qui n’a pas de relation durable avec la terre. Si l’on utilise l’argent comme du fumier, on aura peut-être une chance de mettre en place une économie fondée sur des relations saines et durables. On peut créer une nouvelle sorte d’investisseurs qui refuseront d’accepter des rendements artificiels. » Renoncer à la quantité et au court-terme, ne pourra se faire que si nous prenons comme maîtresse et guide la Sagesse de Dieu. Avec elle, nous ne pouvons plus dire de manière cynique : « après moi le déluge ! » C’est elle qui nous apprend que les grandes et bonnes choses doivent se construire dans la durée. C’est elle qui nous oriente vers la source de notre bonheur véritable : Dieu Trinité.

mardi 6 octobre 2009

27ème dimanche du temps ordinaire

27ème dimanche du TO / B
4/10/09
Marc 10, 2-16 (p. 701)
Dans l’Evangile de ce dimanche, Notre Seigneur affirme avec fermeté le caractère indissoluble de l’union de l’homme et de la femme dans le mariage. Et il n’hésite pas à voir dans la répudiation de la femme par son mari, permise dans la loi de Moïse, une concession à l’endurcissement du cœur du peuple. Cette possibilité de renvoyer sa femme est en quelque sorte un moindre mal, une loi qui permet de mettre un peu d’ordre au sein d’un peuple pécheur. L’acte de répudiation, document officiel, est là pour limiter la casse… Cette loi de Moïse est réaliste : elle s’adapte à la faiblesse humaine tout en essayant de limiter au maximum les conséquences du péché, même si ce droit de répudiation ne concerne que le mari… et est donc à sens unique, au mépris de l’égale dignité entre les conjoints. La vérité est cependant à rechercher ailleurs : Au commencement, dans le projet créateur de Dieu.
Les traditions religieuses et philosophiques ont souvent bien des points communs pour tenter d’expliquer le mystère des origines et celui de l’apparition du mal. Les trois premiers chapitres du livre de la Genèse, le premier de toute la Bible, sont fondateurs. Notons la différence entre le premier récit de création et le second, notre première lecture. Dans le premier récit l’homme et la femme sont créés en même temps, au terme d’un processus durant symboliquement six jours. Ils sont ensemble le sommet de l’œuvre créatrice de Dieu, ils participent à la royauté de Dieu sur sa création. Dans le second récit, le notre, l’homme apparaît au début de la création, puis les animaux, et enfin la femme. Si, comme je le disais, les traditions religieuses et philosophiques ont bien des points communs entre elles, ici la tradition juive est originale par rapport à l’explication donnée plus tard par Platon. Pour le philosophe grec il y avait à l’origine non seulement des hommes, des femmes mais aussi des androgynes, donc un être humain total possédant en lui les capacités de l’homme et de la femme. Et c’est pour punir les humains de leur orgueil que Zeus les coupa en deux. Dans la vision de Platon l’humanité en ses origines était parfaite. Et la différenciation de l’androgyne en homme et femme est un châtiment. Dans notre récit biblique l’homme ne se suffit pas à lui-même car il n’est pas fait pour la solitude mais bien pour la relation et la communion. Il ne peut pas représenter à lui tout seul la perfection divine. Le créateur, de manière naïve, est un Dieu en recherche de la solution la meilleure, il tâtonne pour trouver une aide qui correspondra à l’homme, et il crée dans ce but les animaux. Mais devant l’insatisfaction de l’homme, il revoit sa copie et pense à la création de la femme ! Le récit, toujours naïf, nous montre un Dieu plein de délicatesse, qui anesthésie l’homme avant de pratiquer sur lui une opération chirurgicale. Il fait même des points de suture après le prélèvement de la chair du côté d’Adam… Certains ont vu dans ce récit l’origine de l’inégalité entre l’homme et la femme, cette dernière venant justement en dernier ! Or la femme est faite à partir de la chair d’Adam, elle a donc logiquement la même nature humaine que lui. Ce n’est pas parce qu’elle vient après qu’elle est inférieure, tout comme les enfants ne sont pas d’une autre nature que leurs parents, parce qu’ils sont plus jeunes qu’eux ! Et d’ailleurs le cri de joie de l’homme est éloquent… En salle de réveil, émergeant de son sommeil, il aperçoit la première femme et s’exclame : « Voici l’os de mes os et la chair de ma chair ! » Le vis-à-vis de l’homme et de la femme, cette différenciation au sein d’une même humanité, n’est pas un châtiment mais une bénédiction. C’est la femme qui vient sortir l’homme de la somnolence de la solitude. C’est en cela qu’elle est l’aide qui lui correspond.
« A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » L’androgyne de Platon coupé en deux par Zeus recherche dans le désir amoureux son autre moitié, autant dire qu’il se recherche lui-même. Dans la Genèse la femme est à la fois semblable et différente de l’homme. Les animaux, eux, n’étaient que différence. C’est cette ressemblance dans la différence qui fonde le mariage comme union de l’homme et de la femme. Ne faire plus qu’un avec l’autre, la communion d’amour, correspond à notre recherche du bonheur. Cette recherche de la communion ne se vit pas seulement dans le mariage mais aussi dans les relations humaines (famille, amis etc.) et bien sûr dans notre relation avec Dieu. Mais le mariage en est une expression particulièrement forte puisque l’homme et la femme ne font qu’un non seulement par l’union des cœurs et des esprits mais aussi par l’union des corps. Le bonheur qui vient de cette union sera d’autant plus intense et fort que la relation sera vécue comme don de soi à l’autre, recherche du bien de l’autre. S’il y a tant d’échecs dans la fidélité au lien sacré du mariage, ne serait-ce pas tout simplement parce que l’on se cherche soi-même dans l’autre ? Et que l’on fait passer sa satisfaction personnelle avant le bonheur de l’autre ?

lundi 21 septembre 2009

25ème dimanche du temps ordinaire

25ème dimanche du TO / B
20/09/09
Marc 9, 30-37 (p. 603)
Dimanche dernier saint Marc nous a rapporté la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie ». Cet événement a certainement été très important dans la vie commune de Jésus et de ses apôtres. Il a même constitué dans leurs relations un tournant. C’est en effet à partir de ce moment que le Seigneur commence à leur révéler le terme et le sommet de sa mission : le mystère de Pâques. Et voilà que dans notre Evangile Jésus répète cette annonce de sa mort et de sa résurrection. Ce qui est résumé ici en quelques mots a dû en fait correspondre à un enseignement plus développé donné aux disciples sur les routes de Galilée, et cela de manière strictement confidentielle. Ce n’est pas aux foules que le Seigneur annonce sa Passion et sa résurrection mais bien à ces quelques hommes qu’il a choisis et appelés pour marcher à sa suite, pour se former à son contact… Ces hommes qui, de simples disciples qu’ils étaient, devront devenir véritablement les apôtres de la foi chrétienne : les pierres de fondation de notre Eglise. Comme souvent les disciples ne comprennent pas les paroles de leur Maître. Et ils ont même peur de l’interroger ! Ne leur jetons pas trop vite la pierre… Il était quelque part normal qu’ils ne comprennent pas cette destinée pascale de Jésus. Même après Pâques, ils auront besoin du don de l’Esprit le jour de Pentecôte pour vraiment comprendre et accepter la croix et la résurrection du Seigneur. De même que nous pouvons philosopher pendant des heures sur la mort, nous préparer à notre mort, nous n’en aurons une vraie connaissance que lorsque nous passerons à notre tour par cette étape obligatoire. De même que nos mots sont inadaptés pour rendre compte de ce qu’est la résurrection et le bonheur du Paradis. Le plus surprenant n’est pas qu’ils ne comprennent pas mais bien qu’ils aient peur de demander des explications à leur Maître. Ils se souviennent probablement de la réaction sévère de Jésus lorsque Pierre a voulu le détourner de ce chemin qui passe par la croix : « Passe derrière-moi, Satan ! »
Le plus grave pour eux, ce n’est pas de ne pas tout comprendre mais bien de rester dans une logique qui est celle du monde, et c’est la suite de notre Evangile : « Ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. » En chemin, Jésus ne devait pas être toujours à leurs côtés, il devait se réserver des moments de solitude. Et ils en ont profité pour parler de leur promotion, de leur carrière… Dans un groupe comme celui des apôtres se poser ce genre de question (« qui est le plus grand ? ») est terriblement dangereux. Et la lettre de saint Jacques nous rappelle que le poison de la jalousie et des rivalités divise rapidement le groupe le plus soudé. Ils avaient peur d’interroger Jésus, maintenant ils ont honte de la conversation qu’ils viennent d’avoir, pensant qu’il n’en saurait rien. Comme Pierre après la première annonce de la Passion, leur pensée a été celle des hommes et non celle de Dieu : « Tu ne penses pas comme Dieu, mais de façon toute humaine », dit Jésus à Pierre. La grandeur évangélique est radicalement différente de la grandeur selon le monde. Alors « si quelqu’un veut être le premier » selon l’Esprit du Christ, il doit se faire le serviteur de tous. Un apôtre du Christ ne perd pas son temps à se comparer aux autres ou à chercher des titres et des honneurs, fussent-ils donnés par l’Eglise elle-même. L’apôtre cherche avant toutes choses la volonté de Dieu dans sa vie. Et cette volonté de Dieu c’est précisément qu’il se mette au service de tous ses frères les hommes pour susciter en eux la soif de Dieu. La seule grandeur pour l’apôtre, c’est de pouvoir évangéliser, c’est-à-dire porter la Bonne Nouvelle de Jésus au cœur de la vie des hommes et des femmes de son temps. L’apôtre n’a qu’un désir : inviter tous les hommes à faire l’expérience de la relation avec Dieu par Jésus dans l’Esprit. Voilà le service apostolique, celui des prêtres et des évêques. Et ce service rencontre inévitablement la croix. Car l’apôtre se heurte bien souvent à l’indifférence, au mépris, au rejet, voir à la persécution. Et la plupart de ces hommes qui parlent maintenant d’être le plus grand, d’être haut placé et estimé, finiront martyrs. Et Pierre, peut-être davantage que tous les autres, justement parce qu’il est le premier, le chef des apôtres, aura une fin édifiante de ce point de vue-là : crucifié à l’envers sur sa propre demande parce qu’il ne s’estimait pas digne de mourir comme le Christ. Quelle humilité du premier de tous les serviteurs de Dieu ! Depuis Saint Grégoire le grand l’un des plus beaux titres du pape est bien celui de serviteur des serviteurs de Dieu, dans la droite ligne de l’humilité enseignée par notre Evangile. Enfin le service apostolique est aussi accueil. Ouverture aux hommes, ouverture sans limites ni frontières, ouverture catholique. C’est dans cette ouverture faite de bienveillance, d’amitié, d’empathie, que l’apôtre peut annoncer l’Evangile comme une Bonne Nouvelle. Et ce n’est pas par hasard que Jésus met en avant l’accueil de l’enfant. Cette ouverture apostolique doit d’abord s’exercer au profit des plus petits, de ceux qui précisément ne sont pas grands selon les critères du monde.

lundi 7 septembre 2009

23ème dimanche du temps ordinaire

23ème dimanche du TO/B
6/09/09
Marc 7, 31-37 (p. 507)
De temps en temps la liturgie de la Parole nous fait entendre un récit de guérison, un miracle opéré par Jésus. C’est le cas en ce dimanche de rentrée scolaire. Si nous sommes honnêtes, nous pouvons nous poser la question suivante : en quoi sommes-nous concernés par cet Evangile de la guérison d’un sourd- muet ? Il n’y a probablement pas de sourd-muet dans notre assemblée… Et nous savons que les miracles, même s’ils existent toujours dans la vie de l’Eglise, ne sont pas des faits quotidiens dont nous pourrions être les témoins comme les contemporains de Jésus. Alors à quoi bon écouter ce récit évangélique s’il est uniquement le témoignage d’un fait passé sans aucune incidence dans notre vie chrétienne aujourd’hui ?
Bien sûr nous pouvons et nous devons faire une lecture spirituelle des récits de guérison que nous trouvons dans l’Evangile. Dès les Pères de l’Eglise, cette lecture a été faite et nous tenterons de la faire nous aussi en ce dimanche. Mais n’oublions jamais que l’interprétation spirituelle, pour être juste, doit s’appuyer sur le fait bien concret et bien réel qui nous est rapporté par saint Marc : Jésus guérit un sourd-muet.
Essayons donc d’imaginer un instant ce que cela signifie que d’être sourd-muet. Mettons-nous si possible dans la peau de cette homme qui ne peut ni entendre ni parler. Si nous étions sourd-muet… Je ne pourrais pas vous adresser la parole, vous ne pourriez pas m’entendre et me comprendre. Etre sourd-muet, c’est un drame que nous ne pouvons que difficilement mesurer. Etre sourd-muet, c’est être privé de l’une des caractéristiques essentielles de l’homme : la communication. Et ce même si un sourd-muet peut communiquer par écrit. En guérissant cet homme, Jésus le sort de son isolement et lui redonne la capacité d’être pleinement homme en vivant normalement en société. Le drame terrible que le sourd-muet vit jour après jour c’est celui d’un enfermement imposé sur soi-même, et de cet enfermement peut découler une certaine incapacité à raisonner, à réfléchir, à aimer et à prier. Ce handicap atteint beaucoup plus profondément notre humanité que le simple fait d’être paralysé physiquement par exemple. Un tétraplégique peut vivre davantage en humain qu’un sourd-muet.
Si nous comprenons tout cela, alors, oui, nous pouvons nous appliquer à nous-mêmes une lecture spirituelle de cette guérison. N’oublions pas que Jésus est la deuxième personne de la Sainte Trinité, la Parole de Dieu faite chair. C’est par Jésus, et avant lui dans une moindre mesure par les prophètes, que Dieu sort en quelque sorte de son silence pour nous adresser la Parole, sa Parole. Jésus est celui qui rend possible la communication, le dialogue entre nous et Dieu Notre Père. Nous avons la chance de pouvoir entendre et de pouvoir parler. Mais cet Evangile nous pose la question suivante : que faisons-nous de cette chance ? Comment utilisons-nous ce don de l’écoute et de la parole qui devrait nous permettre de grandir en humanité et en sainteté jour après jour ? Car dans la Bible, c’est Dieu et sa Parole que l’homme doit écouter en premier. Et la foi pour le Juif consiste précisément à se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu pour en vivre. Cet Evangile nous ramène donc en ce temps de rentrée à la question de notre relation avec Dieu. Si nous faisons les sourds, nous savons que Jésus peut nous guérir de cette surdité spirituelle, à condition que nous en ayons le désir. Dans le même mouvement cet Evangile nous demande de regarder comment nous communiquons et dialoguons les uns avec les autres. Dans cette époque hyper médiatique beaucoup déplorent l’isolement, l’enfermement sur soi, le manque de communication véritable, l’incapacité de dialoguer avec ceux qui sont différents de nous ou qui ne partagent pas nos convictions ou encore qui n’appartiennent pas à notre milieu. Et c’est ainsi que commencent les conflits et les guerres… Si aimer Dieu, c’est savoir l’écouter dans la lecture méditée de sa Parole et dans la prière, aimer notre prochain, c’est aussi prendre le temps de l’écouter. L’écoute de Dieu et celle du prochain ont un point commun : nous faisons l’effort d’écouter celui qui n’est pas nous, celui qui est différent. Nous sortons de notre enfermement sur notre personne, nos petits soucis et problèmes, nos désirs et nos volontés. Ecouter Dieu et le prochain demande du respect. Ce respect dans l’écoute de notre prochain va de pair avec la patience, le pardon et surtout l’empathie : cette capacité de l’amour à se mettre à la place de l’autre pour partager ses souffrances, ses joies, ses interrogations, sans le juger ni le condamner. Nous pouvons aussi parler. Notre parole peut donner la vie comme elle peut tuer. Ne banalisons pas notre parole avec des formules toutes faites, « Comment ça va ? », et qui ne nous engagent pas. Apprenons l’art de parler pour consoler, encourager, conseiller, remercier toujours dans l’Esprit du Seigneur Jésus : Esprit d’Amour entre le Père et le Fils.
Amen.

samedi 8 août 2009

19ème dimanche du temps ordinaire

19ème dimanche du TO / B
9/08/09
Jean 6, 41-51 (p. 311)
Nous continuons en ce dimanche notre méditation du chapitre 6 de saint Jean. Le passage qui nous est proposé par la liturgie commence avec les récriminations des Juifs. Ces récriminations sont en fait des plaintes, des murmures, des manifestations de désaccord et d’incompréhension… C’est le terme « technique » utilisé par l’Ancien Testament pour désigner ces moments tendus lors des 40 années passées dans le désert, moments au cours desquels le peuple se révolte contre Moïse et lui fait de vifs reproches, souvent à cause du manque de nourriture et d’eau. Ici ces récriminations sont contre Jésus. Quelle est pour les Juifs la pierre d’achoppement dans ce que Jésus leur enseigne ? Ils le disent très clairement :
« Cet homme-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors, comment peut-il dire : ‘Je suis descendu du ciel’ ? »
En annonçant le mystère de l’eucharistie, pain descendu du ciel, Jésus annonce son propre mystère, celui de son identité profonde de Fils de Dieu. Les Juifs butent car ils n’ont pas accès pour le moment au mystère de l’incarnation. Ils pensent avoir en face d’eux un grand prophète, un Maître en religion, capable d’opérer des signes, mais un homme, rien qu’un homme. Ils ne peuvent pas voir à travers le voile de son humanité sa divinité, le fait que précisément son origine n’est pas en Joseph, mais bien en Dieu, le fait que par le mystère de l’incarnation il soit « descendu du ciel ».
Dans sa réponse très développée, Notre Seigneur ne cherche pas à se défendre ou à se justifier. Il enseigne inlassablement ce peuple à la nuque raide. Il répète comme un bon pédagogue. D’une certaine manière, c’est Jésus lui-même qui trouve des excuses à leurs récriminations : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi… » La foi en Jésus est une grâce, un don de Dieu. En même temps le Seigneur souligne leur manque de foi véritable : « Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi ». Si ces Juifs qui récriminent contre Jésus connaissaient vraiment le Père par la foi, ils réagiraient autrement. Ils accepteraient la révélation du pain de vie et celle du Fils.
Dans le contexte de cette annonce de l’eucharistie et de ce scandale à propos de son identité, Jésus va une fois encore les appeler à la foi : « Celui qui croit en moi a la vie éternelle ». Ces Juifs qui prétendent croire en Dieu doivent aussi croire en son envoyé, Jésus. Pour les attirer à lui, il leur parle de la vie éternelle. En mettant peut-être la barre un peu haut car ceux qui récriminent contre lui ont des préoccupations beaucoup moins spirituelles. Cet enseignement du Christ en saint Jean nous montre le lien très étroit qui existe entre tous les mystères de notre foi. Au centre il y a bien l’annonce de ce pain de vie descendu du ciel. Mais en parlant de l’eucharistie, Jésus ne peut faire autrement que de parler du mystère de sa propre personne (l’incarnation) et du don de la foi. L’eucharistie est un sacrement qui nous renvoie toujours au Christ, au Verbe fait chair. L’eucharistie est toujours le sacrement de la foi. Et ce n’est pas par hasard si au cœur de la prière eucharistique le prêtre invite les fidèles à proclamer leur foi dans le mystère du Christ. Il est grand le mystère de la foi. Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire.
A la fin de cet Evangile, Jésus veut aller encore plus loin dans la révélation de l’eucharistie : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». Au début les Juifs butaient sur le mystère de l’incarnation, en ne parvenant pas à voir en Jésus de Nazareth plus qu’un grand prophète… Et voilà qu’il leur annonce, au futur (« Le pain que je donnerai »), son sacrifice sur le bois de la croix (« c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie »)… Dimanche prochain nous verrons à quel point cette annonce va relancer les récriminations contre Jésus !
L’Evangile de ce dimanche nous rappelle en tout cas que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Et que même des personnes professant leur foi en Dieu à l’intérieur d’une tradition religieuse sont toujours remises en question par les vérités de foi. Dieu demeure toujours le plus grand, il demeure transcendant, même lorsque, librement, il décide d’épouser notre humanité et de se faire l’un de nous. Même lorsque librement il veut se faire notre nourriture spirituelle dans l’eucharistie. L’incarnation et l’eucharistie nous montrent un Dieu qui s’abaisse. Et il nous faut une foi encore plus grande pour l’accepter et surtout pour comprendre que cet abaissement est le signe le plus manifeste de la toute puissance de son amour à notre égard. Car du point de vue de Dieu, est vraiment grand celui qui est vraiment généreux, celui qui, par amour, est prêt à s’abaisser ! Amen

dimanche 2 août 2009

18ème dimanche du temps ordinaire

18ème dimanche du temps ordinaire / B
2/08/09
Jean 6, 24-35 (p. 263)
Nous poursuivons en ce dimanche notre méditation du chapitre 6 de saint Jean. Dans le prolongement de la multiplication des pains, nous trouvons le commencement du discours de Jésus consacré au Pain de vie. Ce discours est en fait un dialogue dans lequel Jésus à la fois enseigne et à la fois répond aux questions de ses interlocuteurs. Avant d’entrer dans le détail de cet enseignement – dialogue, il est important de relever que Jésus et ses auditeurs ne sont pas sur la même longueur d’onde. Et il en va de même pour nous aujourd’hui. Nous avons beau être les disciples du Christ, cela ne nous dispense jamais de nous mettre sur la même longueur d’onde que Lui. C’est cela se convertir : adapter notre mentalité, nos pensées, nos actes à la Parole du Christ tel que nous la recevons dans les Evangiles et en Eglise. Ne lisons pas cette page d’Evangile comme une discussion théologique du passé. Trouvons-y avec l’aide de l’Esprit-Saint notre nourriture pour devenir de meilleurs chrétiens.
Après le signe grandiose de la multiplication des pains, et l’échec, rappelons-le, de l’intronisation de Jésus comme roi, les foules se mettent à la recherche du Seigneur. Et cette recherche n’a rien de spirituel ! D’où le commentaire du Seigneur : « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle. » Nous travaillons pour vivre, pour gagner de l’argent. Et cela est normal. Mais nous savons bien que de toute notre activité, il ne restera rien, si nous ne mettons pas le Christ au centre. Tout ce qui est matériel, l’argent y compris, est passager. Job, l’homme dépossédé de tous ses biens et de sa santé, l’avait bien compris quand il s’exclamait : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu aussi j’y retournerai. » Déjà en 1914, Charles Péguy constatait avec amertume que l’Argent, telle une divinité toute-puissante, dirigeait notre monde moderne : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’argent est maître sans limitation et sans mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’argent est seul en face de l’esprit. (Et même il est seul en face des autres matières.) Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’argent est seul devant Dieu. » Etre chrétien, c’est donc retrouver cette sagesse qui consiste à travailler pour la nourriture qui ne se perd pas dans un monde devenu esclave du pouvoir de l’argent et de la matière. Etre chrétien, c’est être libre. Et les Juifs de notre Evangile demandent à Jésus ce qu’il faut faire pour travailler aux œuvres de Dieu. Ils sont de bonne volonté. « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez en celui qu’il a envoyé. » Eux parlent de « faire » quelque chose, Jésus leur demande leur foi : « Croyez en moi, c’est ainsi que vous travaillerez en vue de la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle. » Notre foi en Jésus Sauveur est une véritable force. Et nous voyons à quel point justement l’absence de foi, ou une foi tiède, ou encore l’indifférence, laissent la place libre pour les idoles de notre monde actuel. La foi seule nous permet de résister et de demeurer libres dans le Christ en vue de la vie éternelle et bienheureuse à laquelle nous sommes appelés. Malheureusement les Juifs ne comprennent toujours pas et demeurent empêtrés dans le monde matériel : ils réclament un signe et parlent de « faire une œuvre », alors que Jésus attend leur foi. Et c’est dans ce contexte d’incompréhension que le Seigneur va commencer à révéler une réalité nouvelle, le Pain de vie, réalité annoncée par la manne autrefois : « Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » La vraie vie, la vie spirituelle, la vie de l’âme ne peut venir des progrès scientifiques et techniques, elle ne vient pas non plus de notre compte en banque… La médecine nous permet de vivre plus longtemps. Mais seul le Pain de Dieu, pain de sa Parole et pain eucharistique, nous permet de vivre mieux, de vivre vraiment. Nous n’avons jamais autant parlé de la qualité de vie qu’aujourd’hui… La vraie qualité de vie va de pair avec un cœur qui est dans la joie et la paix, un cœur qui se sait aimé par le Seigneur. Et cet amour du Seigneur est gratuit… Les Juifs commencent à comprendre, ils appelaient Jésus « Maître », ils l’appellent maintenant « Seigneur » : « Donne-nous de ce pain-là, toujours. » Leur faim commence à devenir spirituelle. Et Jésus s’appuie sur leur petit désir, leurs premiers pas dans la voie de l’Esprit, pour leur révéler le grand mystère : Ce pain de Dieu, c’est lui-même ! « Je suis le pain de la vie ». Et il en profite pour leur rappeler l’importance de la foi sur ce chemin : « Celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. »
Au début du discours sur le Pain de Vie, Jésus, l’envoyé du Père, nous invite à une foi renouvelée en Lui. L’eucharistie est bien le sacrement de la foi. Cette foi en Jésus Vivant et présent, nous la proclamons non seulement par le Credo, mais aussi au cœur de la prière eucharistique, et par notre « Amen » avant de communier. Seule cette foi ne déçoit point. Tout passe ici bas, sauf le Christ et sa Parole. Croire en Lui, c’est déjà faire de notre cœur une terre de paradis.

mardi 28 juillet 2009

17ème dimanche du temps ordinaire

17ème dimanche du TO/B
26/07/09
Jean 6, 1-15 (p. 212)
Avec le récit de la multiplication des pains nous commençons en ce dimanche notre lecture du chapitre 6 de saint Jean : chapitre eucharistique consacré au Pain de vie.
Je vous propose de méditer la multiplication des pains comme un enseignement sur le rapport entre la grâce et la nature, Dieu et l’homme.
Il y a là sur la montagne, une colline dominant le lac, une grande foule venue écouter Jésus. Les disciples et les apôtres sont là aussi. Et voilà que se pose la question toute pratique de la nourriture de ces nombreuses personnes en un lieu désert. Et c’est le Seigneur qui pose cette question à son apôtre Philippe « pour le mettre à l’épreuve » : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Jésus a décidé de faire un signe en faveur de cette foule fatiguée et affamée mais il veut aussi éduquer ses apôtres. S’il les met ainsi à l’épreuve, c’est bien pour les faire passer d’une pensée toute naturelle à une pensée surnaturelle ou pour le dire autrement d’une vue selon la seule raison à une vue selon la foi. Et Philippe répond selon le bon sens humain, selon la raison : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain ». C’est comme s’il disait à son Maître : ce que tu nous demandes là est impossible ! L’intervention d’André quant à elle est intéressante… Elle témoigne d’un commencement d’espérance face à une situation apparemment sans issue : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons… ». Peut-être avait-il prévu le pique-nique champêtre pour lui et les membres de sa famille… Mais André demeure bien au seul niveau de la nature humaine, du raisonnable : « Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus va alors faire ce signe de la multiplication des pains. Non pas à partir de rien, comme quand Dieu créa le monde, mais bien à partir des cinq pains et des deux poissons. Ce qui signifie que le geste surnaturel du Seigneur utilise la nature. Il n’y a pas opposition entre le domaine de la grâce surnaturelle et le domaine de la nature créée. Cette complémentarité entre la nature et la grâce, nous la retrouvons dans tout le christianisme, et d’abord dans le mystère de l’incarnation. Comment le Fils de Dieu est-il venu au monde ? Par le « oui » et le corps de la Vierge Marie, donc selon la nature humaine, et par l’action en elle du Saint-Esprit, donc de manière surnaturelle, divine. Et c’est pour cela que Jésus est en vérité vrai Dieu et vrai homme, médiateur entre Dieu et les hommes. C’est dans la lumière de ce mystère de l’incarnation, que nous comprenons alors les sacrements, particulièrement le sacrement de l’eucharistie. En instituant l’eucharistie, Jésus a pris des éléments naturels, le pain et le vin, pour en faire son corps et son sang. Il ne peut y avoir d’eucharistie, donc de présence vivante et sacramentelle du Seigneur Jésus à son Eglise, sans la nature (le pain) et sans le surnaturel (l’action de l’Esprit-Saint). Il ne peut y avoir d’eucharistie dans le sens plénier du sacrement sans notre participation intérieure et extérieure au mystère. Au moment de la préparation des dons, le prêtre dit à voix basse, en versant une goutte d’eau dans le calice, la prière suivante : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. » Remarquez bien le lien fait par la liturgie entre le mystère de l’incarnation et celui de l’eucharistie. Dans l’eucharistie sont en quelque sorte mêlés Dieu et l’homme, le surnaturel et la nature. Et au moment de la préparation des dons, alors que le prêtre présente à Dieu le pain et le vin, nous devons nous offrir nous aussi au Père avec toute notre personne et toute notre vie, avec ce qui est lumineux en nous comme avec les parts d’ombre que nous portons... Nous apportons ce qui relève du domaine de notre nature humaine, sanctifiée par le baptême, pour qu’elle soit élevée, assumée, transfigurée dans l’amour surnaturel du Seigneur, pour qu’elle soit davantage divinisée. Le corps ecclésial (chaque baptisé en communion de foi, d’espérance et de charité avec les autres baptisés) et le corps eucharistique sont des réalités inséparables. Voilà jusqu’où peuvent nous mener les cinq pains et les deux poissons utilisés par Jésus pour nourrir toute une foule…
Saint Jean relève qu’il resta après le repas douze paniers de nourriture. Comme les douze tribus d’Israël et comme les douze apôtres du Seigneur… Le pain multiplié, signe du pain eucharistique, est non seulement surabondant mais inépuisable. Il ne manquera jamais à l’Eglise jusqu’à la fin des temps. La fin du récit de la multiplication des pains nous montre que la foule rassasiée en est restée au niveau de la nature, elle n’a pas encore compris le message de grâce. Cette foule veut en effet faire de Jésus un roi temporel, un Messie-Prophète impliqué directement dans les affaires de ce monde qui passe. Et le Seigneur est obligé de s’enfuir, jusqu’au moment de la Passion où il sera vraiment Roi de manière divine et surnaturelle, selon la volonté du Père et non selon les vues des hommes !

lundi 20 juillet 2009

16ème dimanche du temps ordinaire

16ème dimanche du TO/B
19/07/09
Marc 6, 30-34 (p. 163)
Au cœur de l’été il est bon d’entendre cette parole de l’Evangile en saint Marc. Les Douze viennent de vivre leur première mission. Envoyés par Jésus, ils se sont séparés de lui, ils sont partis deux par deux quittant ainsi le groupe des Douze, pour aller prêcher la Bonne Nouvelle et pêcher de nouveaux poissons : les hommes et les femmes dans l’attente du salut et du Royaume. La mission les a dispersés et voilà que maintenant elle les rassemble. Après cette mission, ils éprouvent tout naturellement le besoin de se retrouver autour de Jésus… pour lui rapporter « tout ce qu’ils ont fait et enseigné. » L’attitude des apôtres est pour nous un enseignement vivant. Ils n’ont pas oublié celui qui est à la source de leur apostolat, le Seigneur Jésus, et ils lui rendent compte de leur activité. Plus profondément encore ils font en présence de Jésus une relecture, un bilan de leur apostolat. Nous vivons dans une époque pressée, une époque anti-contemplative, dans laquelle tout doit aller vite, dans laquelle le temps c’est de l’argent. Cette sagesse des apôtres nous fait souvent défaut. Car nous ne prenons pas le temps de faire le bilan de notre vie, de relire les événements de notre vie à la lumière de la Parole de Dieu. Nous sommes happés par l’immédiat et l’instant présent, par l’urgence du faire, ce qui au fond ne nous rend pas plus efficaces. Ce qui nous paralyse plutôt. Car ce qui paralyse notre activité, c’est le manque d’idéal et de but. En tant que chrétiens nous devons comme les apôtres prendre le temps du recul et de la distance par rapport à nos diverses activités, et relire la manière dont nous vivons notre vocation en présence du Christ.
« Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Cet appel du Seigneur tombe à pic en ce temps de vacances pour beaucoup, en tout cas de moindre activité que pendant l’année scolaire. Comme les apôtres nous avons besoin de nous reposer physiquement, mais aussi psychologiquement et spirituellement. Ce qui implique de notre part une attitude d’abandon filial dans le cœur de Dieu, un lâcher-prise par rapport à nos responsabilités et à nos activités. Non pas paresse ou démission ou encore fuite, mais bien une nécessaire prise de distance. Et pour cela, que nous soyons laïcs, prêtres, religieux, consacrés, nous devons aller à l’écart dans un endroit désert. Ici Jésus nous enseigne la nécessité du temps de retraite spirituelle. Si même les moines et les moniales font des retraites à l’intérieur de leur monastère, alors à plus forte raison les laïcs chrétiens, vivant leur vocation dans le monde, doivent se réserver des temps de retraite et de récollection dans l’année. Les propositions ne manquent pas, il y en a pour tous les goûts et pour tous les tempéraments avec la richesse des écoles spirituelles qui se sont développées dans le christianisme. Il est regrettable que pour beaucoup de paroissiens leur dernière retraite spirituelle remonte à leur enfance lorsqu’ils se sont préparés à un sacrement… L’amour, vous le savez, peut être tué, voire diminué, par la routine et les habitudes. Ce qui est vrai de l’amour pour sa femme ou son mari, l’est aussi pour l’amour envers Dieu. Sans temps spécifiques de mise à distance par rapport à notre vie quotidienne, notre foi risque bien de s’asphyxier… Le temps du « désert », du silence, de la retraite, est une cure indispensable pour lui redonner tonus et vitalité. La retraite spirituelle nous permet de respirer le grand air pur de l’Esprit-Saint dans nos vies bien souvent polluées par le stress et l’activisme. Le plus dur, comme souvent, c’est le premier pas. Il faut se décider à entendre l’appel de Jésus : « Venez à l’écart dans un endroit désert », et se donner les moyens concrets de quitter pour un, deux, cinq jours notre quotidien. Les chrétiens qui ont eu la grâce de vivre ces temps de retraite n’ont pas besoin de sermon pour y retourner car ils ont fait l’expérience de la douceur et de la bonté du Seigneur à leur égard. Ils ont vu à quel point il est bénéfique de se retirer pour peu de temps et de retourner ensuite pleins de dynamisme spirituel dans le monde. Si nous mettons l’amour de Dieu au cœur de nos vies, alors, oui, nous vivrons notre vie familiale et professionnelle d’une tout autre manière que celle qui nous est imposée par la vie moderne. Nous mettrons du sens, un but, dans ce cadre bien souvent étouffant qui veut nous rendre esclaves du temps et de l’efficacité.
Alors même si nous ne faisons pas de retraite spirituelle pendant cet été, cet Evangile nous redit l’importance de vivre autrement en prenant du recul par rapport à notre vie bien souvent trépidante. Et nous avons pour cela deux moyens essentiels : la prière personnelle et la lecture spirituelle. Sans la prière personnelle, notre participation à la messe risque de devenir une habitude ritualiste. Quant à la nécessité de la lecture spirituelle, je laisse la parole au Bienheureux Pape Jean XXIII : « Rien qu’aujourd’hui, je consacrerai dix minutes à la bonne lecture, en me souvenant que, comme la nourriture est nécessaire à la vie du corps, la bonne lecture est nécessaire à la vie de l’âme. »

lundi 13 juillet 2009

15ème dimanche du temps ordinaire

15ème dimanche du TO / B
12/07/09
Marc 6, 7-13 (p. 112)
En ce dimanche les textes de la Parole de Dieu forment une admirable symphonie, se répondant et s’enrichissant mutuellement. Cette liturgie de la Parole nous présente notre vie chrétienne sous un jour particulier, dans la lumière du mystère de la volonté divine, pour reprendre saint Paul. Nous avons tendance à l’oublier, mais notre vie chrétienne est tout entière une réponse à un choix et à un appel de la part de Dieu Notre Père. Et cela est vrai non seulement pour les successeurs des apôtres que sont les évêques et les prêtres mais aussi et d’abord pour tous les baptisés. Si notre vie est réellement une réponse à cet appel divin, cela lui confère une dimension dynamique. L’appel vient du Père et nous rappelle nos racines dans l’être : nous sommes des créatures. Le même appel nous donne aussi un but, une fin à atteindre, qui est l’accomplissement de notre vocation humaine et chrétienne en Dieu. C’est cette vision grandiose de l’existence chrétienne que saint Ignace de Loyola résume avec son Principe et Fondement dans les Exercices spirituels : « L’homme est créé pour louer, révérer et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé. » Le fondateur des Jésuites exprime ici avec le langage de son époque la magnifique intuition théologique de saint Paul, dans la deuxième lecture. Saint Paul nous parle de prédestination, un terme qui a suscité tant de polémiques dans l’histoire de l’Eglise. De toute éternité nous sommes appelés et choisis par Dieu Père et Créateur ! Il est bon de réentendre trois passages de la deuxième lecture illustrant cette vérité :
« Dans le Christ, Dieu nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. » « Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ. » « Dans le Christ, Dieu nous a d’avance destinés à devenir son peuple. »
Avant même notre naissance, avant même notre création Dieu nous aime et nous donne une vocation. Une image humaine peut nous faire approcher de cette réalité vertigineuse : nos parents nous ont certainement aimés avant notre naissance, ils nous ont désirés et ont eu pour nous des tas de projets… Paul nous présente le projet divin. Tout est dit. Notre vocation, donc notre but et notre accomplissement, c’est la sainteté. La sainteté, c’est devenir toujours davantage fils et filles de Dieu. Et l’apôtre précise que cela se réalise ensemble, dans l’Eglise qui est le peuple de Dieu. Et que cela ne peut se réaliser que par et dans le Christ.
C’est dans ce contexte que les vocations particulières du prophète Amos et des Apôtres prennent tout leur sens. C’est juste après l’échec de sa première prédication à Nazareth, que Jésus appelle les Douze et les envoie en mission deux par deux. Il leur demande de vivre pauvrement. Souvenons-nous que ces hommes étaient non pas des lettrés ou des spécialistes de la religion mais des pêcheurs. Amos quant à lui était éleveur de bétail. Ce qui nous rappelle les paroles de Paul aux Corinthiens : « Voyez un peu, frères, quelle est votre condition : combien d’entre vous passent pour des gens cultivés, ou sont de familles nobles et influentes ? Bien peu… Dieu a choisi ce que le monde considère comme faible pour humilier les forts. » En tant que pêcheurs, les apôtres ne vivaient pas dans la pauvreté. Jésus leur demande de tout quitter pour qu’ils soient porteurs dans leur faiblesse de la puissance de la Parole de Dieu. Le Seigneur demande aussi à ses apôtres de respecter la liberté de conscience de ceux vers lesquels ils sont envoyés : « Si on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds… ». Amos, le prophète qui vient du sud, n’a pas de succès à Béthel, sanctuaire royal, et auprès des élites religieuses… Parce qu’Amos a été fidèle à sa vocation de prophète, il a fini par être expulsé sur dénonciation au roi. Jésus n’a pas été mieux accueilli dans sa patrie, à Nazareth… On a même voulu le tuer ! Il ne s’est pas imposé aux récalcitrants, mais passant au milieu d’eux, il continua son chemin et se rendit à Capharnaüm. Un apôtre du Christ, un missionnaire de l’Evangile, ne se comporte pas comme un représentant de commerce ou un propagandiste de bas étage. Il est le porteur et le témoin de cet appel de Dieu pour tous les hommes, appel à la conversion en vue de la sainteté. C’est librement que Dieu nous aime, nous crée et nous choisit pour faire partie de son peuple. C’est librement que nous devons répondre à son appel sur nous. La Bonne Nouvelle se propose, elle ne saurait en aucun cas s’imposer. Sa force se trouve dans l’amour et la vérité qui sont en Dieu davantage que dans les qualités humaines de l’apôtre. La foi doit être prêchée en actes et en paroles pour que Dieu puisse « saisir l’univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ. »

lundi 6 juillet 2009

14ème dimanche du temps ordinaire

14ème dimanche du TO/B
5/07/09
Marc 6, 1-6 (p. 63)
L’Evangile de ce dimanche nous rapporte un événement important dans la vie publique de Jésus : sa première prédication dans la synagogue de Nazareth. On peut aisément imaginer à quel point les Juifs fervents et pratiquants de Nazareth attendaient cet instant ! Un Rabbi, un Maître en religion, qu’ils avaient connu enfant et adolescent, puis jeune homme, allait prendre la parole pour commenter publiquement les Saintes Ecritures, le jour du sabbat. On imagine avec quelle attention ils ont dû écouter l’enfant du pays ! Marc, contrairement à Luc, ne nous donne pas le contenu de cet enseignement inaugural dans la synagogue. Par contre il relève avec soin la réaction de l’auditoire : « Ils étaient profondément choqués à cause de lui. » La Bible des Peuples donne comme traduction : « Ils butaient donc et ne croyaient pas en lui. » En fait une traduction proche du texte grec est bien plus éclairante pour nous : « Ils étaient scandalisés ». Le premier sermon du Christ chez lui est donc un échec. Sa parole est refusée, rejetée comme scandaleuse. Marie, sa mère, avait été prévenue par Siméon : « Regarde, cet enfant apportera aux masses d’Israël, soit la chute, soit la résurrection : il sera un signe de division, et toi-même, une épée te transpercera l’âme. Mais par ce moyen les hommes mettront à nu le secret de leur cœur. » En présence de Jésus, les gens de Nazareth sont contraints de faire la vérité sur eux-mêmes. Sa Parole démasque l’hypocrisie et ne laisse pas d’autre perspective que la véritable conversion du cœur, conversion qui aboutit à des choix de vie très concrets, à des attitudes spirituelles fondamentales. Jésus se situe dans la ligne des prophètes davantage que dans la ligne des Docteurs de la Loi. D’ailleurs en saint Luc nous savons que c’est un passage du prophète Isaïe qu’il a commenté ce jour-là. Il scandalise car il remet en question une religion sociologique, extérieure, ritualiste, qui n’engage ni le cœur ni la personne ni les actes quotidiens. Et ce premier sermon dans la synagogue de Nazareth annonce en filigrane la passion et la mort du Christ. Saint Luc le souligne en parlant de la colère des auditeurs qui veulent le tuer en le jetant en bas, du haut de la colline… « Mais lui passe au milieu d’eux et il va son chemin. » Le grand prophète, le dernier des prophètes ne se laisse pas intimider par les menaces de ses concitoyens, il poursuit sa route et sa mission vers Jérusalem car un prophète ne peut pas mourir ailleurs que dans la ville sainte. Finalement c’est le mystère de l’incarnation qui est cause de scandale : Comment se fait-il que ce gamin de chez nous prétende nous enseigner la religion avec une telle autorité, une autorité presque divine ? Et à l’autre bout de l’Evangile le grand prêtre livrera le Messie à la mort et aux romains en l’accusant de blasphème : « Il s’est fait le Fils de Dieu ! » Un Dieu proche, un Dieu au visage humain, un Dieu bon et miséricordieux, voilà ce qui scandalise les bons pratiquants de Nazareth. Cette folie de l’amour de Dieu qui va jusqu’à l’incarnation ! Remarquons bien que dans les Evangiles ce sont toujours les chefs religieux et les élites religieuses qui sont scandalisés par le Christ, ses paroles et ses actes. Ce sont les puissants et les orgueilleux ! Ceux dont Marie parle dans son Magnificat : « Il disperse les superbes, il renverse les puissants de leurs trônes ». Les pécheurs, les gens simples, les personnes humbles, elles, ne sont pas scandalisées mais émerveillées. Ne pensons pas que la parole prophétique du Christ soit mieux accueillie aujourd’hui par les catholiques ! Par chacun d’entre nous… Si l’orgueil religieux nous atteint, alors nous pouvons aussi connaître cet aveuglement et ce manque de foi sous un vernis de bonne pratique religieuse. Si nous ne sommes pas humbles, la parole prophétique nous dérange à un tel point que nous la rejetons parfois avec violence. Un exemple suffira à l’illustrer : Dom Helder Camara, l’archevêque de Recife au Brésil, mort en 1999, ne s’était pas fait que des amis parmi les catholiques brésiliens. Parce qu’il s’attaquait aux racines de la pauvreté et de l’injustice, parce qu’il osait remettre en cause les structures de péchés, parce qu’il était prophète. Et comme Jésus sa parole de feu a été bien mieux accueillie à l’étranger que chez lui… Il avait résumé le problème avec une phrase courte mais ô combien vraie : "Quand je nourris un pauvre, on dit que je suis un saint. Mais quand je demande pourquoi il est pauvre, on me traite de communiste". Pensons aussi à l’archevêque de San Salvador, Mgr. Oscar Romero, assassiné au cours d’une messe le 24 mars 1980. La veille il avait, malgré les menaces de mort à son encontre, lancé un appel solennel aux militaires, rappelant qu’en certaines circonstances le soldat n'est pas obligé d'obéir à l’ordre de tuer. Prophète de la paix et de la justice, il a payé par le don de sa vie la vérité de sa parole. Demandons à Notre-Dame de Santé le courage et l’humilité nécessaire pour accueillir comme elle la Parole de Dieu et pour la faire passer dans nos vies, prolongeant en nous le mystère de l’incarnation. « Quant à Marie, elle gardait le souvenir de ces événements et les reprenait dans sa méditation ». « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’arrive selon ta parole ! » Amen