26/10/14
Matthieu
22, 34-40
Jésus nous donne dans l’Evangile
de ce dimanche un enseignement fondamental pour notre vie chrétienne. Le double
commandement de l’amour est en effet le cœur et l’âme de toute la Loi de Moïse.
Cette Loi contenait tellement de commandements et de préceptes qu’il était
facile d’en oublier l’essentiel au profit de certains préceptes secondaires.
Jésus adressera un reproche sévère à ceux qui lui posent cette question
« pour le mettre à l’épreuve ». Ce reproche du Seigneur à l’encontre
des pharisiens se trouve dans le chapitre qui suit notre Evangile :
Malheureux
êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur
la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus
important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà
ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste. Guides aveugles ! Vous
filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau !
En allant à
l’essentiel Jésus effectue une merveilleuse simplification de la vie
religieuse. Tout l’Ancien Testament se résume à ces deux commandements, tout
dans la Loi et les prophètes doit être compris à la lumière du commandement de
l’amour. Nous le voyons, Jésus n’invente rien. Il se contente de mettre une
hiérarchie entre les commandements. Il nous demande de distinguer ce qui est le
plus important de ce qui est secondaire. En morale il s’agit en effet de ne pas
tout mettre sur le même plan. C’est aussi un danger pour nous catholiques de
nous attacher de manière excessive à des aspects secondaires de la vie
chrétienne tout en négligeant ce qui est premier et essentiel. Le génie de
Jésus consiste à avoir montré l’unité qui existe entre l’amour pour Dieu et
l’amour pour le prochain. Le double commandement de l’amour nous permet
d’unifier notre vie chrétienne et de ne pas vivre le culte et la prière comme
des moments séparés, n’ayant aucun rapport avec le quotidien de notre existence,
ni aucune influence sur nos choix et décisions. C’est cette belle unité de la
vie chrétienne que nous rappelaient les évêques de France en 1996 :
« Nous ne pouvons pas laisser croire qu’il nous faudrait choisir entre
Dieu et les hommes, entre la foi en Dieu et le service des hommes ».
Je voudrais
maintenant vous parler du premier commandement : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton
esprit ». La formulation de ce commandement a l’avantage de nous montrer
concrètement comment nous pouvons aimer Dieu et le servir : avec toute
notre personne. Nous cherchons Dieu et nous allons à sa rencontre avec tout ce
que nous sommes : le cœur, l’âme et l’esprit. Ce n’est pas par hasard que
le cœur est cité en premier. Dans la Bible le cœur représente bien sûr notre
capacité à aimer mais aussi le plus intime de notre personne humaine, le centre
unique de notre personnalité. Blaise Pascal a beaucoup parlé de l’importance du
cœur dans ses Pensées :
« C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison : voilà ce que c’est
que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison ». Notre amour pour
Dieu va bien au-delà d’un amour philosophique. L’âme correspond quant à elle au
souffle de vie que Dieu nous donne, c’est le principe même de notre vie. Aimer
Dieu avec toute notre âme cela signifie donc l’aimer par toute notre vie :
pas seulement le dimanche à la messe ou encore lorsque nous prions mais à
travers nos pensées et nos actes de chaque jour, même les plus simples. Enfin
l’esprit c’est ce qui nous permet l’intelligence des choses, la compréhension
des êtres et du monde dans lequel nous vivons. C’est la foi qui nous met en
relation avec Dieu mais la foi n’exclut pas l’usage de notre raison. Pascal avait
cette belle formule : « Soumission et usage de la raison : en
quoi consiste le vrai christianisme ». C’est pour cela qu’il y a toujours
eu dans l’Eglise des exégètes et des théologiens, des personnes qui ont utilisé
les lumières de l’esprit humain pour approfondir le sens de ce qui était révélé
par Dieu dans la Bible et enseigné dans le catéchisme comme vérité de foi. Au
cœur, à l’âme et à l’esprit Saint Paul n’hésite pas à ajouter notre
corps : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps ». Oui,
c’est vraiment avec toutes les dimensions de notre être, créé par Dieu, que
nous sommes appelés à l’aimer en lui rendant grâce pour le don de notre vie,
celui de son Fils Jésus, et celui de l’Esprit Saint qui habite en nos cœurs
comme dans un temple. Nous pouvons enfin établir une correspondance entre les
dimensions de notre être et les vertus théologales par lesquelles nous entrons
en relation avec le Seigneur. Au cœur correspond bien sûr la vertu de charité. Notre
âme, principe de notre vie humaine, va de pair avec l’espérance car cette vertu
nous fait espérer la vie éternelle. Et notre esprit ou notre intelligence
correspond à la foi. En effet, comme le faisait remarquer Jean-Paul II,
« la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit
humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ».