dimanche 1 décembre 2024

Premier dimanche de l'Avent / année C

 

1er /12/ 2024

L’espérance ne déçoit pas (1)

Pendant ce temps de l’Avent je prêcherai à partir de la bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025 dont le titre est emprunté à un verset de l’épitre de Paul aux Romains L’espérance ne déçoit pas. Cela nous permettra de nous préparer avec le pape François à la célébration de l’année sainte qui commencera le 24 décembre par l’ouverture de la porte sainte de la basilique saint Pierre de Rome. Pour notre diocèse l’année sainte commencera le dimanche 29 décembre à la basilique saint Pierre d’Avignon puis à Notre-Dame des Doms. C’est le pape Boniface VIII qui institua en 1300 le premier Jubilé de l’histoire de l’Eglise. En choisissant comme thème la vertu théologale d’espérance le pape nous invite à devenir des pèlerins d’espérance tout au long de l’année jubilaire. Ecoutons ce que le pape nous dit de cette vertu au n°18 de sa bulle :

L’espérance forme, avec la foi et la charité, le triptyque des “vertus théologales” qui expriment l’essence de la vie chrétienne (cf. 1 Co 13, 13 ; 1 Th 1, 3)… L’espérance est celle qui oriente, indique la direction et le but de l’existence croyante… Oui, nous devons “déborder d’espérance” (cf. Rm 15, 13) pour témoigner de manière crédible et attrayante de la foi et de l’amour que nous portons dans notre cœur ; pour que la foi soit joyeuse, la charité enthousiaste ; pour que chacun puisse donner ne serait-ce qu’un sourire, un geste d’amitié, un regard fraternel, une écoute sincère, un service gratuit, en sachant que, dans l’Esprit de Jésus, cela peut devenir une semence féconde d’espérance pour ceux qui la reçoivent. 

Dans la première partie de sa méditation le pape établit un lien entre l’espérance et la patience en rappelant en introduction que tout le monde espère. L’espérance est contenue dans le cœur de chaque personne comme un désir et une attente du bien, bien qu’en ne sachant pas de quoi demain sera fait. L’imprévisibilité de l’avenir suscite des sentiments parfois contradictoires : de la confiance à la peur, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute.

C’est à partir d’une citation de Romains 5, 3.4 que le pape noue ce lien entre espérance et patience : « Nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance »

Le pape François constate la nécessité, dans notre monde marqué par la précipitation, de redécouvrir l’importance de la vertu de patience. Je le cite au n°4 : Dans un monde où la précipitation est devenue une constante, nous nous sommes habitués à vouloir tout et tout de suite. On n’a plus le temps de se rencontrer… La patience est mise à mal par la précipitation, causant de graves préjudices aux personnes. En effet, l’intolérance, la nervosité, parfois la violence gratuite surgissent, provoquant l’insatisfaction et la fermeture.

Il s’agit donc de mettre à profit la grâce de ce Jubilé pour redécouvrir la valeur du temps long, l’importance de la lenteur et de savoir ralentir et s’arrêter, de prendre tout simplement le temps que Dieu nous donne, de le recevoir dans la gratitude pour vivre le présent si possible dans la paix du cœur. Cultiver la patience, c’est apprendre l’attente, donc accepter la distance entre notre désir et sa réalisation. Sur ce chemin les moines et les moniales sont nos grands maîtres. Si nous éprouvons presque physiquement dans les monastères et les abbayes une grande paix intérieure ce n’est pas par hasard. Cette paix est le fruit d’une vie qui prend le temps, d’une vie dans laquelle la prière ouvre régulièrement au cours de la journée le cœur sur l’éternité de Dieu relativisant ainsi l’importance exagérée que nous donnons à nos activités humaines. Sans renoncer aux progrès technologiques, moines et moniales travaillent comme on le faisait autrefois, dans la paix du travail bien fait, en évitant de « vouloir tout tout de suite », donc dans la patience de l’attente. Pour ne pas nous laisser submerger par l’intolérance, la nervosité et la violence provoquées par les rythmes de vie trop rapides, gardons en mémoire la sagesse du Seigneur : à chaque jour suffit sa peine.

Ecoutons enfin ce que le pape nous dit, toujours au n°4 :

De plus, à l’ère d’Internet où l’espace et le temps sont dominés par le “ici et maintenant”, la patience n’est pas la bienvenue. Si nous étions encore capables de regarder la création avec émerveillement, nous pourrions comprendre à quel point la patience est décisive… Redécouvrir la patience fait beaucoup de bien à soi-même et aux autres. Saint Paul recourt souvent à la patience pour souligner l’importance de la persévérance et de la confiance en ce que Dieu nous a promis, mais il témoigne avant tout que Dieu est patient avec nous, Lui qui est « le Dieu de la persévérance et du réconfort » (Rm 15, 5). La patience, qui est aussi le fruit de l’Esprit Saint, maintient vivante l’espérance et la consolide en tant que vertu et style de vie. Apprenons donc à souvent demander la grâce de la patience qui est fille de l’espérance et en même temps la soutient.

Le Jubilé a toujours une dimension de libération. Le Seigneur est capable de nous libérer des exigences démesurées du « tout tout de suite » et de « l’ici et maintenant » qui provoquent en nous la maladie bien contemporaine de l’insatisfaction et de la nervosité. Cela fait partie de la sagesse chrétienne de redécouvrir ainsi la patience qui fait beaucoup de bien à soi-même et aux autres et guérit ainsi bien des blessures de l’âme. Cela a aussi des conséquences sur notre manière de percevoir la pastorale de l’Eglise et l’action de l’Esprit Saint. La tentation est grande de ne prêter attention qu’aux chiffres et aux statistiques, en négligeant ainsi les humbles réalités de la vie chrétienne et le long processus de l’évangélisation et de la conversion. Si Dieu qui est dans l’éternité bienheureuse agit mystérieusement dans l’histoire humaine et dans l’Eglise, on comprend que quelque part le temps est comme un 8ème sacrement. Le rythme de Dieu n’est pas celui des hommes qui s’agitent et qui croient d’autant plus être importants et nécessaires qu’ils s’agitent davantage… Ancrés dans l’espérance et la patience, laissons Dieu agir à sa manière, dans le temps long. Dieu en effet ressemble bien à l’agriculteur dont nous parle Jacques dans sa lettre :

Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. (5, 7)

Et dans une fable antique nous trouvons cette sentence qui donne à penser : Aucun bien n’arrive vite mais chaque jour chacun d’entre nous est atteint par les maux[1].

 



[1] Fables grecques et latines de l’antiquité, Les belles lettres, Les biens et les maux, p.25.

Aucun commentaire: