27/08/2023
Matthieu
16, 13-20
L’épisode
de la profession de foi de Pierre à Césarée est particulièrement important dans
l’itinéraire que Jésus fait faire à ses disciples. Ce n’est qu’au chapitre 16
de l’Evangile selon saint Matthieu que Pierre affirme « Tu es le Christ,
le Fils du Dieu vivant ! ». La foi de Pierre est donc le résultat d’un
compagnonnage avec le Christ, mais pas seulement. Car la lumière de la foi est
toujours pour le disciple un don de Dieu : Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père
qui est aux cieux. Expérience du chemin parcouru avec le Christ et grâce
donnée par le Père. Le prêtre suisse Maurice Zundel faisait remarquer avec raison
que la révélation de Dieu ne peut se
faire que par la transformation de l’homme… Entre le moment du premier
appel au bord du lac et celui de la profession de foi Pierre a été transformé
au contact de Jésus. Et cette transformation intérieure ne se termine pas avec
cette page évangélique… elle continuera jour après jour en passant par le
reniement jusqu’au martyre de l’apôtre. La foi est essentiellement une
expérience vivante de Dieu. La vérité de notre foi, sa justesse, proviennent
directement de l’expérience que nous faisons de Dieu, expérience qui implique
la transformation de notre être le plus intérieur. D’où cette remarque de
Maurice Zundel : La hauteur à
laquelle l’homme situe Dieu correspond exactement à la hauteur à laquelle il
atteint lui-même. L’itinéraire de Pierre comme celui de chaque disciple
illustre bien ce que Louis Massignon affirmait : Dieu n’est pas une invention, c’est une découverte.
Jésus leur demanda : « Et vous, que
dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Cette interrogation du Christ à
ses disciples nous révèle l’essence de la foi : elle est profondément
personnelle avant d’être communautaire. Dans sa première encyclique La lumière de la foi le pape François
souligne cet aspect personnel de l’acte de foi en se référant au père des
croyants : La foi est liée à l’écoute. Abraham ne voit pas
Dieu, mais il entend sa voix. De cette façon la foi prend un caractère
personnel. Dieu se trouve être ainsi non le Dieu d’un lieu, et pas même le Dieu
lié à un temps sacré spécifique, mais le Dieu d’une personne, précisément le
Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, capable d’entrer en contact avec l’homme
et d’établir une alliance avec lui. La foi est la réponse à une Parole qui
interpelle personnellement, à un Toi qui nous appelle par notre nom.
C’est bien parce que
la foi est toujours une expérience personnelle que l’expression transmission de la foi utilisée dans le
contexte de la famille et de la catéchèse pose problème. Il est en effet
impossible de transmettre la foi à des enfants comme on peut transmettre une
connaissance quelconque dans le cadre scolaire. L’Eglise peut initier à la foi
les enfants ou les adultes en leur faisant découvrir l’Evangile, mais cette
initiation ne portera aucun fruit si la personne qui en bénéficie ne fait pas par elle-même une expérience personnelle
de Dieu dans la foi et la prière. Maurice Zundel disait : Ceux qui ont une foi profonde, ceux qui ont
l’expérience de la foi, savent que Dieu est une rencontre au plus intime de
soi. Le défi éternel de l’Eglise aujourd’hui comme hier est d’être une
réalité vivante qui puisse permettre et favoriser l’expérience spirituelle personnelle
de chacun alors qu’elle apparaît trop souvent comme une institution du passé édictant
des interdits moraux. Bref le christianisme est davantage perçu comme une
morale que comme une spiritualité. Zundel remarque que l’opposition au christianisme ne vient pas de ce que les gens sont
confrontés avec un Christ qu’ils refuseraient, mais cette opposition vient de
ce qu’une multitude d’êtres sont confrontés avec un christianisme qui n’est pas
vécu, qui est une étiquette. En tant que croyants nous sommes invités à
comprendre qu’il ne s’agit pas tant pour nous de parler de Dieu que de le vivre.
C’est l’un des enseignements majeurs du grand maître spirituel que fut Zundel.
Je lui laisserai donc
le mot de la fin :
Il faut, avec le Christ et à travers lui, dans un silencieux
agenouillement de l’esprit, conduire chacun à son sanctuaire intérieur sans
parler de Dieu, mais en le donnant, comme une respiration de lumière et
d’amour. Car de Dieu on ne peut rien dire sans risquer de le limiter, mais
Dieu, on peut le vivre admirablement.
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