dimanche 1 novembre 2020

TOUSSAINT 2020

 


Matthieu 5, 4

Chaque année pour la solennité de la Toussaint l’Eglise fait résonner à nos oreilles l’Evangile des Béatitudes. Cette proclamation de bonheur qui ouvre le discours sur la montagne en saint Matthieu nous parle d’abord du Christ lui-même. C’est lui qui a un cœur de pauvre, qui est doux etc. Le chemin de la sainteté consiste donc à ressembler au Christ, à être pauvre de cœur comme lui. La multitude des saints connus et inconnus que nous célébrons en ce jour nous montre les diverses facettes de l’unique Evangile. Chaque saint et sainte incarne plus particulièrement un aspect de la richesse de l’Evangile, tel saint, tel sainte, ressemble à Jésus, participe à sa sainteté en mettant en valeur un chemin d’Evangile : celui de la pauvreté, de la compassion, de la douceur, de la recherche de la paix ou encore de la justice du Royaume etc. Saint François de Sales avait exprimé ce mystère d’une manière admirable en notant qu’il n’y a pas d’autre différence entre l’Evangile et la vie des saints qu’entre une musique notée et une musique chantée.

Je voudrais en cette solennité méditer pour vous la troisième béatitude qui me semble d’une grande actualité :

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

C’est la seule béatitude qui mentionne la terre, et non pas le Royaume des cieux ou Dieu. Jésus cite ici le psaume 36 : les doux posséderont la terre et jouiront d’une abondante paix. Mais il change le verbe : recevoir au lieu de posséder ! Bien sûr la terre dont il est question dans cette béatitude évoque beaucoup plus que notre simple planète terre ou que la terre promise. Comme le disait le pape François dans sa catéchèse du 19 février, il y a une «terre» — permettez-moi le jeu de mots — qui est le Ciel, c’est-à-dire la terre vers laquelle nous marchons: les nouveaux cieux et la nouvelle terre vers laquelle nous allons. Il n’en reste pas moins vrai qu’en ce temps de crise écologique et en cette année où nous célébrons le 5ème anniversaire de l’encyclique Laudato si’, la béatitude des doux a quelque chose de significatif à nous dire en mentionnant la terre comme notre héritage commun. Mais avant de l’évoquer, il convient de bien comprendre qui sont ces doux dont nous parle le Seigneur. Tout d’abord douceur et humilité sont des réalités très proches dans la Bible. Jésus se présente à nous comme celui qui est doux et humble de cœur. Dans sa catéchèse le pape François explique la signification de la douceur : Le terme «doux» ici utilisé signifie littéralement doux, docile, gentil, sans violence. Cette béatitude est donc inséparable d’une autre : Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Pour saint Paul, la douceur fait partie du fruit multiforme de l’Esprit Saint et il l’associe à deux reprises à l’humilité et à la patience. Il existe pour nous le risque d’assimiler la douceur à de la faiblesse ou de la résignation, alors qu’elle est au contraire une force de caractère, une vertu, qui nous permet de résister à la colère et à la violence. Le pape François l’explique très bien dans sa catéchèse :

Le doux n’est pas un lâche, un «mou» qui se trouve une morale de repli pour rester en dehors des problèmes. Pas du tout! C’est une personne qui a reçu un héritage et ne veut pas le disperser. Le doux n’est pas quelqu’un d’accommodant, mais il est le disciple du Christ qui a appris à défendre une toute autre terre. Il défend sa paix, il défend sa relation avec Dieu, il défend ses dons, les dons de Dieu, en préservant la miséricorde, la fraternité, la confiance, l’espérance.

De la même manière que dans le Notre Père le mot pain peut avoir deux significations, l’une matérielle, l’autre spirituelle, il me semble que dans la troisième béatitude la terre reçue en héritage se réfère à la terre de la création et à la terre du salut. La crise écologique actuelle, c’est-à-dire la crise de notre relation de créatures avec la création, ne provient-elle pas précisément d’une civilisation qui a ridiculisé la douceur comme inutile et inefficace, tout en glorifiant la violence qu’elle soit celle des armes ou celle issue d’une utilisation orgueilleuse des sciences et des techniques ? Ne serait-il pas urgent de cultiver en nos cœurs la douceur de l’Evangile pour notre terre et pour toutes les créatures ? Une douceur qui nous permet de nous engager avec force et détermination pour le respect de la création et de la terre, notre maison commune. Dans Laudato si’, le pape François souligne la nécessité d’une éducation environnementale incluant une critique des « mythes » de la modernité (individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles), fondés sur la raison instrumentale. Il nous parle des différents niveaux de l’équilibre écologique : interne avec soi-même, solidaire avec les autres, naturel avec tous les êtres vivants, spirituel avec Dieu (n°210). Dans les jeunes générations en particulier, chez les croyants comme chez les non-croyants, existe une vive conscience de la nécessité de cette conversion écologique. Et si la béatitude de la douceur, la vertu d’humilité, était ce chemin providentiel pour notre temps ? Non plus posséder ou conquérir la terre et ses merveilles, mais la recevoir avec douceur comme un don magnifique et la défendre contre un anthropocentrisme despotique et destructeur. Certains de ces jeunes ont été tués à cause de leur engagement de doux, bien plus nombreux qu’on ne peut l’imaginer de par le monde mais aussi en France. Pensons par exemple à Rémi Fraisse mort suite à un tir de grenade en 2014. C’est ici que la béatitude des doux en rejoint une autre : Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.


1 commentaire:

Philippe C. a dit…

Rémi Fraisse est mort de façon bien malheureuse lors d'une manifestation violente , personne ne le conteste . Difficile de le classer parmi les doux , quelle que soit la sympathie qu'on ait pour la cause qu'il défendait.