Dimanche
de la Parole de Dieu – 21/01/2024
Sermon
de Bossuet sur la Parole de Dieu
La réforme liturgique voulue par le Concile
Vatican II a donné à la Parole de Dieu une place essentielle dans la
célébration des sacrements et tout particulièrement dans la célébration du
sacrement de l’eucharistie. Les prédicateurs sont ainsi passés du sermon qui
abordait l’un ou l’autre point de la foi catholique à l’homélie, c’est-à-dire à
un commentaire de la Parole de Dieu. La constitution sur la Sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium, 4 décembre 1963)
affirme d’une manière significative que le Christ « est là présent dans sa
parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes
Ecritures » (n°7). Dans la même constitution nous trouvons des expressions
maintenant bien connues pour caractériser la liturgie de la Parole et la
liturgie eucharistique : « La table de la parole de Dieu »
(n°51) et « la table du Corps du Seigneur » (n°48). La conclusion logique
de tout cela, c’est bien sûr l’unité du sacrement de l’eucharistie :
« Les deux parties qui constituent en quelque sorte la messe, c’est-à-dire
la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique, sont si étroitement
unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte » (n°56). Cet
enseignement du Concile s’enracine dans la Tradition patristique. Au 15ème
siècle l’Imitation de Jésus-Christ utilise déjà le vocabulaire des
« deux tables » : « L’une est la table de l’autel sacré,
sur lequel repose un pain sanctifié, c’est-à-dire le Corps précieux de
Jésus-Christ. L’autre est la table de la loi divine, qui contient la doctrine
sainte, qui enseigne la vraie foi, qui soulève le voile du sanctuaire, et nous
conduit avec sûreté jusque dans le Saint des saints » (IV, 11, 4). Au 17ème
siècle le grand prédicateur que fut Bossuet développe avec vigueur et génie
« cette alliance sacrée qui est entre la chaire et l’autel ». Son
sermon sur la Parole de Dieu, donné en 1661, est en effet une profonde
méditation sur « ce rapport admirable entre l’autel et la chaire ». Son
enseignement peut encore aujourd’hui nous aider à participer
« consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée » par
excellence qu’est la célébration de l’eucharistie (Sacrosanctum Concilium, n°48).
Je citerai dans un premier temps un peu longuement
un très beau passage de l’exorde. C’est la thèse du prédicateur, le fondement
de tout son développement :
« Le
temple de Dieu a deux places augustes et vénérables, je veux dire l’autel et la
chaire. Là, se présentent les requêtes ; ici, se publient les
ordonnances ; là, les ministres des choses sacrées parlent à Dieu de la
part du peuple ; ici, ils parlent au peuple de la part de Dieu ; là,
Jésus-Christ se fait adorer dans la vérité de son corps ; il se fait
reconnaître ici dans la vérité de sa doctrine. Il y a une très étroite alliance
entre ces deux places sacrées, et les œuvres qui s’y accomplissent ont un
rapport admirable. Le mystère de l’autel ouvre le cœur pour la chaire ; le
ministère de la chaire apprend à s’approcher de l’autel ».
Après cette
introduction Bossuet développe sa méditation selon trois points :
Premier point : auditeurs fidèles et
prédicateurs évangéliques
Deuxième point : la parole de Dieu doit aller
au cœur de l’auditeur
Troisième point : la parole de Dieu
accueillie dans le cœur nous fait accomplir la volonté de Dieu
Je me limiterai en ce dimanche au premier point.
Pour Bossuet « le ministère de la
parole » est le « plus grave, le plus important, le plus nécessaire
emploi de l’Eglise ». Dans son sermon il s’adresse autant aux prédicateurs
qu’aux auditeurs. Et le parallèle qu’il ne cesse de faire entre l’autel et la
chaire doit amener les uns et les autres au plus grand respect envers la Parole
de Dieu et la prédication qui en découle. Le grand prédicateur qu’est l’aigle
de Meaux (Bossuet était évêque de cette ville) s’élève contre une tendance de
son époque : la prédication mondaine. Lorsque l’éloquence et les figures
de style deviennent la priorité des prédicateurs, alors la sainte prédication
est abaissée au rang d’un divertissement futile : « Il y a ici un
ordre à garder : la sagesse marche devant comme la maîtresse, l’éloquence
s’avance après comme la suivante ». L’éloquence doit donc toujours être
secondaire. A la suite de saint Augustin, Bossuet affirme avec force l’éminente
dignité du ministère de la prédication. Pour lui les prédicateurs de l’Evangile
montent en chaire « dans le même esprit qu’ils vont à l’autel ; ils y
montent pour célébrer un mystère, et un mystère semblable à celui de
l’Eucharistie. Car le corps de Jésus-Christ n’est pas plus réellement dans le
sacrement adorable que la vérité de Jésus-Christ est dans la prédication
évangélique ». Jésus-Christ est la Vérité. Le prédicateur évangélique doit
se soumettre en toutes choses à cette divine vérité. L’auditeur évangélique
doit désirer de toutes ses forces la vérité de l’Evangile en écoutant les
saintes prédications. « D’où il faut tirer cette conséquence, qui doit
faire trembler tout ensemble et les prédicateurs et les auditeurs, que, tel que
serait le crime de ceux qui feraient ou exigeraient la célébration des divins
mystères autrement que Jésus-Christ ne les a laissés, tel est l’attentat des
prédicateurs et tel celui des auditeurs, quand ceux-ci désirent et que ceux-là
donnent la parole de l’Evangile autrement que ne l’a déposée entre les mains de
son Eglise ce céleste prédicateur que le Père nous ordonne aujourd’hui
d’entendre. » Qui est donc le prédicateur évangélique ? « Celui
qui fait parler Jésus-Christ […], un interprète fidèle qui n’altère, ni ne
détourne, ni ne mêle, ni ne diminue sa sainte parole ». Le prédicateur est
l’humble serviteur de la Parole de Dieu. Et si à certaines époques les
prédicateurs évangéliques se font rares, c’est parce que les chrétiens ne cherchent
plus « en vérité la saine doctrine ». Bossuet parle ici d’un
mystère : « Ce sont les auditeurs fidèles qui font les prédicateurs
évangéliques, parce que, les prédicateurs étant pour les auditeurs, ‘les uns
reçoivent d’en haut ce que méritent les autres’ ».
Au terme de cette réflexion sur la parole de Dieu
et le ministère de la prédication en compagnie de Bossuet, je lui laisserai une
dernière fois la parole :
« Mes Frères, ces mystères sont amis ;
ne soyons pas assez téméraires pour en rompre la société. Adorons Jésus-Christ
avant qu’il nous parle ; contemplons en respect et en silence ce Verbe
divin à l’autel, avant qu’il nous enseigne dans cette chaire. Que nos cœurs
seront bien ouverts à la doctrine céleste par cette sainte préparation !
Pratiquez-la, Chrétiens : ainsi Notre Seigneur Jésus-Christ puisse être
votre docteur ! »
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