Epiphanie
2024
Au chapitre 11 de l’Evangile
selon saint Matthieu l’évangéliste nous rapporte une prière de louange que
Jésus adresse à son Père : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je
proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as
révélé aux tout-petits. Le motif de la louange de Jésus semble entrer en
contradiction avec la visite des mages auprès de Jésus nouveau-né. En effet les
mystérieux mages dont nous ignorons le nombre, les noms et le pays d’origine,
sont bien des sages et des savants. L’Epiphanie, c’est précisément la
révélation du salut de Dieu apportée à des sages et à des savants venus
d’Orient jusqu’à Jérusalem puis à Bethléem. On peut supposer que ces mages de
l’antiquité étaient à la fois des astronomes/astrologues et des philosophes. A
l’époque de la naissance du Christ la séparation entre astronomie et
astrologie, entre sciences physiques et philosophie n’existait pas. Tous les
sages de l’antiquité, les philosophes, s’intéressaient au cosmos, au fonctionnement
de l’univers et aux lois physiques qui le régissaient. Cette veine scientifique
de la philosophie a d’ailleurs continué jusqu’à l’époque moderne comme en
témoignent Descartes et Pascal.
Nous avons vu son étoile à
l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. Les mages
parlent de l’étoile du Christ comme d’un signe divin. S’il est juste de voir
dans l’Epiphanie une célébration de l’universalité du salut, ces mages ne sont
pas Juifs, cette universalité va bien au-delà d’une question de religion, donc
de la séparation entre Juifs et non-Juifs. Dans le mystère de l’Epiphanie
l’enfant de Bethléem accueille tous les hommes, qu’ils soient sages ou
ignorants, savants ou sans culture, riches comme les mages ou pauvres comme les
bergers.
La voyage des mages, hommes
savants et riches venus d’Orient, nous enseigne que Dieu parle à tous les
hommes en utilisant un langage qu’ils peuvent comprendre. Dieu parle à tous les
hommes en s’adaptant en quelque sorte à leur condition humaine concrète. Il
utilise donc l’étoile pour toucher le cœur des mages. Le Verbe de Dieu épouse
notre humanité, non pas en général, mais en descendant dans le concret et la
singularité de notre condition humaine telle qu’elle est vécue par chacun et
cela de manière unique. Les mages étaient passionnés et fascinés par
l’observation des phénomènes célestes et des astres. Dieu utilise en quelque
sorte leur passion pour les conduire à son Fils, donc au salut. Cela signifie
que nos passions humaines ne sont pas forcément négatives comme le laisse
entendre l’usage courant de ce mot. Elles ne sont pas forcément opposées à la
vie spirituelle de communion avec Dieu. Ce qui nous intéresse et nous motive
dans notre vie humaine, ce qui nous passionne, peut devenir un chemin vers
Dieu. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait,
jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait
l’enfant.
Nous pouvons donc nous demander
personnellement : Quelles sont mes passions et mes centres
d’intérêts ? Cette réflexion peut être importante du point de vue
spirituel pour nous aider à comprendre le langage que Dieu utilise pour nous
personnellement afin de nous conduire à la connaissance de son mystère et à la
révélation de son Fils. La Parole de Dieu ne se limite pas à la Bible. Tout
peut être Parole de Dieu : les astres, le cosmos, les sciences, l’art, la
musique, le sport etc. Tous ces vastes domaines de la culture dans lesquels le
génie créateur de l’homme s’exprime et témoigne de l’appel à la transcendance
inscrit au plus profond de notre cœur. Dans le mystère de l’incarnation Dieu ne
nous demande pas d’être des hommes et des femmes amputés de la richesse de nos
passions. L’histoire nous montre au contraire de nombreux exemples de grands
croyants qui étaient indissociablement philosophes, savants, artistes etc.
Notre foi en Jésus, Fils de Dieu, manifesté dans la chair, intègre et purifie
toute la richesse qui constitue notre humanité dans son génie créateur et dans
sa recherche de la vérité et de la sagesse. Notre foi ne nous appauvrit pas, ne
nous ampute pas, elle nous élève vers Dieu avec tout ce qui fait la beauté de
notre humanité dans son unité comme dans sa diversité. Notre appartenance au
Christ intensifie donc notre vie, ce qui explique qu’elle est source d’une joie
profonde, celle-là même que les mages ont éprouvée à Bethléem :
Quand ils virent l’étoile, ils se
réjouirent d’une très grande joie.
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