Passion de Jésus-Christ selon saint Jean
Hier,
lors de la commémoration de la dernière Cène du Seigneur, nous avons entendu
ces paroles de saint Jean : Jésus, sachant
que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il
s’en va vers Dieu…
Oui, le
Père a remis toute son autorité divine entre les mains de son Fils, Jésus, né
de la Vierge Marie dans le temps et l’histoire des hommes. C’est avec ses mains
que Jésus a lavé les pieds de ses disciples et institué le sacrement de
l’eucharistie. Ce sont ces mains de la Parole de Dieu faite chair qui sont
aujourd’hui attachées au bois du supplice et transpercées par les clous de la
croix. C’est par ses mains que pendant toute son existence ce jeune homme juif
n’a cessé de faire le bien, de bénir, de partager, de soulager et de guérir. En
méditant la Passion de Jésus, nous sommes confrontés au grand mystère de
l’ingratitude des hommes qui, bien souvent, sont capables de rendre le mal pour
le bien et de vénérer ce qui leur font du mal. Mystère de notre péché.
L’évangéliste
Jean dresse un portrait favorable de l’autorité romaine représentée par Pilate.
Davantage encore que dans les autres Evangiles, Pilate fait tout ce qui est en
son pouvoir pour éviter à Jésus la condamnation à mort. De la bouche du romain
et du païen Pilate sortent deux paroles solennelles de présentation du Christ à
la foule : Voici l’homme… Voici
votre roi… Ces paroles peuvent être l’objet d’une longue méditation
intérieure. Que peuvent-elles bien signifier ? Le Romain aurait-il
pressenti dans cet homme torturé, revêtu du manteau pourpre (vêtement réservé
au seul empereur de Rome), l’homme parfait, l’homme tel qu’il devrait
être ? Jésus, image parfaite de l’homme parce que parfaite image de
Dieu ? Voici l’homme… cette
affirmation prophétique de Pilate correspond peut-être à ce que Paul dira plus
tard de Jésus en voyant en lui le nouvel Adam, l’homme enfin libéré du péché et
du mal, l’homme saint et innocent, donc l’homme parfaitement libre. Voici votre roi… Formule ambiguë par
définition… Mais Jésus lui-même nous empêche de la comprendre de travers :
Ma royauté n’est pas de ce monde… Moi, je
suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité.
Si Pilate
est présenté sous un jour positif par Jean, ce n’est pas le cas, bien sûr,
de ceux qui demandent avec insistance la condamnation à mort de Jésus, en
particulier des grands prêtres et de leurs soutiens dans la foule. Les grands
prêtres avaient trouvé un compromis avec l’occupant romain qui leur laissait
leurs privilèges et leur liberté dans le domaine sacré du culte et du temple.
En échange ils collaboraient volontiers avec l’ordre romain. Ils avaient fort
peu apprécié l’intervention de Jésus dans le temple et sa décision d’en
expulser les marchands et les changeurs. La prédication de Jésus pouvait fort
bien ruiner le gain financier important obtenu grâce aux pèlerinages et aux
sacrifices effectués dans le temple et sous leur contrôle. Ce que Jésus avait
dit autrefois à la femme de Samarie avait de quoi les inquiéter : Femme, crois-moi : l’heure vient où vous
n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. En
plus de laisser entrevoir la fin du culte et des sacrifices dans le temple,
donc la fin du sacerdoce, Jésus avait prêché l’égalité spirituelle entre tous
les fils de Dieu, ce qui menaçait l’autorité religieuse des grands prêtres sur
le peuple : Pour vous, ne vous
faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour
vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom
de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous
faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul
maître, le Christ. Sans le vouloir, dans leur acharnement à vouloir se
débarrasser de Jésus, les grands prêtres ont accompli ce qu’ils redoutaient le
plus… C’est précisément en mourant sur la croix que Jésus devient en effet le
grand prêtre de la nouvelle alliance. Il abolit par son sang versé le culte
ancien et les sacrifices d’animaux offerts dans le temple. Malgré la
collaboration des grands prêtres avec les Romains, le temple sera détruit en 70
par Titus, ce qui aura pour conséquence la fin de leur sacerdoce et du culte selon
la loi de Moïse. Saint Paul, plus que tout autre, a parfaitement saisi la
révolution religieuse qui a commencé sur le Golgotha avec la crucifixion de
Jésus. Ecoutons ce qu’il écrit aux chrétiens d’Ephèse :
C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des
deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair
crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé
les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le
Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la
paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le
moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la
bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux
qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans
un seul Esprit, accès auprès du Père.
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