10/04/2022
Passion
selon saint Luc
Le Christ s’est anéanti, prenant la
condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son
aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort
de la croix. C’est avec ces mots que l’apôtre Paul médite le
mystère de la Passion du Christ. Nous pouvons être frappés par la sobriété avec
laquelle l’évangéliste saint Luc rapporte ces événements : il ne cherche
pas à dramatiser, il ne s’attarde pas à décrire avec force détails les
souffrances endurées par le Messie. A cette sobriété du récit correspond dans
notre cœur le silence face au grand mystère, silence qui est aussi celui de
Jésus : il parle très peu ou se tait, renonçant à vouloir se défendre. Silence
du vendredi saint. Au commencement de ce récit, Jésus lui-même donne par avance
la signification de ses souffrances et de sa mort :
Je suis au milieu de vous comme celui qui
sert… Il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté
avec les impies.
Paul, nous
l’avons entendu, parle d’anéantissement et d’abaissement. Oui,
dans sa Passion, Jésus est bien cet impie, ce maudit aux yeux de son peuple, et
ce serviteur bien-aimé aux yeux de Dieu. Anéantissement de celui qui accepte d’être
compté parmi les impies, Agneau de Dieu portant le péché du monde, excommunié
par les chefs religieux et exclu de son peuple. Tout cela en raison de l’amour
divin qui brûle dans son cœur et de la vérité du mystère de l’incarnation. Dès
lors il accepte, prenant la place des impies, c’est-à-dire des sans Loi (des
sans-Tora selon la traduction de Chouraqui), de souffrir dans son corps et dans
son âme le déchainement de la méchanceté des hommes, accablé de coups et
d’injures, de moqueries et de défis. Dans le récit de Luc, c’est un impie, un
païen, Pilate qui confesse à trois reprises son innocence, sans toutefois avoir
le courage de refuser sa condamnation à la mort de la croix. C’est encore un
impie, le centurion romain, qui reconnaît la sainteté du crucifié. C’est enfin
un malfaiteur, celui que nous avons appelé le bon larron, qui, avec Pilate,
confesse l’innocence de Jésus, le roi des Juifs.
De la
bouche du serviteur souffrant du Seigneur, du Fils de l’homme et du Fils de
Dieu, sortent trois paroles. Deux sont des prières adressées à son Père : Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce
qu’ils font… Père, entre tes mains je remets mon esprit. Dans un même mouvement le serviteur, ayant pris la
dernière place, intercède comme un grand prêtre pour les pécheurs que nous
sommes, et s’abandonne totalement, dans la confiance, entre les mains de son
Père. Entre ces deux paroles de prière, s’insère la parole solennelle qui
répond à la prière du malfaiteur : Amen,
je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Le rideau
du Temple se déchire, laissant le sanctuaire ouvert. Dieu n’est plus mis à
demeure dans un lieu unique. Le Père de Jésus est en effet le Créateur et le
Sauveur de tous, sa sainte présence est désormais offerte à tous les hommes de
tous les temps et de tous les lieux grâce à l’obéissance de son Fils. Avec la
parole de Jésus adressée au malfaiteur, c’est enfin le Ciel qui s’ouvre. Le
royaume que Jésus de Nazareth avait prêché en Galilée devient réalité au moment
de son offrande sur le bois de la croix. C’est ainsi que Jésus excommunié
canonise le premier saint de l’ère chrétienne. La force de son pardon ouvre le
Ciel à un malfaiteur. Nous ne connaissons pas son nom. Celui qui sera avec
Jésus dans la joie du Paradis nous représente tous et nous fait entrevoir notre
vocation divine, notre dignité de fils et de filles de Dieu appelés à la
sainteté.
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