Veillée
pascale 2022
Saint Luc
24, 1-12
Du
premier récit de la création dans le livre de la Genèse à l’annonce de la
résurrection dans l’Evangile selon saint Luc, tel est le parcours que la Parole
de Dieu nous invite à faire en cette sainte nuit de Pâques.
Dans un
premier temps méditons le magnifique poème de la création qui est tout entier
une célébration de la vie et de sa diversité merveilleuse et foisonnante. Les
prêtres qui ont composé avec soin ce poème lui ont donné comme cadre temporel
la semaine humaine. Le texte est en effet rythmé par un refrain : Il y eut un soir, il y eut un matin :
premier jour… et cela jusqu’au 6ème jour. Dieu créateur organise
le cosmos de manière progressive, ordonnée et hiérarchique. Il commence par
former le ciel et la terre, ce sont les deux premiers jours et ce que nous
pourrions appeler le stade minéral de la vie. Il poursuit son œuvre le 3ème
jour avec le règne végétal. Afin que ce règne puisse exister, il crée ensuite
le grand luminaire, le soleil, et le petit luminaire, la lune, le jour suivant.
D’un point de vue rationnel le récit est incohérent puisque, avant même la
création du soleil, Dieu sépare la lumière des ténèbres dès le premier jour… il
y eut un soir, il y eut un matin. Ce qui nous montre bien que la portée de ce
texte n’est pas d’ordre scientifique, mais bien spirituel. Avec le 5ème
jour la vie se complexifie encore, c’est l’apparition des premiers animaux,
donc du règne animal, avec les animaux qui habitent les eaux (poissons et
monstres marins) et ceux qui habitent le ciel (les oiseaux). Pour la première
fois dans le récit Dieu adresse la parole à ses créatures en les bénissant.
Signe de ce que le règne animal est particulièrement aimé du Créateur et objet
de sa providence comme le chante le psaume 103. Le dernier jour de l’acte
créateur fait apparaître les animaux terrestres, d’abord les bestiaux, ceux qui
vivront avec l’homme, et les bêtes sauvages qui conserveront leur indépendance,
puis enfin, au sommet de la création, un animal unique avec l’espèce
humaine, l’homme et la femme créés ensemble à l’image et à la ressemblance de
Dieu tout en étant de la même famille que les animaux terrestres. Porteurs de
la divinité et bénis par Dieu qui s’adresse à eux, ils sont appelés par le
créateur à être les maîtres de toute la création, des maîtres bons et
pacifiques à l’image du Père source de vie. A sept reprises Dieu déclare que sa
création est bonne, et même très bonne lorsqu’il achève son œuvre le 6ème
jour. Le message du poème pourrait se résumer de manière assez simple :
tout ce qui sort du Créateur est bon, toute vie est bonne, et l’homme et la
femme sont au service de la bonté de cette création, ayant une responsabilité
unique en son sein. Au chapitre premier de la Genèse la mort n’existe pas encore,
pas plus que le mal ni la violence. C’est une harmonie parfaite qui règne entre
toutes les créatures, une harmonie hiérarchisée puisque au sommet sont placés
l’homme et la femme, comme les lieutenants de Dieu sur terre. Telle a été la
volonté du Père, son projet hors de lui-même.
L’Evangile
de cette nuit de Pâques nous propulse dans la condition humaine telle que nous
la connaissons : la mort existe pour toutes les créatures, la violence
aussi. Cette violence dont Jésus de Nazareth a été la victime innocente sur la
croix. Ce n’est pas par hasard que notre Evangile se situe le premier jour
de la semaine, le lendemain du sabbat. Comment ne pas penser au premier
jour de la création par lequel à partir d’une terre informe et vide, le souffle de Dieu sépara la lumière des
ténèbres ? Le mystère pascal du Fils de Dieu est en effet une recréation,
une nouvelle création à partir de notre condition humaine mortelle et déchue,
chaotique. De la même manière que la terre primordiale était informe et vide, ou encore un chaos selon une autre traduction,
l’homme et la femme, privés de la grâce du Christ, étaient eux aussi informes et vides. Ils avaient perdu la
belle forme de l’innocence dans laquelle ils avaient été créés en tant
qu’images de Dieu. Déchus de leur condition première, ils étaient vides de la vie de la grâce, vides de la plénitude de vie divine, vides enfin en raison de la vanité de
leurs pensées et de la violence de leurs actes. Et l’on comprend que le poète
désabusé du livre de l’Ecclésiaste ait pu commencer son œuvre par ces
mots : Vanité des vanités disait
Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! Quel profit l’homme retire-t-il
de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va, une
génération s’en vient, et la terre subsiste toujours.
N’oublions
pas que le pèlerinage des trois femmes auprès du tombeau de Jésus est une
visite funéraire, dont le but est de compléter la toilette funéraire du
Seigneur effectuée à la va-vite en raison du sabbat qui approchait. Les femmes
portent avec elles les aromates pour achever la sépulture de celui qu’elles
aimaient d’un amour tendre et fidèle. Et voici que deux hommes mystérieux
viennent rompre par leur message la vanité, c’est-à-dire le vide existentiel,
de notre vie humaine coupée de la source de vie en raison de nos
péchés : Pourquoi cherchez-vous le
Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Et l’épitre
de Paul aux Romains se joint au témoignage des deux messagers : Ressuscité d’entre les morts, le Christ ne
meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui.
Le signe
du tombeau ouvert de Jésus crucifié est toujours un appel qui est fait à notre
foi. Voulons-nous réellement passer avec le Christ du chaos de la violence et
de la mort à la beauté de la vie divine ? Dans notre monde imparfait et
marqué par le péché, l’ouverture du tombeau est un passage vers le Royaume de
Dieu. Comme Pierre soyons tout étonnés, car c’est par l’étonnement que bien
souvent s’ouvre pour nous l’accès à la joie d’une vie nouvelle.
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