18/04/2021
Luc 24,
35-48
L’Evangile
de Pâques que nous venons d’écouter insiste sur la réalité de la résurrection
du Christ. Les onze apôtres croyaient voir un esprit et Jésus fait tout pour
leur montrer qu’il n’est pas un fantôme… Touchez-moi,
regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai.
Le geste le plus surprenant de sa part consiste à manger en leur présence
un morceau de poisson grillé… ce qui semble peu compatible avec la condition
d’un corps ressuscité et glorieux ! Cet Evangile est pour nous l’occasion
de réfléchir aux affirmations des professions de foi : Je crois à la résurrection de la chair,
pour le symbole des apôtres ; J’attends
la résurrection des morts, pour le symbole de Nicée. L’un des rares
éléments de doctrine que la Bible nous offre à propos de la résurrection des
morts (et de ce qu’est un corps glorieux) se trouve au chapitre 15 de la
première lettre de saint Paul aux Corinthiens. L’apôtre Paul établit un lien
indissoluble entre notre résurrection et celle du Christ, premier ressuscité.
Dans la dernière partie de son exposé, il tente de répondre à une question que
nous nous sommes probablement déjà posée en pensant à la vie bienheureuse dans
le Royaume :
Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec
quelle sorte de corps reviennent-ils ?
Et l’on
pourrait préciser cette question en disant par exemple : une personne qui
meurt jeune et l’autre très âgée, quel type de corps auront-elles au jour de la
résurrection ? Un corps de jeune ou un corps âgé… Ou encore une personne
qui meurt amputée de l’un de ses membres le retrouvera-t-elle à la
résurrection ? etc. Ou pour le dire autrement comment concevoir ce que
peut être un corps glorieux, un corps ressuscité ? Paul, à la suite de
Jésus, reprend l’image agricole de la semence : ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel. Souvenons-nous
de l’image employée par Jésus : Si
le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit. Dans sa
tentative d’élucidation du mystère, Paul utilise le parallèle entre Adam et le
Christ, nouvel Adam : Pétri
d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du
ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ;
comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous
aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à
l’image de celui qui vient du ciel. En parlant de corps céleste et de corps
spirituel, l’apôtre semble s’éloigner du réalisme de la résurrection de la
chair mis en avant dans l’Evangile de ce dimanche. Pour lui la résurrection est
une spiritualisation, une transfiguration, une glorification céleste de l’homme
terrestre, bref une divinisation. Et il ajoute de manière solennelle : Je le déclare, frères : la chair et le sang
sont incapables de recevoir en héritage le royaume de Dieu, et ce qui est
périssable ne reçoit pas en héritage ce qui est impérissable. Ce qui nous fait
penser à ces versets du prologue de l’Evangile selon saint Jean : À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir
devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du
sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de
Dieu. Nous constatons donc, en comparant l’Evangile de Luc et
l’enseignement de Paul, une tension dans la manière de présenter le mystère de
la résurrection des corps. Luc insiste pour dire que le Seigneur ressuscité
n’est pas un esprit et qu’il vit vraiment sa vie glorieuse dans un corps humain
tandis que Paul nous présente le corps glorieux des ressuscités comme un corps
spirituel. Autant dire que nous ne trouvons pas de réponse à la question que
Paul évoque dans sa première lettre aux Corinthiens : Avec quelle sorte de corps les morts reviennent-ils
? Si nous prenons les témoignages de Luc et de Paul avec leurs accents
différents, nous pouvons dire que la foi en la résurrection de la chair
implique en même temps une certaine
continuité avec notre corps terrestre… mais comment nous n’en savons rien… et une
nouveauté inouïe, celle du corps glorieux… Pour conclure cette invitation à la
méditation sur le mystère de notre propre résurrection, écoutons Maurice
Zundel :
Les disciples regardent avec une stupeur
mêlée de joie et d’hésitation ce Maître qui peut encore faire les gestes de
l’homme voyageur (manger, par exemple), mais qui, manifestement n’a plus besoin
de les faire ; qui apparaît à qui il veut, quand il veut et comme il veut
– ce Maître qui passe au milieu d’eux – qui est comme ici, et qui est déjà au-delà.
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