Jean 1, 1-18
L’Evangile
du jour de Noël a une tonalité bien différente du récit de saint Luc que la
liturgie nous propose pour la messe de la nuit. Ici plus de nouveau-né couché
dans une mangeoire de Bethléem, mais la contemplation du Verbe éternel de Dieu.
Le prologue de l’Evangile selon saint Jean est à la fois un texte magnifique et
grandiose. Jean mérite ici pleinement son surnom de théologien. Le mot grec Logos est traduit par Verbe. Le Verbe,
c’est la Parole de Dieu. Mais le logos signifie aussi la raison, la qualité de
ce qui est selon la raison. Jean, dans son prologue, fait en quelque sorte un
clin d’œil en direction de la page qui ouvre toutes les Ecritures. AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe
était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Comment ne pas penser au
commencement même de la révélation biblique ? AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre. Justement le texte
de Genèse 1 nous dit que Dieu crée toutes choses par sa Parole, par son
Logos : Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu donne
existence à tout ce qui est par sa Parole qui est Raison, c’est-à-dire l’exact
contraire du chaos initial décrit lui aussi par la Genèse : La terre était informe et vide, les ténèbres
étaient au-dessus de l’abîme. La Raison divine, celle du Logos, celle du
Fils, n’a rien à voir avec une froide abstraction philosophique. Cette raison
est pleine de grâce et de vérité. C’est
une raison inséparable de l’amour, car toujours selon saint Jean Dieu est amour. C’est sur ce fond du
projet créateur de Dieu que l’incarnation du Verbe nous est présentée. Dans la
traduction de Chouraqui cela donne : Le
Logos est devenu chair. Il a planté sa tente parmi nous. Cette traduction a
l’avantage de situer Noël dans la continuité de la présence de Dieu au milieu
de son peuple, sous la tente et sous la figure de l’arche d’alliance, pendant
sa longue marche dans le désert. Le mystère de l’incarnation unit en Jésus ce
que les philosophes ont eu tendance à séparer, voire à opposer : l’Esprit
et la chair, la Raison et le sensible. Jésus, homme parfait, unit en lui toutes
les dimensions de notre être, le corps et l’âme, la sensibilité et la raison.
Avant le verset du prologue que je viens de citer, Jean affirme la présence du
Verbe dans sa création : Le Verbe
était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il
était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le
monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.
Le credo de Nicée en utilisant une image spatiale pour parler de
l’incarnation pourrait nous conduire dans une fausse compréhension de ce grand
mystère : Pour nous les hommes, et
pour notre salut, il descendit du ciel. Par l’Esprit Saint, il a pris chair de
la Vierge Marie, et s’est fait homme. Le prêtre suisse Maurice Zundel, mort
en 1975, nous aide à ne pas comprendre Noël comme une descente sur terre d’un
Dieu qui jusque-là aurait été absent : Il
n’est pas question d’imaginer que Dieu soit descendu du Ciel parce que le Ciel,
c’est lui-même et que ce Ciel, nous devons le découvrir au plus intime de
nous-mêmes. Ce que le mystère de Noël nous permet, parce que Dieu en son
Fils se fait notre frère, c’est bien de le recevoir, de reconnaître enfin sa
présence au milieu de nous. Pour le dire autrement le changement n’est pas du
côté de Dieu, mais de notre côté. Zundel écrit : L’incarnation consistera à rendre l’homme présent à Dieu, ce qu’exprime
le symbole de saint Athanase qui nous parle de l’assomption de l’humanité à
Dieu. L’incarnation rend visible la présence de Dieu aux yeux de la
foi : Dieu, personne ne l’a jamais
vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est
lui qui l’a fait connaître. Depuis Noël nous savons que le chemin qui
conduit à l’union avec Dieu passe par l’homme, par l’homme parfait qu’est
Jésus, le nouvel Adam, et par tout homme, tous les hommes nos frères, que nous
sommes appelés à aimer. Chaque fois que nous progressons sur ce chemin de
l’amour nous devenons peu à peu le Ciel, ce Ciel que nous devons découvrir au
plus intime de nous-mêmes par la grâce du Christ. Dans sa première lettre saint
Jean complète le prologue de son Evangile en nous indiquant comment le mystère
de l’incarnation nous sauve et finalement nous transforme intérieurement :
Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si
nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son
amour atteint la perfection.
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