Le Christ Roi de l’univers / B
22/11/09
Jean 18, 33-37 (p. 1037)
Alors qu’en cette fin d’année liturgique nous fêtons le Christ Roi de l’univers, il est bon de réentendre le contenu de la première prédication du Seigneur : « Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » La Bonne Nouvelle que Jésus annonce c’est donc la proximité du Règne de Dieu. Il est le serviteur, l’évangéliste de ce Règne. Non seulement ce Royaume est tout proche, mais il est même au milieu de nous. Avec la venue de Jésus, le Royaume nous est déjà donné, rendu présent dans la communauté des disciples. Dans le contexte juif de l’attente du Messie, ce Royaume a cependant un sens ambigu. D’où la magnifique réponse du Seigneur au représentant du pouvoir politique romain : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. » Alors que Jésus est sur le point de donner sa vie, il affirme avec insistance l’origine divine, le caractère surnaturel de sa royauté. Et en un autre passage des Evangiles, le Seigneur, lui qui est Roi de par sa nature divine et de par sa mission de Sauveur, n’hésite pas à dire : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Je me permets de citer ici un peu longuement un texte du Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise : « Jésus refuse le pouvoir oppresseur et despotique des chefs sur les Nations et leur prétention de se faire appeler bienfaiteurs, mais il ne conteste jamais directement les autorités de son temps. Dans la diatribe sur l'impôt à payer à César, il affirme qu'il faut donner à Dieu ce qui est à Dieu, en condamnant implicitement toute tentative de divinisation et d'absolutisation du pouvoir temporel: seul Dieu peut tout exiger de l'homme. En même temps, le pouvoir temporel a droit à ce qui lui est dû: Jésus ne considère pas l'impôt à César comme injuste. Jésus, le Messie promis, a combattu et a vaincu la tentation d'un messianisme politique, caractérisé par la domination sur les Nations. Il est le Fils de l'homme venu « pour servir et donner sa vie ». À ses disciples qui débattent sur qui est le plus grand, le Seigneur enseigne à devenir les derniers et à se faire les serviteurs de tous, en indiquant à Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui ambitionnent de s'asseoir à sa droite, le chemin de la croix. » (n°379)
En proclamant le Christ Roi de l’Univers, l’Eglise n’entend donc pas exercer une domination sur la société civile et politique. Il s’agit encore moins de rêver à une alliance du sabre et du goupillon, comme elle a pu exister autrefois en période de chrétienté. Ici encore le Compendium de la Doctrine sociale nous aide à y voir plus clair : « L'Église ne se confond pas avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique. La communauté politique et l'Église, chacune dans son propre domaine, sont en effet indépendantes et autonomes l'une de l'autre et sont toutes deux, bien qu'à des titres divers, « au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes ». Il est même possible d'affirmer que la distinction entre religion et politique et le principe de la liberté religieuse constituent une acquisition spécifique du christianisme, d'une grande importance sur le plan historique et culturel. » (n°50) Le Royaume que Jésus vient instaurer est de l’ordre du salut, il est essentiellement spirituel et surnaturel. « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » La mission de l’Eglise ne peut donc se situer que dans la fidélité à celle de son divin fondateur : elle est la servante de la vérité apportée par Jésus sur l’homme, la société et le monde. Promouvoir le Royaume de Dieu dans notre monde, c’est donc toujours témoigner de la vérité. La préface de cette messe, que nous entendrons dans un moment, nous enseigne que ce Règne du Christ ne sera parfaitement établi qu’avec la fin de notre monde tel que nous le connaissons. Le Christ Roi régnera en plénitude lors de son second avènement, lors de son retour dans la gloire à la fin des temps. Ecoutons à nouveau le Compendium de la Doctrine sociale : « À l'identité et à la mission de l'Église dans le monde, selon le projet de Dieu réalisé dans le Christ, correspond « une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir ». C'est précisément pour cela que l'Église offre une contribution originale et irremplaçable, avec une sollicitude qui la pousse à rendre plus humaine la famille des hommes et son histoire et à se poser comme rempart contre toute tentation totalitaire, en montrant à l'homme sa vocation intégrale et définitive. Par la prédication de l'Évangile, la grâce des sacrements et l'expérience de la communion fraternelle, l'Église guérit et élève « la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d'une signification plus haute ». Sur le plan des dynamiques historiques concrètes, l'avènement du Royaume de Dieu ne se laisse donc pas saisir dans la perspective d'une organisation sociale, économique et politique définie et définitive. Il est plutôt manifesté par le développement d'une socialité humaine, qui est pour les hommes ferment d'une réalisation intégrale, de justice et de solidarité dans l'ouverture au Transcendant comme terme de référence pour leur réalisation personnelle et définitive. » (n°51) C’est en 1925 que le pape Pie XI institua la fête du Christ Roi. Il le fit pour lutter contre le laïcisme grandissant qui voulait réduire la religion catholique uniquement à la sphère privée de la conscience croyante. Le Règne du Christ est essentiellement spirituel et c’est pour cette raison qu’il doit avoir des conséquences concrètes dans les sociétés humaines et leur organisation politique. Une spiritualité qui serait incapable de changer le monde et ses structures de péché ne serait pas chrétienne. Le laïcisme tente bien souvent d’étouffer dans notre pays la voix de l’Eglise. Fêter le Christ Roi, c’est donc s’engager à être missionnaires, tout particulièrement dans le sens défini par la Doctrine sociale de l’Eglise : « Par son enseignement social, l'Église entend annoncer et actualiser l'Évangile au cœur du réseau complexe des relations sociales. Il ne s'agit pas simplement d'atteindre l'homme dans la société, l'homme en tant que destinataire de l'annonce évangélique, mais de féconder et de fermenter la société même par l'Évangile. » (n°62)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire