jeudi 25 décembre 2025

NOEL 2025 / MESSE DU JOUR

 Jean 1, 1-18

Hier dans la messe de la nuit de Noël le verset de l’Evangile de Luc a de nouveau résonné dans nos cœurs :

Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.

Aujourd’hui dans la messe du jour Jean proclame :

Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

Le contraste est saisissant entre d’une part la simplicité de Luc et d’autre part la vision grandiose de Jean. D’un côté un enfant emmailloté et couché dans une mangeoire, de l’autre le Verbe éternel qui se fait chair et habite parmi nous. Et pourtant Luc et Jean nous parlent bien du même mystère, celui de l’incarnation. Le bébé de la crèche c’est le Verbe de Dieu fait chair. En effet les deux évangélistes nous disent la même chose : Dieu abolit la distance entre lui et ses créatures, Dieu désire une communion parfaite avec l’homme, et cela uniquement par surabondance d’amour. Dieu veut pour chacun d’entre nous la possibilité de vivre en communion avec lui et de connaître enfin la véritable joie, la véritable paix. Pourquoi à Bethléem et sous le règne d’Auguste ? Pourquoi pas à un autre moment de notre histoire humaine ? Seul le Père connaît le pourquoi de cette divine décision qui divise notre histoire entre un temps avant et un temps après Noël. Saint Jean dans son magnifique prologue insiste sur la différence entre l’Ancienne Alliance et la Nouvelle, celle qui commence précisément avec l’incarnation : La Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. L’ère chrétienne est celle de la grâce et de la vérité. Avec le don du Messie la Loi de Dieu se fait intérieure à chacun de nous puisque Jésus, Fils de Dieu, est notre frère en humanité. Dans le Christ c’est l’amour miséricordieux et lui seul qui caractérise notre relation avec Dieu. Jean nous montre aussi que le mystère de l’incarnation ne supprime pas, bien au contraire, la liberté humaine, donc la nécessité de notre part de coopérer activement à la grâce de Dieu à l’exemple de Marie et de Joseph. Le mystère de l’incarnation ne supprime pas le drame de notre possible refus : Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Saint Luc dit à sa manière la même chose : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Chaque fois que nous célébrons Noël nous sommes amenés à nous poser à nouveau cette question : Y a-t-il de la place en moi pour accueillir Jésus aujourd’hui ? Jean nous parle aussi de ceux qui accueillent le mystère avec joie et gratitude : à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. En nous parlant de notre nouvelle naissance dans l’Esprit Jean nous fait comprendre le rapport entre ce qui est chair et ce qui est esprit. Dans l’incarnation la chair est honorée, elle est même divinisée puisque le Verbe s’est fait chair. En même temps la chair n’est rien sans l’esprit. Et Dieu est Esprit. Voilà pourquoi Jean nous dit que le chrétien n’est pas le fruit d’une volonté humaine mais le fruit du don de l’Esprit qui seul est capable de nous faire accéder à une relation renouvelée avec Dieu. Noël unit dans la personne du Verbe fait chair, dans l’enfant de la crèche, la chair et l’esprit. Le chrétien authentique est indissociablement terrestre et céleste. Il ne renie jamais son humanité avec ses fragilités et ses faiblesses puisqu’elle est le lieu de sa rencontre avec Dieu, le lieu de son salut. Il n’oublie jamais que sans l’Esprit de Dieu il ne peut pas devenir pleinement homme. C’est en effet dans le Verbe fait chair que nous est offerte la grâce d’accomplir notre vocation humaine. Le mystère de l’incarnation a pour but non seulement de nous diviniser mais aussi de nous humaniser. Car en nous délivrant de l’esclavage du mal et du péché, il nous rend pleinement humains. Nous comprenons à quel point depuis Noël il est impossible de séparer Dieu de l’homme et l’homme de Dieu.

Enfin Dieu qui est Esprit, incorporel et invisible, insaisissable pour notre pensée, se donne en quelque sorte à voir dans le Verbe fait chair : Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. Cette connaissance-vision de Dieu implique de notre part la foi : Il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu à ceux qui croient en son nom. Dans l’Evangile de Jean nous trouvons un dialogue significatif entre Philippe et Jésus : Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? En l’an de grâce 2025, contrairement à Philippe, nous ne pouvons pas voir Jésus comme lui le voyait. Depuis l’Ascension le Verbe de Dieu fait chair n’est plus visible. Il demeure toujours notre frère, avec nous, au milieu de nous. L’Ascension n’annule pas l’Incarnation. Il s’agit pour nous de le reconnaître avec les yeux de la foi et de l’amour non seulement dans la grâce des sacrements, dans l’amitié du cœur à cœur de la prière, dans la vie de l’Eglise mais aussi dans tout homme que nous rencontrons, en particulier dans ceux qui parmi nous sont les plus petits et les plus pauvres, ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Noël nous redit avec force le réalisme de notre religion qui implique toujours un engagement charnel pour transformer le réel et en faire la matière du Royaume de Dieu. Ce n’est pas sans raison que Jésus dit à Nicodème qu’il s’agit pour ses disciples de « faire la vérité » :

Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.

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