jeudi 25 décembre 2025

NOEL 2025 / MESSE DE LA NUIT

Luc 2, 1-14

Le récit de l’évangéliste Luc qui nous raconte la naissance de Jésus à Bethléem est très simple. L’essentiel est dit dans le verset 7 du chapitre 2 : Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Et ce verset est répété au verset 12 dans le message de l’ange adressé aux bergers : Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Le grand mystère de l’incarnation est résumé en très peu de mots, et des mots très simples. Cette simplicité du récit nous parle de l’humilité, de la petitesse, de la pauvreté de Dieu qui s’unit à notre nature humaine. Le grand signe de cette union entre Dieu et l’homme, c’est cet enfant nommé Jésus qui vient de naître dans une mangeoire destinée à nourrir les animaux de l’étable. Le lieu de la naissance du Messie est un lieu humble et pauvre parce qu’il n’y avait pas de place pour Marie et Joseph dans la salle commune. Dieu est non seulement venu à nous dans la pauvreté de la naissance de son Fils mais aussi parce que cet enfant, dès sa naissance, est en quelque sorte rejeté en dehors de la salle commune, une manière de dire qu’il n’est pas accueilli dans la société des hommes dont il est pourtant le Sauveur.

Dans le mot « incarnation » que l’Eglise utilise pour nous parler du mystère de Noël nous entendons le mot « chair ». C’est ce que saint Jean exprimera dans le prologue de son Evangile dans un style très différent de celui de Luc : Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. Dieu est Esprit. Cela signifie qu’Il n’a pas comme nous un corps, et que par conséquent il est invisible. Il dépasse infiniment les conditions qui sont celles de notre expérience humaine : l’espace et le temps. La vie de Dieu en tant qu’Esprit est radicalement différente de notre vie qui s’inscrit toujours dans un lieu déterminé et dans un temps limité, borné entre le jour de notre naissance et celui de notre mort. C’est ce Dieu Esprit, nous dit la Bible dans ses premières pages, qui est à l’origine de tout le monde créé, donc de toutes les créatures corporelles ainsi que du monde physique. A Noël Dieu-Esprit épouse la condition humaine, il fait sienne notre chair, Il prend en quelque sorte corps en naissant de Marie dans l’enfant de la crèche. Le mystère de l’incarnation réalise en un lieu donné (Bethléem) et en un moment précis de notre histoire (le règne d’Auguste) la merveilleuse union de l’Esprit et de la chair, de l’esprit et du corps. Avant la naissance de Jésus il était possible pour les hommes de vivre une certaine forme de communion avec Dieu Père et Créateur. A partir de Noël cette communion est réalisée de manière parfaite et définitive dans l’enfant qui vient de naître. Cet enfant nous ouvre le chemin d’une nouvelle relation avec Dieu.

Il est éclairant pour nous de mettre en relation l’incarnation avec la création, Jésus enfant avec Adam, le premier homme. D’après les récits de la création dans le livre de la Genèse Dieu crée l’homme et la femme adultes. Adam et Eve n’ont pas d’enfance. Ils sortent en quelque sorte directement de Dieu qui est en même temps leur père et leur mère. Dans le mystère de l’incarnation le Sauveur ne se manifeste pas dans notre humanité directement comme un adulte « tombé du ciel ». Étant véritablement notre frère en humanité, il vit notre condition humaine intégralement de la naissance à la mort. Noël est bien le commencement humble et fragile de la vie du Fils de Dieu parmi nous. En vérité nous sommes bien plus proches de Jésus que d’Adam, car tous nous sommes nés d’une mère et d’un père, tous nous avons connu l’enfance avant de devenir adultes. Dans le mystère de l’incarnation Dieu prend son temps, il entre dans le temps progressif de notre histoire humaine qui du bébé nous conduit au terme de notre vie terrestre en passant par la longue maturation de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge adulte. Si la Bible prête à Adam une durée de vie de 930 ans, l’enfant qui vient de naître dans la crèche mourra jeune et de façon violente. Adam ignore l’enfance mais vit très vieux, alors que le Christ connaît l’enfance et meurt avant de faire l’expérience de la vieillesse. L’incarnation que nous célébrons dans le mystère de Noël nous révèle ainsi l’éternelle jeunesse de Dieu qui ne craint pas d’être enfant, faible, dépendant et sans parole, pour nous ouvrir le chemin du salut. Ainsi Dieu est pour chacun de nous un commencement, une possibilité de renaître chaque jour, quel que soit notre âge… C’est la nouvelle naissance de chaque chrétien dans le baptême, la foi, l’espérance et la charité. C’est de l’intérieur et profondément que notre nature humaine est renouvelée, rajeunie par la manifestation du Fils de Dieu dans notre chair. L’hiver de Noël est en fait le printemps de notre vie.

En nous, marqués par le péché des origines et nos propres péchés, l’esprit et la chair ont tendance à se faire la guerre. Noël nous offre enfin la réconciliation de ce qui constitue la beauté et la fragile grandeur de notre nature humaine, l’union dans une personne unique de l’esprit et du corps. Le mystère de l’incarnation unifie ce que nous avons tendance à opposer ou encore à séparer : non seulement le corps et l’esprit mais aussi l’homme et Dieu. Le mystère de Noël révèle l’union en Dieu de ce que nous sommes tentés de considérer comme des réalités incompatibles : sa justice et sa miséricorde. Noël, c’est la belle et simple manifestation de l’Amour divin qui aime à pardonner et à réconcilier, de l’Amour qui recherche toujours la communion avec nous. Nous comprenons ainsi la signification profonde du chant des anges : Oui, gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ! Car désormais la gloire de Dieu et le salut des hommes sont inséparables parce qu’en Jésus Dieu et l’homme sont unis d’une manière unique et indestructible. C’est ce qui faisait dire à saint Irénée de Lyon en une magnifique formule dont il avait l’art :

La gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme c'est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procure la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu.


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