Si le Nouveau Testament nous parle de l’Ascension de Jésus, rien de tel pour l’Assomption de sa mère, Marie. Ce point de notre foi est le fruit d’une réflexion de la tradition théologique. L’Evangile de l’Assomption est donc celui de la Visitation. Il est alors intéressant de se demander pour quelle raison l’Eglise a choisi cet épisode de la vie de Marie pour nous introduire au mystère de son Assomption. La note dominante du récit de la Visitation est bien la joie. Joie de Jean dans le sein de sa mère Elisabeth, joie d’Elisabeth et enfin joie de Marie :
Lorsque tes paroles de salutation
sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
D’où me vient ce bonheur que la
mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Mon âme exalte le Seigneur, exulte
mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
La joie dont Marie est comblée et
qu’elle répand autour d’elle lui vient de sa maternité et du fait qu’elle est
pleine de grâce. Jésus, avant même sa naissance, agit dans le sein de sa mère
et l’Esprit Saint préside à la rencontre de la Visitation. Au terme de sa vie
terrestre Marie, dans le mystère de son Assomption, est parfaitement établie
dans la joie de Dieu. La joie annoncée et goûtée au moment de la Visitation
s’accomplit alors pour toujours dans son être tout entier, corps et âme, dans
la béatitude du Royaume. Le magnifique chant du Magnificat qui concentre en lui
les trésors de la spiritualité d’Israël est un chant que Marie peut reprendre
dans sa Pâque, lorsqu’elle est parfaitement et définitivement assumée par la
puissance de l’amour de Dieu Sauveur. De ce point de vue le Magnificat n’est
pas seulement une expression de la joie et de l’espérance du croyant en
pèlerinage sur cette terre, il est aussi le chant de l’aboutissement de ce pèlerinage
qui est la joie même de Dieu répandue avec surabondance dans le cœur des saints
et des saintes. Oui, Marie, désormais tous les âges te diront bienheureuse
car tu participes la première à la gloire de la résurrection de ton Fils. Dans
la traduction de Le Maistre de Sacy Marie commence ainsi son Magnificat :
« Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon
Sauveur ». L’Assomption accomplit ce ravissement de Marie en Dieu et par
Dieu. Les paroles de Marie dans le Magnificat semblent être une prophétie du
Royaume et de la fin des temps, un désir, une espérance davantage qu’une
réalité : Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il
renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de
biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Notre expérience humaine semble
démentir ces paroles de Marie. Les puissants restent sur leur trône et font
sentir leur pouvoir en opprimant les humbles, même s’il leur arrive d’être
renversés ou tout simplement de mourir. Les riches sont toujours plus riches
tandis que la pauvreté est de plus en plus visible, pas seulement ailleurs mais
aussi dans notre pays. Bref notre monde est douloureusement marqué par
l’injustice et le mal, souffrant de l’arrogance des superbes qui se croient
tout permis et se placent au-dessus des lois. Dans certains cas particuliers
les paroles de Marie se vérifient, mais l’ordre général du monde demeure à
l’opposé de l’esprit du Magnificat. La joie de Marie dans le mystère de son
Assomption, c’est l’anticipation du règne de la justice de Dieu, du règne de la
sainteté. Elle sait que les paroles qu’elle a prononcées sous l’inspiration de
l’Esprit, alors qu’elle était une jeune fille de Nazareth, connue de Dieu seul,
et portant en elle le Fils bien-aimé du Père, elle sait que ces paroles
s’accompliront dans le Royaume. La joie de Marie en son Assomption est bien
celle de l’accomplissement du Royaume, donc du projet de Dieu pour toute sa
création. Le récit de la Visitation nous donne les deux clés qui nous
permettent d’entrer déjà, à l’exemple de Marie, dans la joie de Dieu, dans
l’attente de l’accomplissement du Royaume : la foi et l’humilité.
Heureuse celle qui a cru à
l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.
Il s’est penché sur son humble
servante.
L’humble et petite Marie a eu une
première joie, celle de l’accomplissement du message de Gabriel au moment de
l’Annonciation. Au terme de sa vie terrestre elle perçoit dans une joie
infiniment plus intense l’accomplissement du salut de Dieu par Celui qu’elle a
mis au monde et contemplé, douloureuse, au pied de la croix, communiant
maintenant à sa vie de Ressuscité :
Alors, tout sera achevé, quand le
Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi
les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car
c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous
ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort.
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