3/08/2025
Luc 12, 13-21
Gardez-vous bien de toute
avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce
qu’il possède.
Dans l’Evangile de ce dimanche le
Seigneur nous met en garde contre une tentation qui habite le cœur de tout
homme, celle qui consiste à accumuler sans aucune limite les richesses et les
biens matériels. L’avidité va très souvent de pair avec le péché capital de
l’avarice. On se souvient peut-être d’une déclaration d’un ministre de l’économie
qui, en 2015, incitait les jeunes à devenir milliardaires… « Il faut des
jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Cela en dit
long sur sa vision de la jeunesse, du bonheur et de la réussite. La très grande
majorité des jeunes français n’a aucune envie de devenir milliardaire. Ils
veulent juste vivre heureux et épanouis dans leur travail et dans leur vie
affective et relationnelle. Ce qu’ils désirent, c’est une vie digne, une vie
qui vaille le coup d’être vécue. Le ministre projetait alors son manque d’idéal
personnel sur la jeunesse… Dans le livre de Qohélet dont nous avons entendu un
passage dans la première lecture le sage nous décrit bien le mécanisme de
l’avidité, un mécanisme qui rend malheureux celui qui en est prisonnier :
Voici un homme seul, sans
personne, ni frère ni fils, qui travaille à n’en plus finir, toujours avide de
plus de richesses. Il ne se demande pas : « Mais pour qui travailler ainsi en
me privant de bonheur ? » C’est encore de la vanité, une besogne de malheur.
[…] Qui aime l’argent n’a jamais assez d’argent, et qui aime l’abondance ne
récolte rien. Cela aussi n’est que vanité. Plus il y a de richesses, plus il y
a de profiteurs. Que va en retirer celui qui les possède, sinon un spectacle
pour ses yeux ? Le travailleur dormira en paix, qu’il ait peu ou beaucoup à
manger, alors que, rassasié, le riche ne parvient pas à dormir.
La petite histoire que nous
raconte Jésus illustre bien tous les soucis et les tracas de celui qui est trop
riche, qui vit dans la surabondance : Il se demandait : “Que vais-je
faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.” Cet homme a déjà
tout le nécessaire et même davantage pour « jouir de l’existence »,
mais il n’en jouit même pas, tout préoccupé qu’il est de construire de nouveaux
entrepôts pour pouvoir accumuler ses trop grandes richesses. Il parle au futur
mais le présent le rattrape avec sa propre mort. Derrière l’avidité il y a la
conviction que l’argent nous donne le pouvoir et la maitrise sur toutes choses.
Il y a la divinisation de l’argent qui prend la place de Dieu. Or, nous
prévient Jésus, la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de
ce qu’il possède. Et puis peut-on se contenter d’avoir comme idéal de
« jouir de l’existence » ? Il est bon de savoir profiter des
bons moments que la vie nous offre, ils sont rares et précieux. Mais il peut y
avoir le danger de ne vivre que pour soi, la tentation de l’égoïsme qui va
souvent de pair avec l’avidité. Une autre histoire aurait pu être celle de
l’homme riche de la parabole. Se contenter de ses greniers déjà bien remplis,
et au lieu d’en construire de plus grands, il aurait pu donner le surplus de
ses richesses aux pauvres et aux nécessiteux. Et la phrase du ministre aurait
pu être la suivante : « Il faut des jeunes Français qui aient envie d’être
généreux et de partager leurs talents, leurs dons et leurs biens avec les
autres ». Dans son homélie sur cet Evangile saint Basile de Césarée
s’adresse ainsi à l’homme riche en pointant du doigt son avarice :
« Tu ne connais qu’une parole : Je n’ai rien, je ne donnerai rien,
car je suis pauvre. Oui, tu es pauvre, tu ne possèdes aucun bien : tu es
pauvre d’amour, pauvre de bonté, pauvre de foi en Dieu, pauvre d’espérance
éternelle ». Tel est le malheur de celui qui amasse pour lui-même, au
lieu d’être riche en vue de Dieu. Dans cette perspective nous comprenons
mieux l’appel de Paul dans la deuxième lecture : Si donc vous êtes
ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est
le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à
celles de la terre. Ici aucun mépris de notre vie terrestre et de ses
exigences. Il s’agit seulement de mettre chaque chose à sa juste place. Il
s’agit de résister par notre orientation croyante vers les réalités d’en haut à
la tyrannie de l’avidité et de l’avarice qui appauvrissent l’horizon de notre
vie humaine et nous rendent malheureux. Le psaume de ce dimanche nous fait
faire cette belle prière :
Apprends-nous la vraie mesure de
nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse.
L’oraison de la messe de dimanche
dernier nous indique parfaitement dans quel esprit nous pouvons recevoir
l’enseignement de Jésus sur la richesse. Il s’agit bien pour nous, en nous
laissant conduire par Dieu, de faire un bon usage des biens qui passent
et de nous attacher à ceux qui demeurent. Seuls ces derniers ne sont pas
marqués par la vanité des biens qui passent.
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