Desiderio desideravi, lettre apostolique du pape François (2)
4/12/2022
En ce
deuxième dimanche de l’Avent je poursuis la présentation de la lettre du pape
François sur la formation liturgique du peuple de Dieu à partir des chapitres
6, 7 et 8 :
6.
Redécouvrir à chaque jour la beauté de la vérité de la célébration chrétienne. 7.
L’émerveillement devant le mystère pascal : élément essentiel de l’acte
liturgique. 8. La nécessité d’une formation liturgique sérieuse et vitale.
Tout
d’abord je citerai la définition que le pape donne de la liturgie au
n°21 : La liturgie est
le sacerdoce du
Christ révélé et donné dans son mystère pascal,
rendu présent et actif aujourd’hui par des signes sensibles (eau, huile, pain,
vin, gestes, paroles) afin que l’Esprit, en nous plongeant dans le mystère pascal,
transforme toute notre vie, nous conformant toujours plus au Christ. La
célébration liturgique n’est pas un moment séparé du reste de notre vie. En
nous faisant participer au mystère pascal du Christ elle a la capacité de
transformer notre vie et notre personne. Ce que nous vivons le dimanche ne
s’arrête donc pas à la sortie de la messe. Ou pour le dire autrement nous ne
sommes pas chrétiens une heure par semaine et athées, indifférents ou païens le
reste du temps. En insistant sur l’émerveillement du chrétien devant le mystère
pascal, le pape le distingue du « sens du mystère ». Il fait allusion
à l’accusation faite à la réforme liturgique d’avoir supprimé de la célébration
ce sens du mystère. Voici comment il répond à cette accusation au n°25 : L’émerveillement dont je parle n’est
pas une sorte de désarroi devant une réalité obscure ou un rite énigmatique,
mais c’est, au contraire, l’émerveillement devant le fait que le dessein
salvifique de Dieu nous a été révélé dans la Pâque de Jésus (cf. Ep 1, 3-14)
dont l’efficacité continue à nous atteindre dans la célébration des « mystères
», c’est-à-dire des sacrements. Il n’en reste pas moins vrai que la plénitude
de la révélation a, par rapport à notre finitude humaine, une abondance qui
nous transcende et qui aura son accomplissement à la fin des temps, lorsque le
Seigneur reviendra. Si l’émerveillement est vrai, il n’y a aucun risque que
nous ne percevions pas, même dans la proximité voulue par l’Incarnation,
l’altérité de la présence de Dieu. Si la réforme avait éliminé ce vague « sens
du mystère »,
ce serait une note de mérite plutôt qu’un acte d’accusation. La beauté, tout
comme la vérité, suscite toujours l’admiration et lorsqu’elle est rapportée au mystère de
Dieu, elle conduit à l’adoration.
Au chapitre 8 de sa
lettre le pape traite de la formation liturgique du peuple de Dieu en
distinguant la formation pour la
liturgie de la formation par la
liturgie : La première est
fonctionnelle par rapport à la seconde qui est essentielle (n°34). Cela
signifie que la formation liturgique n’est pas d’abord une affaire de
connaissance, une étude sur la liturgie, mais surtout une affaire d’expérience
spirituelle. Il est bon de se former pour mieux comprendre la signification
théologique de la liturgie, mais il est encore meilleur de se laisser former
par la liturgie elle-même en la vivant avec intensité. Concernant le premier
aspect le pape écrit : Il est
nécessaire de trouver les canaux d’une formation à l’étude de la liturgie. Dans
cette formation les prêtres ont une responsabilité particulière au sein même de
la célébration dominicale de l’eucharistie : Les ministres ordonnés accomplissent une action pastorale de
première importance lorsqu’ils prennent les fidèles baptisés par la main pour
les conduire dans l’expérience répétée de la Pâque. Rappelons-nous toujours que
c’est l’Église, le Corps du Christ, qui est le sujet célébrant et non pas
seulement le prêtre.
Le plus important
réside dans le second aspect de la formation liturgique résumé de la manière
suivante par le pape : Nous sommes
formés, chacun selon sa vocation, à partir de la participation à la célébration
liturgique (40)… La connaissance du mystère du Christ, question décisive pour
notre vie, ne consiste pas en une assimilation mentale d’une idée quelconque,
mais en un engagement existentiel réel avec sa personne (41). C’est à ce
moment de sa réflexion que le pape revient sur le lien essentiel entre la
liturgie et le mystère de l’incarnation : Cet
engagement existentiel se produit – en continuité et en cohérence avec la
méthode de l’Incarnation – de manière sacramentelle. La liturgie se fait avec des choses qui sont l’exact opposé des
abstractions spirituelles : le pain, le vin, l’huile, l’eau, les parfums, le
feu, les cendres, la pierre, les tissus, les couleurs, le corps, les mots,
les sons, les silences, les gestes, l’espace, le mouvement, l’action, l’ordre,
le temps, la lumière. Toute la création est une manifestation de l’amour de
Dieu, et à partir du moment où ce même amour s’est manifesté dans sa plénitude
dans la croix de Jésus, toute la création a été attirée vers lui. C’est toute
la création qui est assumée pour être mise au service de la rencontre avec le
Verbe : incarné, crucifié, mort, ressuscité, monté vers le Père…Dès le début,
les choses créées contiennent le germe de la grâce sanctifiante des sacrements.
En développant sa
réflexion, le pape insiste sur l’importance d’une lecture symbolique de la liturgie qui n’est pas une connaissance mentale, ni l’acquisition de concepts, mais
plutôt une expérience vitale (45). Il cite Guardini selon lequel l’homme doit retrouver sa puissance symbolique.
Ensuite le pape fait un constat : La
tâche n’est pas facile car l’homme moderne est devenu analphabète, il ne sait
plus lire les symboles, il en soupçonne à peine l’existence. Cela se produit
également avec le symbole de notre corps. Il est un symbole parce qu’il est une
union intime de l’âme et du corps ; il est la visibilité de l’âme spirituelle
dans l’ordre corporel ; et en cela consiste l’unicité humaine, la spécificité
de la personne irréductible à toute autre forme d’être vivant. Notre ouverture
au transcendant, à Dieu, est constitutive : ne pas la reconnaître nous conduit
inévitablement non seulement à une méconnaissance de Dieu mais aussi à une
méconnaissance de nous-mêmes (44). A partir de ce constat à propos de
notre difficulté à percevoir l’univers symbolique, et en particulier au sujet
de notre propre corps, le pape tire les conséquences que cela peut avoir pour
notre perception de la liturgie chrétienne : Le fait d’avoir perdu la capacité de saisir la valeur
symbolique du corps et de toute créature rend le langage symbolique de la liturgie presque inaccessible à la mentalité moderne. Et
pourtant, il ne peut être question de renoncer à ce langage. On ne peut y
renoncer parce que c’est ainsi que la Sainte Trinité a choisi de nous atteindre à travers la chair du
Verbe. Il s’agit plutôt de retrouver la capacité d’utiliser et de comprendre
les symboles de la liturgie. Nous ne devons pas perdre espoir car cette dimension en
nous, comme je viens de le dire, est constitutive ; et malgré les méfaits du
matérialisme et du spiritualisme – tous deux négateurs de l’unité de l’âme et
du corps – elle est toujours prête à resurgir, comme toute vérité.
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