dimanche 10 octobre 2021

28ème dimanche du temps ordinaire / année B

10/10/2021

Marc 10, 17-30

L’homme juste sur lequel Jésus pose son regard rempli d’amour ne peut pas répondre à l’appel du Seigneur à cause de ses grands biens. Il est incapable de renoncer à ses richesses pour obtenir un trésor différent, celui du ciel. Jésus part de ce blocage psychologique pour enseigner ses disciples à propos des richesses :

Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu !

Leur réaction passe de la stupéfaction au fait d’être fortement déconcertés et aboutit à une question angoissée :

Mais alors, qui peut être sauvé ?

Pour comprendre l’électrochoc provoqué par les paroles du Seigneur dans l’esprit des disciples, nous devons nous remettre dans le contexte biblique de l’Ancien Testament. Dans beaucoup de textes de la Bible juive la richesse est en effet présentée sous un jour très positif, comme le signe de la bénédiction de Dieu. Je ne prendrai qu’un exemple dans le livre de Job, conte philosophique écrit sur plusieurs siècles d’histoire biblique mais dont le canevas de base pourrait remonter au 9ème siècle av. JC. Nous connaissons l’histoire de Job, homme juste, sur lequel s’abattent tous les malheurs possibles et imaginables. Or Job nous est présenté au début du livre comme un personnage très riche et important :

Sept fils et trois filles lui étaient nés. Il avait un troupeau de sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, et il possédait un grand nombre de serviteurs. Cet homme était le plus riche de tous les fils de l’Orient.

Voilà que Job, mis à l’épreuve par Dieu, perd absolument tout : ses enfants, ses richesses et sa santé. Malgré tout il persévère dans sa foi et ne renie pas Dieu. A la fin du livre Dieu pour le récompenser de sa fidélité le rétablit dans tous ses biens et même encore davantage !

Le Seigneur bénit la nouvelle situation de Job plus encore que l’ancienne. Job posséda quatorze mille moutons et six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses. Il eut encore sept fils et trois filles.

Comment ne pas penser à la réponse que le Seigneur fait à la demande de Pierre dans notre Evangile ?

Nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

Il existe cependant une différence essentielle entre le livre de Job et la réponse de Jésus, c’est la vie éternelle dans le monde à venir. Nous oublions facilement que dans le Judaïsme le plus ancien la vie s’arrêtait à la mort : pas de paradis ni de vie éternelle ! D’où logiquement le fait que Dieu récompensait les justes par des biens matériels dès maintenant, ce qui faisait de la richesse le signe certain de la bénédiction divine. Nous retrouvons cette mentalité encore aujourd’hui chez certains chrétiens, en particulier dans les Eglises évangéliques américaines qui prêchent la théologie de la prospérité. Sur le continent américain cette théologie de la prospérité est l’exact opposé de la théologie de la libération, née, elle, en Amérique latine, selon laquelle l’Eglise ne doit pas seulement avoir le souci prioritaire des plus pauvres mais doit contribuer à les libérer de ceux qui les oppriment. D’où la célèbre sentence de Dom Helder Camara, évêque brésilien :

Je nourris un pauvre et l'on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n'a pas de quoi se nourrir et l'on me traite de communiste.

Si la théologie de la prospérité peut se réclamer de la première phase de la révélation biblique, elle est clairement incompatible avec l’enseignement de Jésus qui présente plutôt la possession des richesses comme un danger et une tentation. La grande différence, c’est que Jésus situe notre vie sur terre dans la perspective de la vie éternelle. Cela revient à deux reprises dans notre Evangile :

Alors tu auras un trésor au ciel… et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

Jésus affirme la difficulté du salut pour celui qui possède des richesses et, en même temps, il rassure ses disciples en leur disant que tout est possible à Dieu.

Dans sa première lettre à Timothée, l’apôtre Paul indique aux chrétiens qui possèdent des richesses quelle est pour eux la voie du salut :

Quant aux riches de ce monde, ordonne-leur de ne pas céder à l’orgueil. Qu’ils mettent leur espérance non pas dans des richesses incertaines, mais en Dieu qui nous procure tout en abondance pour que nous en profitions. Qu’ils fassent du bien et deviennent riches du bien qu’ils font ; qu’ils donnent de bon cœur et sachent partager. De cette manière, ils amasseront un trésor pour bien construire leur avenir et obtenir la vraie vie.


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