Messe pour la création / Laudato si’
L’Eglise
célèbre cette année le 5ème anniversaire de la lettre encyclique du
pape François, Laudato si’, consacrée
à la sauvegarde de la maison commune. Suite à cet enseignement le pape a
demandé qu’une fois par an soit célébrée une messe en action de grâce pour le
don de la création et ceci en lien avec la crise écologique que l’humanité vit
actuellement. Le 4 octobre est aussi la fête de saint François d’Assise, le
patron céleste des écologistes.
Dans le
deuxième chapitre de Laudato si’, le
pape aborde l’Evangile de la création et nous invite en particulier à
redécouvrir la sagesse des récits bibliques. Si nous voulons méditer sur le
mystère de la création, nous avons les deux premiers chapitres de la Genèse à
notre disposition. Certains écologistes ont accusé ces textes d’être à
l’origine de la crise écologique actuelle. Il suffit de penser au verset 28 du
chapitre premier :
Dieu bénit l’homme et la femme et leur dit :
« Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez
les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux
qui vont et viennent sur la terre. »
Le pape
reconnaît que dans le passé et encore aujourd’hui bien des chrétiens ont mal interprété
ce verset :
67. Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous
précède et nous a été donnée. Cela permet de répondre à une accusation lancée
contre la pensée judéo-chrétienne : il a été dit que, à partir du récit de la
Genèse qui invite à « dominer » la terre (cf. Gn 1, 28), on favoriserait
l’exploitation sauvage de la nature en présentant une image de l’être humain
comme dominateur et destructeur. Ce n’est pas une interprétation correcte de la
Bible, comme la comprend l’Église. S’il est vrai que, parfois, nous les
chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui
avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de
dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres
créatures. Il est important de lire les textes bibliques dans leur contexte […],
et de se souvenir qu’ils nous invitent à « cultiver et garder » le jardin du
monde (cf. Gn 2, 15). Alors que « cultiver » signifie labourer, défricher ou
travailler, « garder » signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner,
surveiller. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être
humain et la nature.
La terre
nous précède et nous a été donnée… Les scientifiques ont réduit à une année la
très longue histoire de l’univers et de la vie pour nous faire saisir plus
concrètement la réalité des choses car les milliards d’années ne nous parlent
pas. Dans cette année l’homme actuel (homo
sapiens sapiens) apparaît le 31 décembre à 23h59, les premiers dinosaures
le 12 décembre et les premiers mammifères le 15 décembre… Ce qui devrait nous
encourager à cultiver une vertu essentielle pour notre foi chrétienne :
l’humilité. C’est bien l’orgueil humain allié à la cupidité qui est à l’origine
de la crise écologique actuelle. Une crise tellement nouvelle que les
scientifiques parlent d’une nouvelle ère géologique, celle de l’anthropocène,
et que nous vivons la sixième extinction de masse des espèces sur notre planète,
la première de l’histoire provoquée par l’homme et ses activités.
A 5
reprises le pape mentionne l’anthropocentrisme, la pensée selon laquelle
l’homme est le centre et le roi de la création. La science a depuis longtemps
condamné le géocentrisme (la terre comme centre du système solaire). Si les
récits de la Genèse donnent à l’homme une place unique et particulière dans le
projet créateur de Dieu parce qu’il est créé à l’image de Dieu, cultivateur et
gardien de la création, cela ne nous empêche pas pour autant de remettre en
question la vision anthropocentrique. Le pape n’hésite pas en effet à parler
d’un anthropocentrisme despotique,
déviant ainsi que d’une grande
démesure anthropocentrique dans la modernité. Il affirme que la Bible ne donne pas lieu à un
anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait des autres créatures… Une
présentation inadéquate de l’anthropologie chrétienne a pu conduire à soutenir
une conception erronée de la relation entre l’être humain et le monde. Un rêve prométhéen
de domination sur le monde s’est souvent transmis, qui a donné l’impression que
la sauvegarde de la nature est pour les faibles. La façon correcte
d’interpréter le concept d’être humain comme « seigneur » de l’univers est plutôt
celle de le considérer comme administrateur responsable.
En
cohérence avec cette critique de l’anthropocentrisme despotique, le pape
souligne que chaque créature a une valeur
propre devant Dieu, en elle-même, pour elle-même. Les autres créatures ne
sont pas créées pour nous comme nous le pensons trop souvent de manière
orgueilleuse et égoïste. La Bible est davantage christocentrique, donc
théocentrique, qu’anthropocentrique. Comme l’affirme saint Paul, tout est créé par le Christ et pour le
Christ. Le pape affirme clairement que la
fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Nous ne sommes pas
séparés du reste de la création mais nous en faisons partie, nous en dépendons
chaque jour. En tant que gardiens de la création et images de Dieu, nous avons
à refléter l’attitude de Dieu envers toutes ses créatures. Non pas une
domination despotique et arbitraire, mais une
grave responsabilité qui naît de notre foi. Dans les psaumes, nous trouvons
142 références aux animaux, ce qui nous permet de retrouver une relation
harmonieuse avec eux au sein de la création. Ils ne sont pas des objets
exploitables selon notre bon plaisir et notre cupidité, mais bien des créatures
du Père qui sauve l’homme et les bêtes
(Ps.35). En ce dimanche d’action de grâce pour la création et d’engagement
écologique au nom de notre foi en Dieu créateur, n’oublions jamais que, selon
le psaume 144, la bonté du Seigneur est
pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres. Soyons comme saint
François d’Assise des reflets de cette bonté et de cette tendresse pour toutes
les créatures avec lesquelles nous vivons sur cette terre.
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