Matthieu 22, 15-21
18/10/20
Rendez donc à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu. Cette réponse de Jésus à la question-piège
des pharisiens fait partie des versets de l’Evangile qui sont connus de tous.
Avant d’approfondir le contenu de cette réponse, il est nécessaire de rappeler
quelques éléments d’histoire. La question porte sur le paiement de l’impôt à
Rome : Est-il permis, oui ou non, de
payer l’impôt à César, l’empereur ? Israël, en tant que peuple, s’est perçu
comme une théocratie, c’est-à-dire un peuple gouverné directement par Dieu et
lui seul. L’établissement de la monarchie vers 1030 avant JC, avec le premier
roi Saül, fut compris comme une trahison envers Dieu, le seul roi légitime des
12 tribus. D’où les critiques acerbes contre la monarchie dans certains textes
bibliques. En 63 av.JC, Pompée s’empare de Jérusalem au nom de Rome. A partir
de cette date le peuple Juif perd son indépendance politique et Israël entre
dans la sphère de domination romaine. A l’époque de Jésus, les Juifs étaient
divisés par rapport à l’attitude à tenir face à l’occupant romain. Comme
souvent en pareil cas, il y avait ceux qui collaboraient volontiers avec Rome,
en particulier les grands prêtres et les sadducéens, et il y avait ceux qui voulaient
retrouver l’indépendance politique d’Israël, en utilisant la violence et le
terrorisme contre l’occupant, en particulier les Zélotes. La question des
pharisiens est donc explosive étant donné le contexte politico-religieux de
l’époque. Ajoutons que dans certains cas l’impôt imposé par Rome pouvait être
très lourd. Il était levé par les publicains, car l’Empire romain n’avait que
très peu de fonctionnaires. Il passait donc par les compagnies de publicains
pour prélever l’impôt. Lévi, le futur Matthieu, était l’un de ces publicains
qui travaillaient pour Rome. Enfin précisons que tous les empereurs romains à
partir du premier d’entre eux, Auguste, portaient le titre de César, Auguste
ayant été adopté par Jules César. A l’époque de notre débat sur l’impôt,
c’était Tibère, le second César, qui régnait sur l’immense empire romain.
Pour ne
pas tomber dans le piège qui lui est tendu, Jésus fait faire un exercice
pratique aux pharisiens : « Montrez-moi la monnaie de l’impôt ».
Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie
et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César ».
Dans la vie courante, pour le commerce, sauf à l’intérieur de l’enceinte du
temple, tout juif utilisait les pièces de monnaie émises par le pouvoir romain.
Si l’argent mis en circulation pour permettre le commerce portait l’effigie de
Tibère-César, alors il était logique de ne pas refuser de payer l’impôt réclamé
par le même César. Les Juifs, faisant partie d’un immense empire, profitaient
eux aussi, comme les Gaulois ou d’autres provinciaux, de certains avantages
apportés par l’organisation de cet Empire, en particulier les voies de
communication et de commerce terrestres et maritimes ainsi que le maintien de
l’ordre, la garantie de vivre en paix et dans une relative sécurité sous la
tutelle des autorités romaines. La réponse de Jésus fonde la laïcité, c’est-à-dire
la distinction entre la sphère religieuse et celle de l’organisation politique
de l’Etat. Jusqu’à une époque récente de l’histoire européenne, les Etats, la
plupart du temps des royaumes, ont fondé leur autorité sur Dieu. C’était
l’alliance du sabre et du goupillon, le roi terrestre étant considéré comme le
lieutenant de Dieu. Le pouvoir politique mettait la religion à son service et
vice-versa. Cette confusion des pouvoirs est caractéristique de ce que l’on a
nommé la chrétienté, à ne pas confondre avec le christianisme. Or Jésus n’a
jamais proposé ce modèle, l’instauration d’une théocratie avec un roi
représentant de Dieu sur terre. Au contraire, il indique combien il est
important de ne pas confondre le domaine politique et le domaine spirituel.
Dans cette perspective payer l’impôt à César, l’occupant païen, n’empêche
absolument pas le Juif de pratiquer sa religion, de rendre à Dieu ce qui est à
Dieu. Il en va de même pour nous aujourd’hui. Aucun gouvernement ne peut nous
empêcher d’adorer Dieu en esprit et en vérité. Aucun gouvernement, fut-il le
pire, n’a de pouvoir sur notre conscience. 133 ans après la prise de Jérusalem
par Pompée, Titus détruisit le temple de Jérusalem, mais il n’a pas pour autant
détruit la foi du peuple Juif… En tant que citoyens d’un Etat nous devons payer
l’impôt, en tant que chrétiens nous sommes libres d’aimer Dieu et de le servir
en suivant l’Evangile de son Fils bien-aimé Jésus-Christ, en incarnant dans la
société notre foi, car, dans le Christ
Jésus, ce qui a de la valeur, selon saint Paul, c’est la foi, qui agit par la charité.
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