Dans la
lumière de la Pentecôte, accomplissement de la révélation divine, l’Eglise nous
fait célébrer en ce dimanche le mystère de Dieu Trinité. C’est un choix plein
de sens même si cette solennité est relativement récente dans l’histoire de
notre calendrier liturgique. Il s’agit d’une fête instituée au Moyen-âge. Bien
sûr la foi en la Trinité plonge ses racines dans la personne et la vie de
Jésus. Célébrer ce mystère le dimanche qui suit la Pentecôte nous rappelle
qu’avec la manifestation et le don de l’Esprit Saint Dieu s’est pleinement
révélé et communiqué à ses créatures. Le simple signe de la croix est une
confession de cette vérité de foi. C’est la raison pour laquelle nous devons
toujours le faire avec dignité et respect, en pensant non seulement à
l’offrande du Christ et à sa mort, mais aussi au Dieu trois fois Saint. Toute
la liturgie de la messe est trinitaire. La grande majorité des prières sont
adressées par le ministre du sacrement à Dieu le Père par Jésus le Fils. La
grande prière qui accomplit la prière eucharistique indique bien la nature
trinitaire du culte public de l’Eglise : Par lui (le Fils), avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père
tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit tout honneur et toute gloire…
Notre foi
en la Trinité est donc le mystère central, le dogme le plus important, le plus
essentiel du catéchisme, on pourrait dire la marque de fabrique du
christianisme. C’est cette foi qui fait que nous ne sommes pas déistes mais
bien chrétiens. Nous ne sommes pas simplement des monothéistes, mais des
monothéistes trinitaires. L’affirmation de saint Jean selon laquelle Dieu est amour est la porte d’entrée la
plus directe dans le mystère trinitaire. Comprenons bien que Dieu est amour
avant même la création de tout ce qui est. Il ne l’est pas seulement par
rapport à ses créatures, Il l’est en lui-même. Cela fait partie de son être le
plus essentiel. Or si Dieu était unique sans être Trinité, il ne pourrait s’agir
que d’un amour tourné vers soi-même, donc d’un égocentrisme infini, pour reprendre l’expression du prêtre suisse
Maurice Zundel. La révélation de la Trinité nous
délivre de cette oppression. Toujours selon Zundel, l’amour s’exerce en Dieu dans un véritable altruisme, entre trois Personnes
relativement distinctes, quoique identiques chacune avec la totalité de
l’Essence divine. En partant de notre difficile expérience de l’amour
humain, Zundel nous fait entrevoir l’extraordinaire beauté du mystère
trinitaire :
L’amour suppose à la fois la distinction des
êtres qui s’aiment et leur unité. Ces deux éléments apparaissent toujours plus
ou moins irréalisables dans notre expérience. Nous ne pouvons nous aimer
nous-même sans dégoût ; nous ne pouvons aimer les autres sans douleur.
Nous voudrions pouvoir saisir leur intérieur, nous identifier avec lui, de
façon à n’être plus qu’un être avec eux. Mais justement leur intérieur nous
demeure insaisissable, et les confidences qu’ils nous font ne nous livrent pas
son mystère. Nous ne dépassons pas le seuil de leur âme. En Dieu, l’Amour ne
rencontre point ces obstacles. La distinction des Personnes ne fait qu’exprimer
l’unité de l’Etre.
Un peu
plus loin dans sa méditation, Zundel signale une autre difficulté en rapport
avec la réalité de l’amour, non seulement pour nous, mais aussi pour un Dieu
qui ne se révélerait que comme l’Unique :
Il y a en Dieu une unité qui semble exclure
l’amour. Il y a en nous une diversité
qui semble rendre impossible l’unité requise par l’amour.
C’est
dans la révélation de la Trinité que cette difficulté disparaît :
En effet la Trinité nous offre la solution de ce
problème sous ses deux faces : unité et diversité. Dieu se présente à nous
comme l’unité absolue d’une diversité relative ; comme l’Amour de don dans
son expression la plus totale et la plus intime ; comme la plus haute
sainteté – que nous concevons nécessairement comme le plus grand amour.
Nous avons en Dieu la réalisation parfaite du
« moi » comme don, comme altruisme subsistant. Le « moi »,
en Dieu, est un « regard vers ». Le Père s’exprime dans le Fils. Le
Père et le Fils se donnent dans le Saint-Esprit, qui se donne à eux comme leur
lien.
Trinité : mystère de l’Amour.
Moi divin : altruisme infini, effusion,
don.
Vie de la Trinité : vie d’amour qui se
termine en une complète circumincession, c’est-à-dire dans cette intériorité d’une Personne par
rapport à l’autre, dans cette habitation de l’une dans l’autre.
L’affirmation
de notre foi en Dieu Trinité n’est finalement que l’explicitation de ce que
Jésus affirme à de nombreuses reprises dans l’Evangile selon saint Jean. Au
chapitre 17, en priant le Père, il affirme cette relation unique qui l’unit à
Lui tout en nous incluant dans ce grand mystère de la vie divine, une vie
capable de vaincre tout mal parce qu’elle s’identifie à l’amour, parce qu’elle
est l’amour même :
Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en
moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde
croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as
donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.
Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as
envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.
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