Luc 24,
46-53
30/05/19
Saint Luc
est l’auteur de deux livres dans le Nouveau Testament : l’Evangile qui
porte son nom et les Actes des apôtres. Comme le montre clairement
l’introduction qu’il donne à ce livre, Luc avait conçu ces deux écrits comme un
ensemble, l’Evangile étant le tome 1 et les Actes le tome 2 : Cher Théophile, dans mon premier livre, j’ai
parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le moment où il commença,
jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné
ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. L’ordre biblique des
livres a donc séparé ce que Luc avait conçu comme un ensemble en intercalant
entre son Evangile et les Actes l’Evangile selon saint Jean.
Or la
liturgie de la Parole, en cette fête de l’Ascension, réunit à nouveau les deux
livres de Luc : l’Evangile correspondant à la dernière page de son
Evangile et la première lecture au commencement des Actes des Apôtres, ce qui
fait que Luc se répète en nous donnant deux versions de l’Ascension du
Seigneur. Il est intéressant de voir comment Luc résume le temps entre Pâques
et l’Ascension : pendant quarante
jours, il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu. Le
Ressuscité, chaque fois qu’il s’est manifesté à ses disciples, leur a donc parlé
du royaume de Dieu, et c’est avec le même thème qu’il avait commencé sa
prédication après son baptême. Le mot royaume
est piégé. Dans la bouche de Jésus, il s’agit clairement d’une réalité
spirituelle puisque son royaume n’est pas de ce monde comme il l’affirme
clairement en présence de Ponce Pilate. Le royaume de Dieu consiste en effet à
laisser Dieu régner en nos cœurs et à travers nous dans nos sociétés, d’où
l’appel à la conversion de la part de Jésus dès le commencement de sa
prédication. Car nos cœurs de pierre sont fermés à la présence et à l’action de
Dieu. Il suffit pour le comprendre de relever la réaction des apôtres lorsque
Jésus leur annonce qu’ils seront baptisés dans l’Esprit Saint : Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu
vas rétablir le royaume pour Israël ? Leur vision du royaume de Dieu est
purement terrestre, comme si ce royaume correspondait à l’indépendance
politique de leur nation. Pourtant ils ont été formés pendant des années par Jésus
qui leur a toujours parlé du royaume des Cieux comme d’une réalité spirituelle,
c’est-à-dire concernant notre relation avec Dieu et entre nous. Un verset de
l’Evangile selon saint Luc le montre clairement : le règne de Dieu est au milieu de vous. Certaines traductions
donnent même : le royaume de Dieu est en
vous. Quant à saint Paul, il nous aide à comprendre les caractéristiques
principales de ce royaume des cieux : il
est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint.
Regardons
maintenant quelles images Luc utilise dans ses deux récits pour nous parler du
mystère glorieux de l’Ascension de Jésus. Dans la première lecture : Après ces paroles, tandis que les Apôtres le
regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Dans
l’Evangile : Or, tandis qu’il les
bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. S’élever, être
emporté au ciel… Ces images nous disent que Jésus quitte définitivement notre
expérience terrestre et que, tout en restant pleinement homme, il rejoint le
Ciel, symbole de Dieu dans la Bible. Et malgré cette séparation, malgré le fait
qu’à partir de l’Ascension, il devient invisible à nos yeux de chair, Luc
souligne la joie des disciples, dans l’attente du don de l’Esprit Saint : ils retournèrent à Jérusalem, en grande
joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. Ils ont enfin
compris que ce royaume de justice, de paix et de joie était en eux. Ils vivent
l’expérience chrétienne, l’expérience de tous ceux qui mettent leur foi en
Jésus ressuscité et qui le fréquentent comme un ami fidèle dans la prière et
dans les sacrements, l’expérience du royaume intérieur si bien exprimée par une
belle formule du pape Grégoire le grand : le ciel, c’est l’âme du juste.
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