Messe de
Requiem du 11 novembre 2013
Mes chers frères et sœurs, prier pour le repos de
l’âme de nos défunts, comme nous le faisons en ce 11 novembre pour les victimes
militaires et civiles des deux guerres mondiales, est la plus grande preuve de
notre charité à leur égard. Depuis un certain nombre d’années on parle avec
raison du devoir de mémoire. C’est ce devoir qui nous rassemble en cette
cathédrale. Mais si le devoir de mémoire était uniquement tourné vers le passé
il serait inutile. Nous avons à tirer des leçons des erreurs, des fautes et des
crimes commis dans le passé pour ne plus recommencer et pour préserver le bien
commun de la paix entre les nations. Il y a 50 ans le bienheureux pape Jean
XXIII écrivait l’encyclique Pacem in
terris. Ce document fondamental est à l’origine de l’enseignement constant
de l’Eglise et des papes sur la grave question de la promotion de la paix. Cet
enseignement fait partie de la doctrine sociale de l’Eglise. Depuis le 1er
janvier 1968, date à laquelle le pape Paul VI institua la première journée
mondiale de prière pour la paix, cet enseignement est sans cesse repris,
approfondi et actualisé. Dans Pacem in
terris Jean XXIII s’adressait non seulement aux catholiques mais à tous les
hommes de bonne volonté. Il nous donnait les 4 piliers qui assurent la paix
dans notre monde : la vérité, la justice, la charité, la liberté. Il
parlait entre autres choses de la responsabilité des grandes puissances
vis-à-vis des pays économiquement sous-développés ou n’ayant pas la capacité
militaire de se défendre. Le principe de la liberté « interdit aux nations
toute ingérence dans les affaires internes des autres comme toute action
oppressive à leur égard… L’aide apportée à ces peuples ne peut s'accompagner
d'aucun empiétement sur leur indépendance… Les communautés politiques
économiquement développées, dans leur action multiforme d'assistance aux pays
moins favorisés, sont tenues de reconnaître et de respecter les valeurs morales
et les particularités ethniques de ceux-ci, et de s'interdire à leur égard le
moindre calcul de domination. C'est ainsi qu'elles apportent « une précieuse
contribution à la formation d'une communauté mondiale, dont tous les membres,
conscients de leurs obligations comme de leurs droits, travailleraient sur un
pied d'égalité à la mise en œuvre du bien commun universel. » Et il définissait ainsi quelle doit être
la mission de l’ONU : « Le but essentiel de l'Organisation des
Nations Unies est de maintenir et de consolider la paix entre les peuples, de
favoriser et de développer entre eux des relations amicales, fondées sur le
principe de l'égalité, du respect réciproque et de la collaboration la plus
large dans tous les secteurs de l'activité humaine. » Nous
le remarquons le principe de l’égalité entre les nations est nécessaire pour
que l’ONU puisse jouer correctement son rôle. Lors de sa visite à l’ONU Paul VI
revenait sur ce principe : « que personne, en tant que membre de
votre union, ne soit supérieur aux autres: Pas l'un au-dessus de l'autre. C'est
la formule de l'égalité. » Du point de
vue chrétien il est évident que non seulement tous les hommes jouissent d’une
égale dignité mais aussi qu’aux yeux de Dieu il n’existe pas de nation ou de
race supérieure aux autres. Dieu bénit toutes les nations et tous les peuples.
L’impérialisme des grandes puissances a toujours constitué une grande menace
pour la paix. Pour le 10ème anniversaire de Pacem in terris le cardinal Roy adressa une lettre à Paul VI. Dans
ce document il montre qu’une nouvelle forme d’impérialisme s’est
développé : le néo-colonialisme économique qu’il s’agit de combattre si
nous voulons la paix. Il signale « les agressions et les oppressions des
infrastructures lourdes et des nouvelles puissances financières, industrielles,
commerciales, dans leur course au monopole ou à la domination, sur les terres,
au fond des mers, et dans l’espace ». Le
cardinal revient aussi sur la nécessité morale de stopper la course aux
armements qu’il qualifie de danger, d’injustice et de vol, de folie et
d’erreur. Cette course aux armements est une injustice et un vol car « les
budgets fabuleux ainsi affectés constituent un véritable détournement de fonds
et un gaspillage des pays riches qui représente déjà une agression à l’égard
des pays ou des catégories sociales défavorisées ». En
plus de la tentation impérialiste et de la réalité du néo-colonialisme dans le
domaine économique une autre menace pèse sur la paix entre les peuples :
celle du patriotisme aveugle. Le patriotisme est une bonne chose quand il
demeure ouvert à l’universel et aux exigences de la raison humaine. Mais le
patriotisme aveugle consiste à apporter un soutien inconditionnel à toutes les
décisions d’un gouvernement même si elles s’avèrent moralement critiquables.
Dans un tel contexte le cardinal Roy mentionne comme faisant partie des droits
de l’homme le droit au dissentiment et celui à l’objection de conscience dans
le domaine militaire.
En 2009 M.
Obama a reçu le prix Nobel de la paix. Cela a créé dans le monde « une controverse
considérable » pour reprendre l’expression utilisée par M. Obama lui-même.
La prison militaire de Guantanamo n’est toujours pas fermée et la guerre des
drones a fait des centaines de victimes, en particulier au Pakistan qui est un
état souverain. Lorsque des présumés terroristes sont enlevés et emprisonnés ou
bien encore tués sans jugement préalable c’est la force de l’arbitraire et non
pas celle du droit qui domine. Et lorsque les droits de l’homme sont bafoués,
comme celui de l’habeas corpus, de la
présomption d’innocence et celui d’être jugé au cours d’un procès équitable
avec l’assistance d’un avocat, c’est la cause de la paix qui régresse.
Peut-être ce prix Nobel de la paix aurait-il dû être attribué à un petit pays
d’Amérique centrale, le Costa Rica, qui est un pays sans armée depuis 1948…
Nous sommes
tous responsables de la promotion de la paix mais nos gouvernants devront
rendre compte à Dieu d’une manière particulière de leur gestion au jour du
jugement. C’est l’enseignement du livre de la Sagesse :
Soyez
attentifs, vous qui commandez aux foules, qui vous vantez de la multitude de
vos peuples. Car la domination vous a été donnée de la part du Seigneur, et le
pouvoir de la part du Très-Haut, lui qui examinera votre conduite et scrutera
vos intentions. En effet, vous étiez les serviteurs de sa royauté, et vous
n'avez pas rendu la justice avec droiture, ni observé la Loi, ni vécu selon les
intentions de Dieu. Terrifiant et rapide il fondra sur vous, car un jugement
implacable s'exerce sur les grands ; le petit obtient le pardon et la
miséricorde, mais les puissants seront jugés avec puissance. Le Souverain de
l'univers ne reculera devant personne, il ne se laissera influencer par aucune
grandeur ; car les petits comme les grands, c'est lui qui les a faits, et il
prend soin de tous pareillement. Les puissants seront soumis à une enquête
rigoureuse.
1 commentaire:
Ce texte me rappelle un texte de Jean-Paul II qui désignait probablement certaines institutions internationales comment étant des structures de péché.
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/1999/documents/hf_jp-ii_aud_25081999_fr.html
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