La messe de la nuit de Noël nous
fait entendre le récit de saint Luc, un récit qui, en décrivant les
circonstances de la naissance de l’enfant Jésus, correspond bien à l’image que
nous nous faisons de Noël, en particulier grâce à nos crèches et aux
innombrables peintures ayant tenté de représenter cet événement. La messe du
jour nous donne à entendre le magnifique prologue de l’évangile selon saint
Jean. Ici aucune image n’est capable d’évoquer le message de l’évangéliste.
Nous ne sommes plus dans un récit de type historique mais dans une grandiose
méditation théologique du mystère de l’incarnation. Jean ne nous parle pas d’un
petit bébé dans une crèche mais du Verbe qui s’est fait chair. C’est un certain
Denys le petit qui au 6ème siècle a été chargé par le pape Jean 1er
de préciser la date de la naissance du Christ. A cause d’une erreur de calcul
faite par Denys les historiens estiment que le Christ est né entre 2 et 7 avant
Jésus-Christ ! Mais là n’est pas le plus important bien sûr ! Nous avons
la grâce de vivre dans l’ère chrétienne. Comme on le disait autrefois en
l’année du Seigneur 2012 ou encore en l’an de grâce 2012. Je voudrais à partir
de cette dernière expression et du prologue de l’évangile méditer avec vous un
aspect de ce mystère central de notre foi, l’incarnation. Mystère qui rend la
religion chrétienne totalement unique par rapport aux deux autres religions
monothéistes que sont le Judaïsme et l’Islam. Affirmer de Dieu qu’il a assumé
en son Fils unique notre condition humaine, qu’il s’est fait l’un de nous,
notre frère en humanité, c’est là en effet le propre de la révélation
chrétienne. Dieu n’est plus seulement là-haut dans les cieux, transcendant et
tout autre. Il est d’abord l’Emmanuel, Dieu avec nous, qui a voulu naître parmi
nous d’une femme, la Vierge Marie. La lettre aux Hébreux nous rappelle que dans
le mystère de l’incarnation Dieu nous parle. Le nom choisi par Jean, le Verbe,
pour désigner le Christ nous dit la même chose. Dieu épouse notre humanité en
son Fils pour nous parler de grâce et de vérité. Ce Verbe éternel qui entre
dans notre histoire est « plein de grâce et de vérité ». Et si la Loi
a été donnée aux hommes par Moïse, « la grâce et la vérité sont venues par
Jésus-Christ ». D’où la belle expression citée plus haut : l’an de
grâce 2012. Si nous regardons dans le Petit Larousse la définition de la grâce
au sens courant du terme nous y trouvons : « Faveur que l’on fait
sans y être obligé ; bonne disposition ; bienveillance ; charme
particulier, beauté ». Le sens chrétien du mot reprend le sens courant en
lui donnant une portée surnaturelle dans le cadre de la révélation. La grâce de
Dieu en Jésus-Christ est une réalité essentielle dans tout le Nouveau
Testament, en particulier chez saint Paul. Le mot y est utilisé 191 fois.
Célébrer Noël c’est donc se rappeler que, librement et par amour, Dieu a voulu
aller le plus loin possible dans la révélation de son mystère. Il a voulu nous
sauver du dedans, à partir même de notre condition humaine. L’incarnation du
Verbe donne à notre vie une valeur extraordinaire. Car tout ce que nous vivons,
le Fils de Dieu a voulu le vivre à l’exception du péché. C’est par le Verbe que
Dieu a créé notre humanité, c’est par le Verbe incarné qu’il vient lui donner un
nouveau commencement à Noël. Si bien que le Concile Vatican II a pu
affirmer : « Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient
lui-même plus homme ». L’ère chrétienne, l’ère de la grâce, est le temps
béni de notre humanisation et de notre divinisation. Car c’est dans la mesure
où l’homme est uni toujours plus étroitement à Dieu par le Christ qu’il devient
davantage homme. Cette ère est aussi celle de la vérité. Cette vérité du Christ
qui est une lumière pour guider notre existence de chaque jour. Cette vérité
qui n’est pas d’abord une théorie de plus mais une voie dans laquelle nous
devons marcher. « Celui qui pratique la vérité vient à la lumière »
dit le Seigneur à Nicodème. Et aux Juifs il affirme que la vérité rend libre.
L’amour divin manifesté dans la pauvreté et l’humilité de Noël nous offre cette
grâce de libération. Ce bébé qui est la Parole de Dieu nous enseigne déjà
comment vivre en hommes libres, en chrétiens. Si nous accueillons vraiment la
grâce de Noël nous comprendrons qu’au plus nous aimons en vérité au plus nous
serons libres. Et c’est encore au Concile que je laisserai le soin de
conclure :
« La loi fondamentale de la
perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement
nouveau de l’amour ».
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