Dans la lumière du temps de Noël
la liturgie nous invite à contempler la sainte famille de Jésus, Marie et
Joseph. Le mystère de l’incarnation a pour conséquence que le Fils de Dieu, lui
aussi, a eu une famille humaine dans laquelle il a été accueilli, il a grandi
et a été éduqué. Une famille certes un peu particulière puisque Joseph n’est
pas le géniteur de Jésus. Une famille un peu unique dont tous les membres sont
saints. Il est intéressant de relever que cette sainteté n’enlève rien au
caractère véritablement humain de la famille de Jésus. Les évangélistes qui
nous parlent de certains aspects de l’enfance du Christ, Matthieu et Luc, ne
nous présentent pas une famille vivant dans une béatitude parfaite, exemptée
des difficultés ordinaires des hommes. La vie de la sainte famille ne ressemble
pas aux représentations qu’en donnent les images pieuses à l’eau de rose.
Certains peintres qui étaient de véritables artistes ont représenté les membres
de la sainte famille d’une manière beaucoup plus réaliste, je pense en
particulier au Caravage qui, à son époque, a fait scandale… Tellement on avait
oublié, dans les mentalités, pas dans la profession de foi bien sûr, la
véritable humanité du Fils de Dieu et de sa famille. L’évangile de ce dimanche
est le seul témoignage que nous ayons sur cette longue période de la vie cachée
de Jésus, se situant entre sa naissance et son baptême dans les eaux du
Jourdain. Nous savons par saint Luc que Marie et Joseph étaient de bons Juifs
pratiquants et qu’ils respectaient à ce titre les traditions religieuses, dont
le pèlerinage annuel à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Mais voilà que le
jeune Jésus, âgé de 12 ans, vient bouleverser les traditions, déjà… Au lieu de
se contenter de faire le pèlerinage comme tout le monde il décide de rester à
Jérusalem non pas pour y faire une fugue mais pour parler dans le Temple avec
les docteurs de la Loi. Cet enfant leur pose des questions. Il ne se contente
pas de suivre pieusement la coutume. Il veut comprendre et approfondir. Il
montre sa curiosité et son avidité de savoir. Il semble aussi, situation
surprenante, qu’il ait répondu avec une intelligence remarquable aux questions
des savants religieux. Dès l’âge de 12 ans il met en pratique ce dialogue du
salut qui marquera toutes les rencontres qu’il fera pendant son ministère
public bien des années plus tard. Dans le cadre de la coutume voilà donc du
nouveau qui apparaît. Ses parents bien sûr se sont inquiétés de ne pas le
trouver dans la caravane du retour vers Nazareth. Et c’est Marie qui se fait la
porte-parole de cette inquiétude lorsqu’il est enfin retrouvé dans le
Temple : « Pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comment nous
avons souffert en te cherchant ». Cela devrait rassurer tous les parents
de constater que le jeune Jésus, lui aussi, parfaitement saint, a fait souffrir
ses parents. Dans la réponse de cet adolescent nous trouvons un reproche à
peine voilé : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne
le saviez-vous pas ? » Quant à la réponse elle-même, « C’est
chez mon Père que je dois être », elle n’a pas satisfait les pauvres
parents tourmentés par l’attitude étrange de leur enfant. Ils n’ont même pas pu
comprendre le sens de cette déclaration. Dans la sainte famille il y a donc eu
de l’incompréhension entre Jésus et ses parents. C’était bien une famille
humaine comme les nôtres. Comme nous le voyons la sainteté ne supprime pas
l’humanité dans les relations familiales. Ce que le jeune Jésus déclare dans le
Temple, lieu de la présence divine, aurait dû rappeler à sa mère la révélation
de l’ange lors de l’annonciation. Son enfant a Dieu pour Père. Il a été enfanté
en elle par la puissance de l’Esprit Saint. Mais au-delà du cas unique de la
sainte famille c’est une belle occasion de méditation pour tous les parents
chrétiens : « C’est chez mon Père que je dois être ». Les
parents chrétiens doivent se souvenir qu’ils n’ont pas donné la vie. Ils l’ont
transmise en collaborant à l’œuvre de Dieu créateur. En ce sens la célèbre
formule de Khalil Gibran, « vos enfants ne sont pas vos enfants »,
est exacte. Transmettre la vie c’est s’engager à ne pas posséder ses enfants.
Les parents qui l’oublient et ne respectent pas la juste liberté et autonomie
de leurs enfants seront bien vite rappelés à la réalité par les événements.
Dans ce récit le jeune Jésus témoigne de sa liberté en même temps qu’il demeure
soumis à ses parents. C’est une tâche délicate et difficile pour les parents
chrétiens de susciter la liberté de leurs enfants tout en exigeant d’eux le
respect. Notre évangile se termine par une phrase qui pourrait constituer un
programme parfait pour tous les éducateurs de jeunes : « Quant à
Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu
et des hommes ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire