30ème dimanche du temps ordinaire / A
26 octobre 08
Matthieu 22, 34-40 (p. 832)
L’enseignement du Christ sur le double commandement de l’amour fait partie du cœur même de l’Evangile, de l’essentiel de notre foi chrétienne. Ce bref texte de Matthieu a son équivalent en Marc, plus développé, et en Luc, sous une forme assez différente avec la parabole du bon samaritain. Quant à Jean c’est l’évangéliste de l’amour, avec un sommet de la révélation chrétienne lorsqu’il affirme dans sa première lettre que « Dieu est Amour ».
Chez saint Matthieu tout part d’une question-piège de la part d’un pharisien docteur de la Loi : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Chez saint Luc c’est aussi un docteur de la Loi qui pose au Seigneur une question pour l’embarrasser, question différente : « Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? » Et dans la version de Luc c’est le docteur de la Loi lui-même qui cite le double commandement de l’amour… Jésus s’étant contenté de lui demander : « Que dit l’Ecriture, que vois-tu dans la Loi ? » Cette différence montre bien que le Juif qui connaissait les Ecritures et les étudiait était capable par lui-même d’en tirer la substantifique moelle. En enseignant le double commandement de l’amour, le Seigneur ne fait que tirer des Ecritures le meilleur. C’est dans ce sens là que Jean dit que ce commandement est ancien . Jésus n’invente rien, mais il vient accomplir la Loi de Moïse. Il cite en fait un verset du Deutéronome et un verset du Lévitique. En même temps ce commandement ancien est nouveau du fait qu’il trouve son accomplissement en la personne du Fils de Dieu et que chaque génération de chrétien doit le vivre en fonction de situations nouvelles et de défis nouveaux. Les chrétiens du premier siècle n’avaient pas à se poser les questions que nous nous posons dans le domaine de la bioéthique par exemple. Les commandements de Dieu ne sont pas des paroles théoriques, intemporelles, mais des paroles devant s’incarner dans l’histoire du peuple d’Israël puis dans l’histoire de l’Eglise. En fait le double commandement nous donne l’esprit du décalogue. L’amour envers Dieu correspond aux 4 premiers commandements et l’amour envers le prochain aux 6 autres. Si Jésus dit que l’amour envers Dieu et l’amour envers le prochain sont « semblables », donc intimement liés, il établit tout de même une hiérarchie entre les deux commandements. L’amour pour Dieu est le premier, le grand commandement, l’amour pour le prochain est le second. Ce qui revient à dire : « Dieu premier servi ». Aujourd’hui nous avons à insister sur le grand commandement. L’amour envers Dieu implique bien sûr de notre part le culte et la prière. Mais toute la révélation biblique nous enseigne que la liturgie peut devenir insignifiante, comme vidée de son sens, si nous ne nous y engageons pas de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Bref si nous ne sommes pas habités intérieurement par un véritable amour du Seigneur, notre participation à la liturgie restera extérieure et ne pourra pas porter tous ses fruits. C’est l’Esprit-Saint qui nous donne cette charité pour Dieu. Tous nos gestes extérieurs d’adoration et de respect doivent traduire l’affection filiale et reconnaissante qui nous lie à Dieu Notre Père. Dans les Dix commandements, c’est le 4ème qui fait la transition et l’unité entre notre amour pour le Seigneur et notre amour pour le prochain. Car lorsque le livre de l’Exode demande aux Juifs d’observer le repos du sabbat, ce n’est pas seulement pour faire mémoire du repos de Dieu Créateur. C’est aussi en vue de la justice sociale. En ce jour sacré, plus que jamais, l’égale dignité des créatures de Dieu doit resplendir : « Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui réside dans ta ville. » Le repos du sabbat détruit toutes les barrières sociales entre hommes et femmes, parents et enfants, maîtres et serviteurs, juifs et immigrés. Même les animaux sont tenus au repos ce jour-là ! C’est cet héritage du 4ème commandement, dont nous venons de voir la portée sociale, qui est si dangereusement menacé dans notre société de consommation.
Quelques mots à propos du second commandement : Maurice Zundel disait avec lucidité qu’il est plus facile de croire en Dieu que de croire en l’homme… Tout simplement parce que Dieu est bon et que l’homme, lui, lutte sans cesse entre le bien et le mal. L’amour envers le prochain est difficile, c’est pour cela qu’il constitue le test de l’authenticité de notre amour pour Dieu. Saint Vincent de Paul disait à ses filles : « Ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu, c’est-à-dire une œuvre de Dieu pour en faire une autre, ou de plus grande obligation, ou de plus grand mérite. Vous quittez l’oraison ou la lecture, ou vous perdez le silence pour assister un pauvre, oh ! Sachez, mes filles, que faire tout cela, c’est servir Dieu. Car, voyez-vous, la charité est par-dessus toutes les règles… ». Amen
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