28ème dimanche du temps ordinaire / A
12 octobre 08
Matthieu 22, 1-14 (p. 742)
La parabole des Noces du Royaume suit celle des vignerons assassins entendue dimanche dernier. Entre ces deux paraboles nous pouvons trouver bien des points communs. N’oublions pas que Jésus adresse ces paraboles aux chefs des prêtres et aux pharisiens. Matthieu situe cet enseignement du Christ à Jérusalem, juste après l’entrée triomphale de Jésus, avant les jours sombres de sa Passion. Ces deux paraboles résument toute l’histoire de notre salut, une histoire dramatique. Ici aussi Dieu envoie ses serviteurs pour inviter son peuple aux noces de son Fils. Et c’est une fois de plus le refus, l’indifférence et même la violence de la part des invités : « les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. » Survient alors la colère de Dieu comme dans la parabole des vignerons assassins : « il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. » Nous ne devons pas prendre au pied de la lettre cette colère divine mais bien comprendre qu’elle exprime « le ras le bol » de Dieu par rapport à ses enfants ingrats et indifférents, un peu à la manière du déluge dans l’Ancien Testament. La coupe est trop pleine… Ce qui provoqua le déluge autrefois c’était la grande méchanceté de l’homme : « dans son cœur il n’y avait de place que pour le mal », nous dit le texte de la Genèse.
Dans la première partie de notre parabole, illustration en fait de l’histoire du peuple Juif, les invités ne veulent pas venir aux Noces. Ces élus de Dieu sont soit violents, nous l’avons vu, soit indifférents. Leur indifférence à l’invitation de Dieu nous touche personnellement. Ici ce n’est plus seulement l’histoire du refus du peuple Juif mais bien notre histoire personnelle avec ses hauts et ses bas qui est comme représentée. Dans la version de Luc le pourquoi de cette indifférence est davantage développé : « Mais tous, comme un seul homme, commencèrent à s’excuser. Le premier lui fait dire : J’ai acheté un champ, il faut absolument que j’aille le voir. Tu voudras bien m’excuser. Un autre dit : J’ai acheté cinq paires de bœufs et je pars les essayer. Tu voudras bien m’excuser. Un autre encore dit : Je viens de me marier, c’est pourquoi je ne viens pas. » Nous avons tous fait l’expérience d’une grande déception et d’une grande amertume lorsque des amis nous posent des « lapins », des rendez-vous manqués, pour des raisons bien souvent arrangées… Que de fois nous nous donnons de bonnes excuses pour ne pas vivre au temps de Dieu ! Que de fois notre vie spirituelle ressemble à une série de rendez-vous manqués ! Cette parabole est une profonde méditation sur le rapport entre notre vie matérielle, avec toutes ses contingences, et notre vie spirituelle, avec toutes ses exigences. Le danger pour nous est de séparer ces deux sphères de notre vie : d’un côté l’humain, de l’autre le chrétien. Or si la part humaine de notre vie n’est pas assumée par la foi, l’espérance et la charité, nous risquons bien de ne jamais répondre à l’appel de Dieu. La vraie liberté chrétienne consiste justement à ne pas se laisser accaparer et dominer par les contingences matérielles, mais à subordonner tout cela à notre relation à Dieu. Et le temps reste un bon test pour notre générosité. Si nous manquons les rendez-vous de Dieu, c’est que, sous prétexte de manquer de temps, nous sommes en fait avares de notre temps. Nous ne donnons au Seigneur que quelques restes… Nous ne sommes pas choqués, par exemple, d’arriver en retard à la messe, de partir avant la fin… Alors que nous savons très bien arriver à l’heure pour prendre notre train ou notre avion ! Un père jésuite fait remarquer avec justesse que nous sommes à la fois invités et épousés : « Quand nous disons ‘épousés’, nous insistons sur le fait que Dieu, dans le Fils, vient faire sienne notre chair ; quand nous disons ‘invités’, nous soulignons que cela ne se produit pas sans l’assentiment de notre liberté. Il y faut, de notre part, un déplacement qui réponde au « déplacement » que Dieu lui-même accomplit pour venir se joindre à nous. » L’invitation de Dieu aux Noces de son Fils nous oblige donc à nous déplacer, c’est-à-dire à nous décentrer de nous-mêmes et de notre temps égoïste, pour entrer dans la réalité du Royaume. L’invitation de Dieu nous dérange forcément car nous sommes pécheurs.
La seconde partie de notre parabole illustre le passage du Peuple Juif aux Nations païennes. Face au refus des élus, Dieu invite les bons comme les mauvais à entrer dans la salle des Noces. Mais voilà qu’un homme ne portant pas le vêtement de noce est exclu du banquet de la fin des temps… Pour Saint Augustin, à la suite de Saint Paul, ce vêtement de noce représente la charité chrétienne. Car nous pouvons être baptisés, avoir la foi, et cependant être comptés parmi les mauvais… La charité, n’est-ce pas d’abord penser à Dieu et aux autres ? Donc sortir de son intérêt immédiat et personnel ? N’est-ce pas par manque de charité que les premiers invités ont préféré leur champ et leur commerce à l’appel du Seigneur ? Que l’Esprit-Saint nous donne de vivre selon le temps de Dieu ! Amen
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