22 /06/2025
En cette solennité du Saint
Sacrement nous méditons la cinquième et dernière partie de l’encyclique du pape
François consacrée à l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ :
« Amour pour amour ». Dans ce chapitre le pape montre comment la
dévotion au Sacré-Cœur conduit le croyant à « l’engagement communautaire
et missionnaire ». La révélation faite à sainte Marguerite-Marie nous
permet de comprendre la signification profonde de la parole de Jésus en
croix : « J’ai soif ». D’une part le Seigneur révèle sa douleur
causée par notre ingratitude et d’autre part sa soif d’être aimé par nous. Le
titre du chapitre « amour pour amour » provient des paroles de
Marguerite-Marie et sera plus tard repris par Charles de Foucauld :
« Je
reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour, et me sentis touchée du
désir de quelque retour, et de lui rendre amour pour amour ».
Les numéros 167-171 de l’encyclique montrent
comment nous pouvons passer de l’ingratitude qui fait souffrir le Christ à la
gratitude à travers notre amour pour les frères, un amour que Charles de
Foucauld proclamera universel dans la lignée de l’Evangile. Ecoutons le
pape : Nous devons revenir à la
Parole de Dieu pour reconnaître que la meilleure réponse à l’amour de son cœur
est l’amour pour nos frères. Il n’y a pas d’acte plus grand que nous puissions
offrir pour Lui rendre amour pour amour. La Parole de Dieu le dit avec une
totale clarté… L’amour pour les frères ne se fabrique pas, il n’est pas le
résultat de notre effort naturel mais il exige une transformation de notre cœur
égoïste. C’est alors que surgit spontanément la célèbre supplique : “Jésus,
rends notre cœur semblable au tien”. C’est pour cette même raison que
l’invitation de saint Paul n’est pas : “Efforcez-vous de faire de bonnes
œuvres”. Son invitation est plus précisément : « Ayez entre vous les mêmes
sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5).
Aux numéros 169-170 le pape fait une réflexion
historique fort intéressante sur la grande nouveauté que constituait dans
l’Empire romain l’amour universel des frères incluant beaucoup de pauvres, d’étrangers et autres
laissés-pour-compte qui trouvaient auprès des chrétiens respect, affection et
attention. Les
premiers chrétiens, minoritaires dans l’Empire romain, ont accompli les paroles
de leur Maître et Seigneur : « C’est à l’amour que vous aurez
les uns pour les autres qu’ils reconnaitront que vous êtes mes disciples »
(Jean 13-35). Cette parole de Jésus s’est effectivement réalisée comme le
montre la réaction de l’empereur Julien qui pendant son bref règne (360-363) a
tenté de restaurer la vieille religion romaine traditionnelle. Son projet était
de transposer dans la religion polythéiste les œuvres de charité
chrétiennes :
Cela explique le raisonnement de l’empereur
apostat Julien qui se demandait pourquoi les chrétiens étaient si respectés et
suivis, et qui pensait que l’une des raisons était leur engagement dans
l’assistance des pauvres et des étrangers, puisque l’Empire les ignorait et les
méprisait. Il était intolérable pour cet empereur que ses pauvres ne reçoivent
aucune aide de sa part, alors que les chrétiens détestés, « en plus de nourrir
les leurs, nourrissent encore les nôtres ». Dans une lettre, il ordonna de
créer des institutions caritatives pour rivaliser avec les chrétiens et attirer
le respect de la société… Mais il n’atteignit pas son objectif, probablement parce
qu’il n’y avait pas derrière ces œuvres l’amour chrétien qui permet de
reconnaître à toute personne une dignité unique.
La grande nouveauté chrétienne qui a interpellé
l’empereur Julien, fortement attaché au paganisme et à la culture gréco-latine,
est celle de « la reconnaissance de la dignité de toute personne, aussi et
surtout de ces personnes qualifiées d’indignes ». L’honnêteté exige de
préciser que cette nouveauté chrétienne n’est pas absolument nouvelle. Elle
trouvait en effet des appuis dès le 1er siècle chez les Stoïciens et
en particulier chez Sénèque qui enseignait par exemple la pleine humanité des
esclaves. Au n°170 le pape affirme combien ce
principe nouveau dans l’histoire de l’humanité […] a changé la face du monde en
donnant naissance à des institutions qui s’occupent des personnes en situation
défavorisée.
Enfin au n°171 le pape enseigne que la
contemplation amoureuse du cœur du Christ blessé par amour pour nous nous
conduit à une plus grande charité envers tous les souffrants de notre monde :
Regarder la blessure du cœur du Seigneur qui « a
pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » nous aide à être plus
attentifs aux souffrances et aux besoins des autres, nous rend assez forts pour
participer à son œuvre de libération en tant qu’instruments de diffusion de son
amour.