dimanche 4 mai 2025

Troisième dimanche de Pâques / année C/ DILEXIT NOS 2

 


4/05/2025

En ce 3ème dimanche de Pâques nous continuons la méditation de la première partie de l’encyclique du pape François consacrée à l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ. Dans cette partie introductive qui propose une réflexion à la fois philosophique et anthropologique sur l’importance du cœur le pape nous exhorte à « revenir au cœur ». Il fait sien un concept du philosophe et sociologue polonais Zygmunt Bauman qui décrit la société dans laquelle nous vivons comme un monde liquide. Voici comment ce monde est décrit au n°9 :

Nous évoluons dans des sociétés de consommateurs en série vivant au jour le jour, dominés par les rythmes et les bruits de la technologie, et qui n’ont pas une grande patience pour accomplir les processus que l’intériorité requiert. Dans la société actuelle, l’être humain « risque de perdre le centre, le centre de lui-même ». « L’homme contemporain est souvent perturbé, divisé, presque privé d’un principe intérieur qui crée l’unité et l’harmonie de son être et de son agir » … Le cœur fait défaut.

Le pape relève que la dévalorisation du centre intime de l’homme – du cœur- n’est cependant pas une nouveauté. Dès la philosophie grecque antique, fortement rationaliste, le cœur a été oublié et de manière générale il n’a guère de place dans la grande pensée philosophique occidentale. Les concepts fondamentaux de notre tradition philosophique héritée des Grecs et des Romains sont la raison, la volonté et la liberté. Le pape aurait pu citer une exception notable avec le grand génie que fut Blaise Pascal et qui donne dans ses Pensées une indéniable valeur au cœur. Ecoutons ces citations significatives des Pensées : Nous connaissons la vérité non seulement par la raison, mais encore par le cœur. C’est sur les connaissances du cœur qu’il faut que la raison s’appuie. Ceux qui croient par le cœur sont bien heureux. C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. La foi, c’est Dieu sensible au cœur. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Par rapport à l’oubli du cœur et à la survalorisation de la raison dans la tradition occidentale le pape note : il semblerait que la réalité la plus intime soit aussi la plus lointaine de la connaissance… Si le cœur est dévalorisé, alors parler avec le cœur, agir avec le cœur, mûrir et prendre soin du cœur est également dévalorisé. Il est donc nécessaire de « revenir au cœur » qui fait partie des « mots originels » et qui est « important pour la philosophie et la théologie qui cherchent à réaliser une synthèse ». Au n°14 le pape affirme « je suis mon cœur ». Le cœur opère une synthèse entre d’une part mon individualité, ma personnalité unique, « mon identité spirituelle », et d’autre part ma capacité d’entrer en relation avec les autres, mon ouverture à la « communion avec les autres ». C’est la raison pour laquelle il faut affirmer que nous avons un cœur, que notre cœur coexiste avec les autres cœurs qui l’aident à être un “tu”. Ce qui est en nous le plus intime non seulement nous permet d’être en communion avec les autres (qui me constituent aussi en tant que personne dans la relation), mais ce cœur est aussi ce qui me permet d’unifier mon être. Comme l’écrit le pape : Si le “cœur” nous conduit au plus profond de notre personne, il nous permet aussi de nous reconnaître dans notre globalité et pas seulement dans un aspect isolé. Dans ce contexte nous pouvons penser à un verset du psaume 85 : Montre-moi ton chemin, Seigneur, que je marche suivant ta vérité ; unifie mon cœur pour qu'il craigne ton nom. Concluons cette méditation avec les numéros 17 et 18 de l’encyclique : En même temps, le cœur rend possible tout lien authentique, car une relation qui n’est pas construite par le cœur ne peut pas surmonter le morcellement de l’individualisme. Deux monades qui se croiseraient pourraient seulement se maintenir, mais elles ne s’uniraient pas vraiment. L’anti-cœur est une société de plus en plus dominée par le narcissisme et l’autoréférence. Nous arrivons finalement à la “perte du désir”, parce que l’autre disparaît de l’horizon et nous nous enfermons dans notre égoïsme, incapables de relations saines. En conséquence, nous devenons incapables d’accueillir Dieu… Nous voyons ainsi que, dans le cœur de chaque personne, il existe ce lien paradoxal entre la valorisation de soi et l’ouverture à l’autre, entre la rencontre très personnelle avec soi-même et le don de soi à l’autre. Je ne deviens moi-même que lorsque j’acquiers la capacité de reconnaître l’autre, et que je rencontre l’autre qui peut reconnaître et accepter mon identité.

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