Le mystère de Pâques ne peut pas nous laisser indifférents. En raison de la vérité de l’incarnation du Fils de Dieu, le mystère pascal nous touche au cœur même de ce qui constitue notre existence humaine. Ce mystère de rejet, de souffrance, d’abandon, de mort et de résurrection est résumé par une formule saisissante de la lettre aux Hébreux :
Nous voyons Jésus couronné de
gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait
l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, au profit de tous.
Certains parmi nous sont
naturellement optimistes, d’autres pessimistes et peu enclins à l’espérance ou
se disent tout simplement réalistes. Quel que soit le fond de notre caractère
la mort et la vie éternelle ne sauraient être du point de vue existentiel
placées sur le même plan. Notre condition mortelle, la certitude de notre mort
et l’expérience de la mort de nos proches, s’impose à nous avec une évidence
irrécusable. Nul ne peut nier la dure réalité de la mort et de ce qui la
précède. Comme le constate saint Paul l’homme extérieur va vers sa ruine… Il
n’en va pas de même lorsque nous considérons la vie éternelle et la
résurrection. De ces réalités nous n’avons aucune expérience concrète, si ce
n’est par et dans la foi. Ce qui permet à saint Paul d’affirmer : C’est
pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va
vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. La foi en
la résurrection n’a rien d’évident comme le montrent les récits de Pâques dans
les Evangiles. Cette nuit (lors de la vigile pascale / en ce jour) nous
avons entendu le récit que donne saint Luc de la visite des femmes au tombeau
de Jésus. Dès que le sabbat est terminé, à la pointe de l’aurore, ces femmes
fidèles se rendent au tombeau du Seigneur pour y parachever les rites
funéraires. Elles ne sont pas des pèlerines de l’espérance à ce moment-là. Et voici
que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Ces envoyés
célestes posent la question essentielle : Pourquoi cherchez-vous le
Vivant parmi les morts ? Ils ne nomment pas Jésus, celui dont le corps
devrait être dans la tombe, mais ils parlent du Vivant, de celui qui par
l’offrande de sa vie est devenu prêtre par la puissance d’une vie
indestructible. Voici l’incroyable bonne nouvelle : un homme nommé
Jésus, notre frère en humanité, vit d’une vie indestructible ; un mortel,
un crucifié, vit de la vie même qui est celle de Dieu. C’est le message de Paul
aux Romains : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ;
la mort n’a plus de pouvoir sur lui. Ce message pascal se heurte à
l’incrédulité des apôtres : ces propos leur semblèrent délirants, et
ils ne les croyaient pas. Et Pierre qui constate que le tombeau est en
effet vide ne croit pas pour autant immédiatement : il est tout étonné
de ce qui était arrivé. Oui, l’annonce de Pâques est littéralement
incroyable et étonnante. Sans le don de la foi, sans la lumière de l’Esprit
Saint, il nous est impossible d’entrer dans l’espérance de la vie éternelle à
la suite de Jésus. Et notre foi comporte parfois aussi le doute.
En ce jour de Pâques nous pouvons
nous demander comment renforcer notre foi en la résurrection. En comprenant
tout d’abord que pour un chrétien la vie éternelle est déjà commencée dans
notre vie terrestre bornée par la mort. C’est ce que permettent le baptême et
la foi, ainsi que tous les sacrements et la vie de prière personnelle, sans
laquelle il est difficile de faire une expérience de la présence du Dieu
invisible. François Mauriac se définissait comme un homme « engagé dans
les problèmes d’en bas pour des raisons d’en haut ». Ce qui va nous
permettre de croire de plus en plus en la promesse de la vie éternelle pour
nous, ce sera une foi qui sans cesse cherchera à être ferment de vie dans la
société, une foi engagée qui ne se résigne pas à la fatalité du mal et de
l’injustice. Jésus a été la victime divine de l’injustice des hommes et du mal
qui peut les posséder. Dans la lumière de la résurrection du Seigneur il nous
appartient de témoigner par notre vie, nos choix, nos actes, de ce qu’un autre monde
est possible et que pour un chrétien la fatalité n’existe pas. Nous ne sommes
pas naïfs au point de croire, comme l’ont cru certaines idéologies terrestres,
que le paradis est possible sur notre terre peuplée d’hommes pécheurs. Mais
humblement et réellement nous avons la possibilité de dire « non » à
tout ce qui porte atteinte à la dignité de nos frères en humanité et de
promouvoir les petits et grands changements qui nous permettent d’incarner la
victoire du Ressuscité ici-bas et maintenant. L’espérance de la résurrection ne
nous laisse pas le choix : nous avons à être bons, reflets de la bonté de
de Dieu, et même à devenir meilleurs pour nous rapprocher si possible de notre
divin modèle. Il s’agit bien de changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, non
pas par nos propres forces mais par la puissance de la vie indestructible du
Ressuscité… et cela afin de rendre concrète l’espérance qui nous habite. Car
si, selon la parole de Pierre, nous attendons, selon la promesse du
Seigneur, un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice, il
est nécessaire que cela puisse être visible dans la vie de l’Eglise et des
chrétiens que nous sommes. Finalement Pâques nous pose la question de la
crédibilité de notre foi, donc du témoignage de notre vie : Sommes-nous
crédibles et dignes de confiance ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire