16/02/2025
Luc 6,
20-26
Heureux, vous les pauvres, car le
royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim
maintenant, car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez
maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les
hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre
nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous,
tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel
; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les
riches, car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes
repus maintenant, car vous aurez faim !
Quel malheur pour vous qui riez
maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous lorsque
tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères
traitaient les faux prophètes.
L’Evangile de ce dimanche nous
fait entendre les Béatitudes dans la version qu’en donne saint Luc. Elles sont
au nombre de 4 et suivies de 4 lamentations. Cet enseignement de Jésus est
certainement celui qui est le plus incompréhensible pour nous, celui que nous
ne pouvons accepter et recevoir que très difficilement, justement parce que
nous avons du mal à le comprendre. Tout ce que nous cherchons à éviter dans
notre vie (la pauvreté, la faim, la tristesse et la douleur des pleurs, la
haine et les insultes), Jésus en fait la condition de notre bonheur ! Tout
homme sain d’esprit ne peut être que choqué par ce renversement absolu du
dynamisme de la vie humaine consistant à éviter la souffrance et à rechercher
le plaisir et le bonheur. C’est à n’y rien comprendre… Et malheureusement Jésus
ne donne pas une explication à ses disciples. Il s’agit d’une parole brute,
sans commentaire de sa part. La version de saint Matthieu invite à une
interprétation spirituelle mais saint Luc déclare les pauvres heureux, pas les
pauvres en esprit ! Remarquons tout d’abord que les verbes de la seconde
partie des Béatitudes peuvent être au présent ou au futur. Cela écarte
l’interprétation selon laquelle il faudrait être malheureux sur terre pour être
heureux plus tard au Paradis puisque deux verbes sont au présent. Le Royaume de
Dieu appartient aux pauvres dès maintenant, et ceux qui sont insultés pour leur
appartenance au Christ ont dès maintenant la récompense céleste. Ceci dit la
difficulté de compréhension demeure entière. Suffit-il d’être pauvre pour vivre
du Royaume de Dieu ? Comment une condition matérielle pourrait-elle
déterminer à elle seule la béatitude spirituelle ? Où placer la frontière entre pauvreté et misère ?
Les deux béatitudes, celle de la faim et des pleurs, qui appellent ensuite un
verbe au futur (vous serez rassasiés, vous rirez) peuvent éventuellement être
comprises comme des sentences de sagesse. Pour reprendre un vocabulaire courant
dans l’antiquité la Fortune est capricieuse et renverse les situations du jour
au lendemain. L’homme est impuissant face à ses caprices. La sagesse consiste
donc à comprendre que le bonheur terrestre est fragile et fugitif. Si nous
sommes repus maintenant, si nous sommes dans la joie, ayons bien conscience que
demain il peut en être autrement. Malgré la grande difficulté d’interprétation
des Béatitudes en saint Luc, peut-être pouvons-nous en tirer l’enseignement
suivant : seul Dieu donne le bonheur authentique et durable. C’est en lui
seul que nous pouvons être « riches, rassasiés, joyeux et bénis ».
Pour le reste demeure valable le commencement du livre de l’Ecclésiaste : Vanité
des vanités disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! … J’ai
vu tout ce qui se fait et se refait sous le soleil. Eh bien ! Tout cela
n’est que vanité et poursuite du vent.
Enfin un passage d’Isaïe, au
chapitre 65, peut éclairer ce que Jésus affirme dans les Béatitudes : C’est
pourquoi, ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici : mes serviteurs mangeront ;
vous, vous aurez faim. Mes serviteurs boiront ; vous, vous aurez soif. Voici :
mes serviteurs seront pleins d’allégresse ; vous, vous serez pleins de honte.
Mes serviteurs crieront de joie, le cœur en fête ; vous, vous pousserez
des cris dans la douleur de votre cœur, vous hurlerez, l’esprit brisé ! Pour
mes élus, votre nom servira de malédiction – Mais à ses serviteurs Dieu donnera
un autre nom.
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